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LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

III. Le gel d’avoirs dans le contexte particulier de la lutte contre le financement du terrorisme lutte contre le financement du terrorisme

1. Le régime ordinaire : la CRFT (1999)

L’intérêt de l’ONU pour le problème du terrorisme n’est pas nouveau, puisqu’il date du début des années 1970327, mais il s’est renouvelé en raison des attentats de septembre 2001 aux Etats-Unis. L’ONU avait commencé à examiner l’idée d’élaborer un instrument international contre le financement du terrorisme, en 1998, à l’initiative du gouvernement français328. La Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (CRFT)329 a été ouverte à la signature le 10 janvier 2000 et a déjà été signée et ratifiée par plusieurs pays330, dont la Suisse. Ses axes principaux sont l’incrimination du financement d’actes de terrorisme et le renforcement de la coopération internationale331.

326 MROS (2010), 12e rapport annuel du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent, avril 2010, p. 23. MROS a enregistré une somme record des valeurs patrimoniales communiquées: 2,23 milliards de francs (seulement 9460 francs en matière de financement du terrorisme).

327 L’ONU a adopté les conventions suivantes concernant la lutte contre le terrorisme : Convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs (La Haye, 16 décembre 1970) ; Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 23 septembre 1971); Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale, y compris les agents diplomatiques, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1973; Convention internationale contre la prise d’otages, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 17 décembre 1979; Convention internationale sur la protection physique des matières nucléaires (Vienne, 3 mars 1980) ; Protocole pour la répression d’actes illicites de violence dans les aéroports servant à l’aviation civile internationale, complémentaire à la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile (Montréal, 24 février 1988) ; Convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime (Rome, 10 mars 1988) ; Protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental (Rome, 10 mars 1988) ; Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l’explosif, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 15 décembre 1997 ; Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire (New York, 14 septembre 2005).

328 JOHNSON (2000), p. 268 ss ; fonds monétaire international (2003), La répression du financement du terrorisme : manuel d’aide à la rédaction des instruments législatifs, Département juridique du FMI, p. 6 ; cf.

aussi par. 3 let. f de la résolution A/RES/51/210 du 17 décembre 1996.

329 Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, résolution A/RES/54/109 du 9 décembre 1999; RS 0.353.22.

330 A l’heure actuelle (avril 2011), il y a 173 ratifications ; pour l’état des ratifications, voir : http://treaties.un.org ; avant le 11 septembre 2001, seulement quatre pays avaient déposé des instruments de ratification auprès du Secrétaire général de l’ONU ;GILMORE (2005), p. 130.

331 D’autres éléments importants sont le principe « aut dedere, aut iudicare » et l'universalité de la poursuite (article article 7 par. 4 et article 10) ; cf. CASSANI (2003), p. 311 ; HENZELIN (2000), p. 314 ss. La clause de dépolitisation (article 14) doit également être mentionnée ; SOREL (2003), p. 372

Les Etats Parties de la CRFT sont tenus d’incriminer les infractions liées au financement d’actes de terrorisme visées dans cette convention. La CRFT se réfère à des actes de «financement », c’est-à-dire le fait de fournir ou de réunir des fonds. Selon l’article 2 par. 1, le financement peut avoir lieu « par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement ». Il n’est pas nécessaire que les fonds aient été effectivement utilisés, pour commettre un acte de terrorisme332. En ce qui concerne la culpabilité, le financement du terrorisme au sens de l’article 2 est une infraction intentionnelle : l’auteur doit avoir l’intention de voir utiliser les fonds pour financer des actes de terrorisme, ou savoir qu’ils seront utilisés à cette fin. Ni l’article 2, ni les travaux préparatoires ne clarifient pourtant si le dol éventuel suffit333. Les notions d’« intention » et de « connaissance » ne peuvent être appliquées que conformément au droit pénal général de chaque Etat Partie. Concernant la transposition de l’article 2, certains pays considèrent le financement du terrorisme comme une infraction distincte, alors que d’autres le traitent comme un acte préparatoire à une infraction terroriste ou comme une forme possible d’activité terroriste ou de support à un groupe terroriste334.

La CRFT définit l’expression d’« actes de terrorisme »335, dont le financement est incriminé, en renvoyant d’abord à une liste de neuf traités internationaux, qui figurent à l’annexe de cet instrument336. Ces traités imposent aux Etats Parties l’obligation d’incriminer des actes spécifiques de terrorisme. En plus de cette liste, l’article 2 par. 1 let. b CRFT fournit une définition générale des actes de terrorisme : « tout […] acte destiné à tuer ou blesser grièvement un civil, ou toute autre personne qui ne participe pas directement aux hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque, par sa nature ou son contexte, cet acte vise à intimider une population ou à contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque ». Contrairement aux traités antérieurs, cette disposition ne se limite pas à des cas particuliers d’actes terroristes, mais elle fournit une définition générique337. Néanmoins, le champ d’application de la CRFT ne couvre que les infractions revêtant un caractère transnational338. La CRFT n’interdit pas aux Etats Parties d’établir leur compétence dans ces affaires purement internes ;

332 Article 2 par. 3 CRFT.

333 Rapport du groupe de travail de l'Assemblée générale des Nations Unies, Cinquante-quatrième session, Sixième Commission, du 26 octobre 1999, UN Doc. A/C.6/54/L.2, Annexe III, § 68.

334 PASSAS (2008) p. 308 et 316.

335 Pour une analyse des problèmes de définition voir: SYMEONIDOU-KASTANIDOU (2004), p. 18 ; SOREL (2003), p. 365 ss ; Bantekas (2003), p. 315 ss ; MCCULLOCH / PICKERING (2005), p. 477.

336 La CRFT autorise un Etat Partie à exclure un traité de la liste, mais uniquement s’il n’est pas Partie à ce traité.

337 THONY /PNG (2007), p. 153.

338 Selon son article 3, la CRFT ne s’applique pas « lorsque l’infraction est commise à l’intérieur d’un seul Etat, que l’auteur présumé est un national de cet Etat et se trouve sur le territoire de cet Etat, et qu’aucun autre Etat n’a de raison, en vertu du par. 1 ou du par. 2 de l’art. 7, d’établir sa compétence » ; cf. GILMORE (2005), p. 78.

cependant, elle ne les oblige pas à établir une telle compétence. Comme le fait remarquer Gilmore, aucune obligation spécifique n'est curieusement prévue pour incriminer le blanchiment des fonds visés à l’article 2 CRFT339.

Les dispositions en matière de confiscation et d’entraide aux fins de confiscation ne s’éloignent pas de la logique des autres instruments que nous avons examinés (Convention de Vienne, Convention no 141, etc.). Ce régime ordinaire doit être distingué du régime d’exception en matière de gel des avoirs terroristes mis en place par les résolutions du Conseil de sécurité340.

Selon l’article 8 par. 2 CRFT, les Etats Parties doivent prendre des mesures permettant la confiscation des fonds utilisés ou destinés à être utilisés pour la commission des infractions liées au terrorisme, ainsi que du produit de ces infractions. L’article 8 CRFT contient aussi deux normes non-contraignantes, qui favorisent, d’une part, la conclusion d’accords de partage des fonds provenant de la confiscation et (article 8 par. 3 CRFT), d’autre part, l’affection des fonds à l’indemnisation des victimes du terrorisme (article 8 par. 4 CRFT), c’est-à-dire des infractions visées à l’article 2 par. 1 al. 1 et al. 2 CRFT.

L’article 8 par. 5 CRFT prévoit que ses dispositions sont appliquées sans préjudice des droits de tiers de bonne foi.

L’article 8 par. 1 CRFT impose à chaque Etat Partie l’obligation de prendre les mesures nécessaires à l’identification, à la détection, au gel ou à la saisie de tous fonds utilisés ou destinés à être utilisés pour commettre les infractions liées au terrorisme. La mise en place des mécanismes de déclaration de soupçons de financement de terrorisme peut aider à la détection des avoirs terroristes, et aboutir ultérieurement à une saisie et à une confiscation (article 18 par. 1 let. b CRFT)341. La résolution 1373 (2001)342, que nous examinerons ultérieurement, prévoit des obligations de manière plus détaillée que la CRFT quant au gel des avoirs des terroristes.

En ce qui concerne l’entraide judiciaire, la CRFT impose ainsi aux Etats Parties l’obligation de s’accorder mutuellement l’entraide judiciaire « la plus large possible » dans la lutte contre le financement du terrorisme (article 12 CRFT). Ces dispositions vont généralement plus loin que les neuf conventions

339 GILMORE (2005), p. 79.

340 Voir p. 83 de la présente étude.

341 L’article 18 par. 1 let. b CRFT énonce des recommandations qui n’ont pas de caractère contraignant ; GAFNER

(2006), p. 78. Les Etats Parties doivent envisager l’adoption de règles imposant à l’intermédiaire financier l’obligation d’identifier le client et l’ayant droit économique (article 18 par. 1 let. b ch. i CRFT). La déclaration de transactions suspectes est une autre obligation dont l’introduction a été imposée ou encouragée par plusieurs instruments internationaux dans le contexte de la lutte contre le blanchiment d’argent et dont la CRFT vise à étendre la portée, en imposant également la déclaration de transactions suspectes liées au financement du terrorisme (article 18 par. 1 let. b ch. iii CRFT). Les mesures contre le blanchiment d’argent (AML) sont ainsi devenues AML/ CFT, à la suite de leur consolidation avec les mesures contre le financement du terrorisme ; PASSAS (2008), p. 303.

342 Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité de l’ONU, U.N. SCOR, 56e sess., 4385e réunion, doc.

S/INF/57 (2001).

énumérées à l’annexe343. L’entraide couvre toute enquête, procédure pénale ou procédure d’extradition relative au financement du terrorisme. Les Etats Parties ne peuvent invoquer le secret bancaire pour justifier un refus de coopération (article 12 par. 2). Enfin, les infractions visées dans la CRFT ne peuvent être considérées, à des fins d’extradition ou d’entraide judiciaire, comme des infractions fiscales ou politiques (articles 13 et 14)344.

La Convention vise également au renforcement des mécanismes d’échanges d’informations entre les autorités compétentes nationales, comme les cellules de renseignements financiers (CRF)345. Il s'agit ici d’une forme de coopération internationale employant des moyens autres que l’entraide judiciaire. L'entraide judiciaire traditionnelle couvre l'échange de renseignements par des commissions rogatoires, qui sont réalisées par les autorités compétentes d'un pays auprès de celles d'un autre pays. L'échange de renseignements par des moyens autres que l’entraide judiciaire comprend tous les autres dispositifs, comme les échanges entre CRFs ou autres agences qui communiquent bilatéralement. A cet égard, le risque de la fragmentation de l’information entre les agences doit être pris en considération346.

2. Le régime ordinaire : la Convention n° 198 du

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