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A l’heure actuelle, il existe de nombreux instruments en matière de confiscation, adoptés successivement par des instances différentes. Il est donc utile d’examiner les dispositions de ces instruments et leurs interactions réciproques. L’objectif ultérieur est d’évaluer la capacité de ces instruments à produire des résultats positifs dans la lutte contre la criminalité, en particulier contre la criminalité économique. Une telle évaluation comprend nécessairement l’identification de lacunes, d’incohérences et de conflits normatifs dans le dispositif de la confiscation, au niveau national et international ; cette évaluation doit mettre en relief les enjeux et les défis du droit de la confiscation, en vue de l’améliorer.

L’exercice d’évaluation affirme la nécessité d’une adaptation ciblée des instruments nationaux et internationaux en matière de saisie et de confiscation. Notre proposition pour l’amélioration ciblée de ces instruments dépend des facteurs suivants.

La première question qui se pose est de savoir quels principes et quelles conditions doivent s’appliquer à la saisie et à la confiscation, en particulier à la confiscation autonome (action in rem, civile ou pénale), aux procédures de

26 Cela est tout particulièrement vrai au sein de l'UE, où la disparition des contrôles quant aux mouvements de personnes, de biens et de capitaux offre des opportunités aux réseaux criminels et constitue un défi majeur pour les autorités des Etats membres ; NILSSON (2006), p. 56 ; rapport précité (note 19), p. 24.

27 GILMORE (2005), p. 16 ; HOUSE OF LORDS (2009), Money laundering and the financing of terrorism, European Union Committee, 19th Report of Session 2008–09, HL Paper 132–I, 22.07.2009, p. 11.

28 GILMORE (2005), p. 63 ; CaSsella (2002b), p. 268 ; MCCLEAN (1989), p. 339.

recouvrement de la créance compensatrice, etc. Dans tous les cas de confiscation, il faut définir les types de valeurs patrimoniales confiscables, les infractions en amont, le lien de connexité entre l’infraction et les valeurs patrimoniales, etc. A cet égard, nous étudierons en détail les solutions avancées en droit international, européen et suisse. La démarche relève non seulement du droit comparé, mais aussi du droit de l’entraide judiciaire en matière pénale.

Deuxièmement, il convient d’examiner quels outils législatifs et quelles structures institutionnelles peuvent faciliter l’« asset tracing » au niveau national et international (p.ex. les obligations imposées aux intermédiaires financiers, le suivi d’opérations bancaires, le renversement du fardeau de la preuve, etc.). Ces outils, qui sont mis à la disposition des autorités judiciaires, doivent être modernes et efficaces pour garantir que « le crime ne paie pas ». La modernisation des outils législatifs en matière d’« asset tracing » doit s’accompagner de la simplification et de l’accélération du processus de l’entraide judiciaire. La présente étude vise à contribuer au débat à propos de ces outils, en particulier en ce qui concerne le renversement du fardeau de la preuve quant à l’origine des valeurs patrimoniales à confisquer. Au niveau institutionnel, il convient d’examiner le rôle des bureaux de recouvrement des avoirs (BRA), nouveauté très importante dans le domaine de l’« asset tracing ».

Troisièmement, la question se pose de savoir si un nouvel instrument global en matière de confiscation serait nécessaire. Faute de consensus international à cet égard, l’harmonisation « à bas seuil », tant obligatoire que volontaire, demeure la formule privilégiée dans le domaine de la confiscation internationale. Toutefois, cette méthode a ses limites. Par ailleurs, l’harmonisation « à bas seuil » s’accompagne d’une approche de

« segmentation » dans l’élaboration de normes. Ainsi, les différences, qui opposent les législations nationales, continuent à affecter sensiblement l’efficacité de la confiscation sur le plan international. La dissimulation des profits illicites est facilitée par la fragmentation des dispositifs nationaux. Sans doute, un haut degré d'harmonisation doit-il être atteint pour faire face à l’internationalisation du crime. Le degré d'harmonisation dépend de la volonté politique et de l'importance des divergences juridiques à surmonter.

Quatrièmement, il convient de faire un examen global et approfondi des mécanismes de coopération internationale dans toutes les phases de la confiscation (investigations, saisie, confiscation, restitution, partage des avoirs). La dimension internationale de la lutte contre la criminalité exige le renforcement de ces mécanismes. A ce sujet, il faut voir si une transition graduelle de l’entraide classique à la reconnaissance mutuelle peut être mise en évidence. La reconnaissance mutuelle constitue déjà une piste à laquelle l’UE recourt de plus en plus.

Cinquièmement, il reste à examiner si la protection des droits fondamentaux (procès équitable, présomption d’innocence, garantie de la propriété) est adéquate dans toutes les phases de la confiscation. L’importance de cette protection n'appelle pas de commentaire particulier. Les deux méthodes déjà mentionnées (harmonisation du droit de la confiscation, reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation) doivent se fonder sur un niveau élevé de protection des droits fondamentaux. Le législateur doit assurer l’équilibre entre cette protection et l’efficacité de la saisie et de la confiscation du point de vue des autorités judiciaires. Toutefois, les efforts du législateur pour renforcer cet équilibre, cette cohérence interne dans le dispositif de confiscation, rencontrent un succès mitigé, ce qui se reflète dans la jurisprudence de la Cour EDH.

Sixièmement, il faut évaluer le régime des sanctions ciblées (gel d’avoirs) en matière de lutte contre le terrorisme. Les instruments internationaux, en particulier les résolutions du Conseil de sécurité, créent un régime assez compliqué, peu transparent et lacunaire du point de vue des garanties procédurales. Le gel, en tant que sanction ciblée internationale, a pourtant certains avantages au niveau de sa mise en œuvre. Pour cette raison, nous devons peut-être explorer l’idée d’étendre ce régime à d’autres catégories de personnes et entités (p. ex. barons du trafic de stupéfiants).

Des questions relatives à la confiscation et à l’entraide aux fins de confiscation ont été abordées dans des ouvrages spécialisés, comme les monographies et articles écrits par F. Baumann, P. Bernasconi, U. Cassani, A.

Donatsch, M. Harari, M. Pieth, N. Schmid, G. Stratenwerth, M. Vouilloz, R. Zimmermann, pour ne mentionner que les représentants de la doctrine suisse29. La présente étude vise à s’ajouter aux recherches antérieures, en insistant, cependant, sur les évolutions survenues récemment et en analysant, outre les dispositions du droit suisse, les textes adoptés par des instances internationales.

L’étude est organisée en trois parties. Dans la première partie, nous examinons les instruments internationaux contenant des dispositions relatives à la confiscation et à l’entraide aux fins de confiscation (travaux de l’ONU, du Conseil de l’Europe et du GAFI). Dans la deuxième partie, l’accent est mis sur les initiatives de l’UE dans le cadre du renforcement de la coopération judiciaire pénale, en particulier à des fins de confiscation. Dans la troisième partie, nous examinons les dispositions du droit suisse relatives à la confiscation et l’entraide à des fins de confiscation.

29 Voir Bibliographie, p. 317 de la présente étude.

Tendances en matière de confiscation Allemagne

Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Nombre de décisions

de confiscation 17 744 18 092 20 548 25 676 27 788 35 569 39 858 Source: Statistisches Bundesamt (2002-2008), Strafverfolgungsstatistik, Fachserie 10 Reihe 3 (Verfall und Einziehung) (a) Source : GAFI (2006), Rapport d’évaluation mutuelle des Etats-Unis, p. 49 citant des données du DOJ (Department of Justice).

(b) Source : Assets Forfeiture Fund & Seized Asset Deposit Fund (2003-2009), Annual reports to the Congress, FY 2003-FY 2009, Summary of Forfeited Property by Disposition Method and Property Type

France

Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Nombre de décisions de

confiscation 11 597 12 654 12 908 11 280 - - -

Source: Ministère de la Justice (2008), Annuaire statistique de la Justice, p. 159 (valeurs provisoires exclues) Italie (c) Source: GAFI (2005), Rapport d’évaluation mutuelle de l’Italie, p. 33

(d) Source: Ministero della Giustizia (2009), Valore stimato dei beni immobili confiscati e assegnati, Statistiche 31.07.2008 & 30.11.2009 (e) Source : GAFI (2007), Rapport d’évaluation mutuelle du Royaume-Uni, p. 57 citant des données du JARD (Joint Asset Recovery Database)

(f) Source : Home Office (2009), Extending Our Reach: A Comprehensive Approach to Tackling Serious Organised Crime, p. 54 citant des données du JARD (Joint Asset Recovery Database)

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