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II. Les travaux de l’UE sur la question particulière de la confiscation internationale la confiscation internationale

7. La décision cadre 2005/212/JAI

La décision cadre 2005/212/JAI631, adoptée à l’initiative du Royaume du Danemark632 vise à compléter les dispositions de la décision cadre 2001/500/JAI. Selon le rapport Di Lello Finuoli, l’amélioration du dispositif juridique en matière de confiscation s’avère nécessaire633 ; comme l’indique aussi le préambule de la décision cadre 2005/212/JAI, « les instruments qui existent dans ce domaine n’ont pas suffisamment contribué à assurer une coopération transfrontalière efficace en matière de confiscation ».

628 Rapport de la Commission (note 446), conclusions.

629 Communication de la Commission (note 7), section 3.1.

630 Rapport précité (note 513), p. 89 ss.

631 Décision cadre 2005/212/JAI du Conseil du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, JO L 68 du 15.3.2005.Les bases juridiques du nouvel instrument, , sont l’article 29 TUE, l’article 31 par. 1 let. c TUE et l’article 34 par. 2 let. b TUE

632 JO C 184 du 2.8.2002, p. 3.

633 Rapport précité (note 618), p. 14.

L’objectif de la décision cadre 2005/212/JAI est de garantir que tous les Etats membres de l’UE disposent d’une réglementation efficace en matière de confiscation des produits du crime, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve quant à l’origine des avoirs. Sans doute, le rapprochement des dispositions sur la confiscation facilite-il la reconnaissance mutuelle des décisions de confiscation634.

Au niveau terminologique, la décision cadre emploie, en substance, les mêmes définitions que la Convention no 141 du Conseil de l’Europe. Cette uniformité terminologique devient évidente, si on compare l’article 1 de la Convention no 141 avec l’article 1 de la décision cadre 2005/212/JAI635. Toutefois, selon un rapport de la Commission, en l'absence d’informations détaillées sur la transposition de l’article 1, « il est parfois difficile, voire impossible, pour la Commission d'être certaine que les dispositions de la décision cadre ont été correctement transposées »636.

Selon l’article 2 de la décision cadre 2005/212/JAI, la confiscation doit être possible lorsque les instruments et les produits proviennent de certaines infractions préalables. Il s’agit des infractions pénales passibles d'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à un an. L’article 2 de la décision cadre 2005/212/JAI a donc employé le même seuil que celui retenu dans la décision cadre du Conseil 2001/500/JAI ; la différence entre les deux instruments tient au fait que la nouvelle décision cadre supprime la possibilité de réserves qui permettait de ne pas prévoir de confiscation en cas d’infraction fiscale637. Certains Etats membres ne prévoient pas de seuil minimum car ils appliquent la confiscation à tous les crimes638. Il est positif que, outre la confiscation des produits des infractions, l’article 2 par. 1 de la décision cadre 2005/212/JAI couvre également le recouvrement de la créance compensatrice (« confiscation […] de biens dont la valeur correspond à ces produits »)639.

L’article 2 par. 2 de la décision cadre fait une référence à la question délicate des infractions fiscales ; selon cette disposition, les procédures pénales ne sont pas le seul moyen pour priver l’auteur des produits de l’infraction.

D’autres procédures, telles que les procédures administratives, peuvent être efficaces à cet égard. Le droit de certains Etats membres, comme la Belgique, la

634 MITSILEGAS (2006), p. 1286 ; MASSE (2006), p. 468.

635 Le terme de « produit » est ainsi défini de manière à inclure tout avantage économique tiré d’infractions pénales. Le terme de « bien » est aussi défini de manière large, afin de couvrir tous les biens de tout type, corporels ou incorporels, meubles ou immeubles, « ainsi que les actes juridiques ou documents attestant d’un titre ou d’un droit sur le bien ». Enfin, le terme d’« instrument » de l’infraction pénale est conçu de manière à inclure tous les objets qui sont employés ou destinés à être employés, de quelque façon que ce soit, en tout ou partie, pour commettre une telle infraction.

636 Rapport de la Commission sur la base de l'article 6 de la décision cadre du Conseil du 24 février 2005 concernant la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime (2005/212/JAI), COM (2007) 805 final du 17.12.2007.

637 Rapport précité (note 636), p. 4.

638 Rapport précité (note 636), p. 4.

639 L’article 3 de la décision cadre 2001/500/JAI prévoit aussi cette possibilité ; voir p. 132 de la présente étude.

Bulgarie et la Lituanie, prévoit un tel recours à des procédures autres que pénales afin de priver l’auteur des produits d’infraction fiscales.

Sans doute, l’article 3, intitulé « pouvoirs de confiscation élargis », constitue-t-il la disposition la plus importante de la décision cadre 2005/212/JAI. Selon la Commission, « [b]ien que restant en deçà des ambitions de la proposition initiale de l'instrument, l’article 3 est la véritable plus value de cette décision cadre »640. Les Etats membres sont tenus de permettre la confiscation des avoirs détenus par une personne reconnue coupable d’une infraction liée à la criminalité organisée. La notion de la criminalité organisée, qui soulève bien des controverses doctrinales641, est définie au niveau de l’UE par l’action commune 98/733/JAI du 21 décembre 1998 relative à l’incrimination de la participation à une organisation criminelle dans les Etats membres de l’UE642. Cependant, selon l’article 3 de la décision cadre 2005/212/JAI, l’infraction ne doit pas seulement être liée à la criminalité organisée, mais elle doit aussi faire partie de la liste d’infractions fournie à l’article 3 par. 1 let. a (faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l’euro, blanchiment d’argent, traite des êtres humains, aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, exploitation sexuelle des enfants, trafic de drogue, terrorisme etc.). Il s’agit là d’une liste limitative d'infractions harmonisées et établies en application de six décisions cadres643. A cette liste s’ajoutent les infractions de terrorisme644 (article 3 par. 1 let. b de la décision cadre 2005/212/JAI), qui ne doivent pas nécessairement être commises dans le cadre d’une organisation criminelle, contrairement aux infractions énumérées à l’article 3 par. 1 let. a. Dans tous ces cas, les biens de la personne reconnue coupable de l’infraction seront confisqués. L’obligation de prévoir une possibilité de confiscation élargie implique que l'infraction doit être de nature à générer des bénéfices ; cependant, de nombreux Etats membres n’ont pas repris cette condition, ce qui permet une plus grande souplesse dans la mise en œuvre de la décision cadre.

640 Rapport précité (note 636), p. 5.

641 Voir p. 6 de la présente étude.

642 JO L 351 du 29.12.1998, p. 1.

643 Décision cadre 2000/383/JAI du Conseil du 29 mai 2000 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux-monnayage en vue de la mise en circulation de l’euro (JO L 140 du 14.6.2000, p. 1) ; décision cadre 2001/500/JAI du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime (JO L 182 du 5.7.2001, p. 1) ; décision cadre 2002/629/JAI du Conseil du 19 juillet 2002 relative à la lutte contre la traite des êtres humains (JO L 203 du 1.8.2002, p. 1) ; décision cadre 2002/946/JAI du Conseil du 28 novembre 2002 visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers (JO L 328 du 5.12.2002, p. 1) ; décision cadre 2004/68/JAI du Conseil du 22 décembre 2003 relative à la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie (JO L 13 du 20.1.2004, p. 44) ; décision cadre 2004/757/JAI du Conseil du 25 octobre 2004 concernant l’établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue (JO L 335 du 11.11.2004, p. 8).

644 Les infractions qui relèvent de la décision cadre 2002/475/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme (JO L 164 du 22.6.2002, p. 3).

Pour sa part, l’article 3 par. 2 de la décision cadre offre trois solutions, quant aux standards de la preuve. Premièrement, la confiscation sera possible dans les cas où un tribunal national est pleinement convaincu que les biens en question proviennent d’activités criminelles de la personne condamnée (article 3 par. 2 let. a). Cette mesure concerne les biens acquis par la personne condamnée au cours d’une période antérieure à la condamnation, période déterminée par le tribunal selon les circonstances de l’espèce. Deuxièmement, la confiscation sera possible dans les cas où un tribunal national est pleinement convaincu, « sur la base d’éléments concrets », que les biens en question proviennent d’activités criminelles « similaires » de la personne condamnée au cours de cette période raisonnable antérieure à la condamnation (article 3 par. 2 let. b). Enfin, la confiscation sera possible dans les cas où la valeur des biens est disproportionnée par rapport au revenu légal de la personne condamnée (article 3 par. 2 let. c). Dans ce dernier cas, le tribunal doit être pleinement convaincu de l’origine criminelle des biens par l’existence d’éléments concrets. La Commission a fait remarquer que la mise en œuvre du paragraphe 2 de l'article 3 a posé le plus de difficultés, notamment liées aux principes fondamentaux, « à l'administration de la charge de la preuve, le lien habituellement exigé entre l’infraction qui donne lieu à condamnation et ce qui est confisqué, le droit à un procès équitable, mais aussi la proportionnalité entre la peine et les faits reprochés »645.

La décision cadre aborde également la question de la confiscation des biens, qui n’appartiennent pas directement à la personne concernée. Les opérations de blanchiment d’argent impliquent souvent le recours aux services d’hommes de paille ou de sociétés vitrines. Pour faire face à des stratagèmes de ce type, l’article 3 par. 3 de la décision cadre soutient l’adoption des mesures permettant la confiscation de tout ou partie « des biens acquis par les associés de la personne concernée, ainsi que des biens transférés à une personne morale sur laquelle la personne concernée exerce, seule ou par l’intermédiaire de ses associés, une influence déterminante » . Pour tout ou partie, un tel dispositif est prévu par la législation d’Etats membres comme la Belgique, la Bulgarie, le Danemark, la Finlande, etc. Le critère employé est principalement celui du contrôle effectif.

Toutefois, la décision cadre ajoute le critère de l’intérêt financier : si la personne concernée perçoit une part importante des gains de la personne morale, les biens de cette société peuvent être confisqués.

La transposition de la décision cadre 2005/212/JAI a fait l’objet d’un rapport de la Commission646, comme le prévoit l’article 6. La Commission a évalué les mesures de transposition adoptées par 16 Etats membres647. Selon ce

645 Rapport précité (note 636), p. 6.

646 Rapport précité (note 636).

647 Plus précisément : 16 Etats membres ont participé à l’évaluation (BE, BG, CZ, DE, DK, EE, FI, FR, HU, IE, LT, MT, NL, PL, RO, SE). 5 Etats membres (EL, IT, LV, LU, PT) ont déclaré que leurs actes législatifs respectifs

rapport, « la Commission juge préoccupant que la transposition de cette décision cadre soit toujours aussi peu avancée dans les Etats membres ». La Commission a souligné de nouveau l’importance de l'adoption de « dispositions législatives solides et complètes au niveau national » pour assurer une lutte efficace contre la criminalité organisée au niveau de l’Union européenne. Pour cette raison, elle a encouragé les Etats membres, qui étaient en train d’élaborer les dispositions législatives requises, à les adopter au plus vite et à en communiquer le texte à la Commission. A la fin de 2008, la Commission a identifié deux autres faiblesses de la décision cadre 2005/212/JAI648 : d’une part, un manque de clarté des dispositions du texte, qui conduit à une transposition fragmentaire ; d’autre part, la marge de manœuvre quant aux critères à appliquer aux fins de la confiscation élargie, qui limite de facto la portée de la reconnaissance mutuelle.

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