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LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

III. Le gel d’avoirs dans le contexte particulier de la lutte contre le financement du terrorisme lutte contre le financement du terrorisme

6. Les recommandations spéciales du GAFI (2001)

Les recommandations spéciales du GAFI, adoptées en 2001 et 2004402, visent à combattre le financement des actes et des organisations terroristes. Elles reprennent certaines mesures qui avaient déjà été développées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme403. Par exemple, elles prévoient pour tous les Etats la ratification de la CRFT et la mise en œuvre immédiate des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité, notamment de la résolution 1373

398 Cour EDH, décision de recevabilité du 16 octobre 2007 dans l’affaire Beric e.a. c. Bosnie-Herzégovine, §§ 27 à 29.

399 Cour EDH, arrêt Segi et autres c. l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède du 23 mai 2002, n° 6422/02 et n° 9916/02, Recueil CourEDH 2002-V.

400 Voir p. 179 de la présente étude.

401 Rapport précité (note 27), p. 52.

402 GAFI (2001), Recommandations spéciales sur le financement du terrorisme, du 31 octobre 2001. En octobre 2004, une neuvième recommandation spéciale a été ajoutée, selon laquelle les pays doivent bloquer les mouvements transfrontaliers d’espèces ou instruments au porteur servant au financement du terrorisme.

403 SOREL (2003), p. 373.

(recommandation spéciale I). Les Etats membres du GAFI doivent incriminer le financement du terrorisme, des actes terroristes et des organisations terroristes (recommandation spéciale II)404 ; ils doivent aussi imposer aux institutions financières (ou aux autres entreprises ou entités assujetties aux obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux) l’obligation de dénonciation en cas de soupçons de financement du terrorisme (recommandation spéciale IV). En octobre 2004, une neuvième recommandation spéciale a été ajoutée, selon laquelle les pays doivent bloquer les mouvements transfrontaliers d’espèces ou instruments « soupçonnés d’être liés au financement du terrorisme ou au blanchiment de capitaux, ou faisant l’objet de fausses déclarations ou divulgations »405.

En ce qui concerne les procédures de saisie et de confiscation, la recommandation spéciale III suit la logique de la recommandation 3 du GAFI : les pays devraient adopter des mesures permettant à leurs autorités ou tribunaux compétents de saisir et de confisquer les biens visés. Dans le cas de la recommandation spéciale III, les biens visés sont ceux utilisés pour, ou destinés à être utilisés pour le financement du terrorisme, d’actes terroristes ou d’organisations terroristes. Les mesures à prendre sont similaires à celles indiquées dans des instruments internationaux antérieurs406, en particulier dans l’article 8 CRFT. La recommandation spéciale III répète simplement les obligations imposées par cette convention internationale, quant aux procédures de saisie et de confiscation. La terminologie employée par le GAFI dans la recommandation spéciale III et sa note interprétative ne s’éloigne pas des définitions classiques d’autres instruments internationaux, comme les Conventions de l’ONU et du Conseil de l’Europe407.

404 Comme la CRFT, la note interprétative de la recommandation spéciale II définit l’expression « actes de terrorisme » dont le financement est incriminé, en renvoyant à une liste de neuf traités de l’ONU ; elle fournit aussi une définition générique selon laquelle on entend par acte terroriste « tout autre acte destiné à provoquer le décès ou des blessures corporelles graves à un civil ou toute autre personne ne prenant pas activement part à des hostilités dans une situation de conflit armé, lorsque l’objet de cet acte, par sa nature ou son contexte, est d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à commettre ou s’abstenir de commettre un acte quelconque ».

405 LEVI (2003), p. 224. Le problème est particulièrement grave en Afrique ; Goredema in Pieth (2009), p. 26 ss.

En Suisse, la loi fédérale du 3 octobre 2008 sur la mise en œuvre des recommandations révisées du GAFI, en vigueur depuis le 1er fév. 2009 (RO 2009 361 367; FF 2007 5919), a introduit une nouvelle disposition, l’article 95 al. 1bis de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes, RS 631.0, pour assurer le contrôle des transports transfrontaliers d’espèces. Toutefois, cette disposition, loin d’établir un système de déclaration, se contente d’affirmer que les autorités douanières suisses soutiennent la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans le cadre de leurs tâches ; cf. CASSANI (2008), p. 376.

406 Par exemple, cf. article 5 de la Convention de Vienne ; articles 12 à 14 de la Convention de Palerme.

407 Ainsi, le terme de « gel » signifie l’interdiction du transfert, de la conversion, de la cession ou du déplacement de fonds ou d’autres biens « par suite d’une mesure prise par une autorité ou un tribunal compétent ». Le terme de « saisie » se réfère à des mesures de gel, qui permettent cependant à l’autorité ou au tribunal compétent « de prendre le contrôle des fonds ou autres biens concernés ». Le terme

« confiscation » est défini comme « la privation permanente des fonds ou autres biens sur décision d’une autorité ou d’un tribunal compétent », ce qui implique le transfert de la propriété des biens visés à l’Etat.

Enfin, la note interprétative de la recommandation spéciale III fournit la définition des termes « fonds » et

« biens », et une liste non limitative d’actifs : les crédits bancaires, les chèques de voyage, les chèques bancaires, les mandats, les actions, les valeurs mobilières, les obligations, les traites ou lettres de crédit, etc.

La recommandation spéciale III invite aussi les pays à assurer la mise en œuvre des résolutions des Nations Unies relatives à la prévention et à la répression du financement des actes terroristes. En d’autres termes, les pays doivent geler sans délai les fonds ou autres biens des terroristes et de ceux qui financent le terrorisme ou les organisations terroristes, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité, en particulier la résolution 1267 (1999) 408 et la résolution 1373 (2001), ainsi que de toute résolution à venir relative au gel, ou le cas échéant, la saisie de biens de terroristes.

En ce qui concerne la mise en œuvre des mesures de gel, la note interprétative de la recommandation spéciale III propose deux options principales : d’une part, la loi peut désigner une autorité ou un tribunal pour administrer des mesures de gel. D’autre part, la loi peut attribuer cette responsabilité à la personne ou l’entité détenant les biens à geler, « en la soumettant à des sanctions en cas de non-respect de ladite loi ». La note interprétative fournit d’autres directives pour la mise en place de procédures de gel efficaces. Ainsi, le gel doit avoir lieu sans délai, afin de maintenir une situation existante jusqu'à l'examen d'une requête de saisie ou de confiscation.

En outre, les procédures de gel doivent assurer la collaboration des institutions financières et d’autres personnes ou entités susceptibles de conserver des biens de terroristes. Entre autres, l’obligation de collaboration comprend l’obligation de ne pas informer les personnes ou entités concernées. Des systèmes efficaces doivent être prévus pour faire connaître au secteur financier, sans délai, les initiatives prises dans le cadre des mécanismes de gel.

Il y a un autre aspect important que la note interprétative met en lumière : les pays doivent prévoir des procédures de radiation des listes et de déblocage des biens. Les listes des personnes ou entités terroristes sont soumises à la modification et si des personnes ou des entités sont retirées de ces listes, les pays doivent débloquer « dans les meilleurs délais » les biens gelés.

S’agissant des personnes et entités inscrites sur la liste récapitulative du Comité 1267, la radiation de la liste doit être faite conformément aux procédures adoptées par ce comité. La note interprétative de la recommandation spéciale III souligne que si la personne ou l’entité concernée n’est pas en réalité une personne visée (par exemple, si ces deux personnes portent des noms identiques ou des noms présentant des ressemblances409), les pays doivent élaborer des procédures de vérification et de déblocage des biens. L’ouverture de l’accès à des fonds ou autres biens gelés doit aussi être possible dans certaines circonstances, par exemple pour couvrir des dépenses de base, pour le paiement de certains types de commissions, de frais et de rémunération de services, ou pour des dépenses extraordinaires.

408 La note interprétative de la recommandation spéciale III explique que le terme de « résolution 1267 (1999) » fait référence à cette résolution et aux résolutions ultérieures, comme les résolutions 1333 (2000), 1363 (2001), 1390 (2002) et 1455 (2003).

409 Pour une analyse détaillée de ce risque voir : FITZGERALD (2007), p. 41 ss.

Enfin, en étendant le mandat du GAFI à la lutte contre le financement du terrorisme, les pays ont décidé de se soumettre aux mécanismes d’évaluation de cette institution. Ces mécanismes s’étaient montrés efficaces dans le contexte des 40 recommandations et sont maintenant employés dans la lutte contre le terrorisme. C’est un nouvel élément que les 9 recommandations spéciales ajoutent au cadre juridique existant contre le terrorisme (Conventions et résolutions de l’ONU). Il faut noter que le GAFI a d’abord utilisé les autoévaluations comme source pour évaluer la mise en conformité des pays avec les recommandations spéciales410. Plus récemment, le troisième cycle d’évaluation mutuelle du GAFI a offert une occasion pour évaluer, pour la première fois de manière indépendante, la mise en conformité des droits nationaux avec les 9 recommandations spéciales du GAFI411.

410 GAFI (2002), Questionnaire d’autoévaluation : recommandations spéciales sur le financement du terrorisme (31 janvier 2002), http://www.fatf-gafi.org/TerFinance_fr.htm.

411 JOHNSON (2008), p. 53.

Recommandation spéciale III du GAFI Notation de conformité 3e exercice d’évaluation mutuelle du GAFI Membres du GAFI Rapport d’évaluation

mutuelle Notation Afrique du Sud février 2009 PC

Allemagne mars 2010 PC

Australie octobre 2005 GPC

Autriche juin 2009 PC

Belgique juin 2005 PC

Brésil juin 2010 NC

Canada février 2008 GPC

Chine juin 2007 NC

Conseil de Coopération du Golfe (CCG)

Émirats Arabes Unis (EAU) Qatar

avril 2008 PC NC

Corée juin 2009 PC

Danemark juin 2006 PC

Espagne juin 2006 GPC

France février 2011 PC

Fédération de Russie juin 2008 PC

Finlande octobre 2007 PC

Grèce juin 2007 PC

Hong Kong, Chine juin 2008 PC

Inde juillet 2010 GPC

Irlande février 2006 PC

Islande octobre 2006 NC

Italie octobre 2005 GPC

Japon octobre 2008 PC

Luxembourg février 2010 PC

Mexique octobre 2008 NC

Norvège juin 2005 PC

Nouvelle-Zélande octobre 2009 PC

Pays-Bas février 2011 GPC

Portugal octobre 2006 PC

Royaume d'Arabie saoudite juillet 2010 PC

Singapour février 2008 GPC

Suède février 2006 PC

Suisse octobre 2005 PC

Turquie février 2007 PC

Royaume-Uni juin 2007 C

Etats-Unis juin 2006 GPC

Source : rapports disponibles sur le site web du GAFI, http://www.fatf-gafi.org

Note : conforme (C), en grande partie conforme, (GPC), partiellement conforme (PC) et non-conforme (NC).

IV. Conclusions intermédiaires : les instruments

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