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Conclusions intermédiaires : les instruments internationaux en matière de confiscation internationaux en matière de confiscation

LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX

IV. Conclusions intermédiaires : les instruments internationaux en matière de confiscation internationaux en matière de confiscation

Dans la première partie de l’étude, nous avons examiné les instruments internationaux (travaux de l’ONU, du Conseil de l’Europe, de l’OCDE et du GAFI) contenant des dispositions relatives à la confiscation, à l’entraide aux fins de confiscation et à la question particulière du gel des avoirs terroristes.

Nous pouvons ici résumer les résultats de cet examen, en insistant sur les points suivants.

D’abord, une prolifération des initiatives internationales peut être mise en évidence après 1988. Une telle action et mobilisation de la communauté internationale étaient à notre avis nécessaires, car en l’absence de systèmes de contrôle la globalisation financière risquerait d’être exploitée par les criminels et les organisations criminelles412. La prolifération des initiatives a été accompagnée par une « multiplication des intervenants dans le processus d’élaboration des normes »413, tendance qui caractérise de plus en plus le droit pénal économique et qui relativise, à un certain degré, le pouvoir normatif de l’Etat414. Le législateur national doit donc tenir compte des travaux menés et des propositions avancées par les organisations internationales, les législateurs d’autres Etats, les ONG et la société civile, les «stakeholders» du secteur financier, etc.

Dans ce processus d’élaboration de normes, les instruments de droit mou influencent de plus en plus les politiques criminelles des Etats. Le rôle central du GAFI en matière de lutte contre le blanchiment en est un exemple415. Même si les standards du GAFI ne sont pas juridiquement contraignants, les moyens d’action du GAFI (recommandations, évaluations mutuelles) se sont révélés très efficaces et ont amélioré la mise en conformité des Etats membres. Des interactions fortes existent aussi entre les travaux du GAFI et le droit conventionnel416 ; par exemple, la Convention no 198 du Conseil de l’Europe a été largement influencée par les travaux du GAFI. L’influence des recommandations du GAFI peut aussi être mise en évidence dans l’élaboration des normes du droit de l’UE417. De cette manière, les normes du droit mou deviennent partie du droit dur. Par ailleurs, les textes du GAFI font souvent référence aux instruments de droit conventionnel et recommandent la

412 PIETH (1998), p. 161. Cet auteur parle de l’importance d’un « level playing field amongst key competitors in order to marginalize those who fall below the benchmark » ; PIETH (2006), p. 9 ss.

413 CASSANI (2008), p. 237.

414 DE MAILLARD (2001), p. 87 ss.

415 Voir p. 30 ss et p. 62 ss de la présente étude.

416 CASSANI (2008), p. 252, 262.

417 GILMORE (2005), p. 213.

ratification sans réserves des conventions de l’ONU en matière de droit pénal économique.

En général, les instruments internationaux que nous avons étudiés imposent aux Etats Parties la double obligation de prendre certaines dispositions au niveau national et de coopérer le plus possible dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, contre la corruption, contre la criminalité transnationale organisée etc.

L’harmonisation « à bas seuil »418 demeure la méthode privilégiée lors de l’élaboration d’un instrument international dans le contexte du droit pénal économique. Comparée à l’unification du droit, l’harmonisation partielle manque peut-être d’ambition ; cependant, elle offre des avantages pratiques en facilitant la transposition de l’instrument international dans le droit national, ce qui peut encourager plus de pays à l’adopter.

La confiscation et la remise de valeurs ne sont pas « standard » en pratique, même si elles sont graduellement devenues des « standards » de coopération dans les textes adoptés par des instances internationales419. Après l’adoption de la Convention de Vienne, tous les instruments internationaux en matière pénale contiennent des dispositions de ce type, qui exigent l’incrimination de comportements (trafic de stupéfiants, participation à une organisation criminelle, corruption, blanchiment d’argent et récemment financement du terrorisme), et l’adoption de mesures permettant la saisie et la confiscation du produit des infractions visées. La reconnaissance des procédures de confiscation autonome (civile ou pénale), indépendantes de toute poursuite à l’encontre de l'auteur, est une autre tendance à mettre en évidence, notamment dans les travaux du Conseil de l’Europe (Conventions no 141 et no 198) et du GAFI (recommandation no 3). Les instruments internationaux abordent aussi la question du sort des biens confisqués (dispositions sur le partage et la restitution des avoirs). A cet égard, nous soutenons la création d’un réseau étendu de conventions bilatérales, sur la base du modèle de convention de partage de l’ONU.

A notre avis, un régime de confiscation efficace présuppose le renforcement de la réglementation du secteur financier. Les instruments internationaux imposent déjà aux Etats Parties l’obligation d’instituer un régime de réglementation du secteur financier420, afin de décourager et de détecter le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Dès lors que ce régime met l’accent sur les exigences en matière d’identification des clients et des ayants droit économiques, d’enregistrement d’opérations et de déclaration d’opérations suspectes, la localisation d’actifs et leur confiscation

418 CASSANI (2008), p. 235.

419 GOSSIN (2006), p. 327.

420 Voir, par exemple, article 7 par. 1 let. a, Convention de Palerme et l’article 14 par. 1 let. a de la Convention de Mérida.

ultérieure sont facilitées. Outre la localisation d’actifs, le renforcement de la réglementation du secteur financier peut aussi assurer la disponibilité des avoirs à saisir et à confisquer421. Sans être une panacée, les exigences du GAFI en matière de réglementation du secteur financier assurent, à un degré satisfaisant, la localisation et la disponibilité des produits de la criminalité.

Les instruments internationaux de coopération internationale en matière pénale font preuve d’une tendance à l’harmonisation et à la modernisation des procédures d’entraide422. Selon R. Zimmermann423, cette tendance se manifeste notamment dans l’allègement des clauses d'exclusion de l'entraide (réduction de la portée des motifs d'exclusion liés au délit politique et au délit fiscal424), dans le développement de nouvelles mesures d'entraide judiciaire et de coopération policière (équipes communes d'enquête, livraisons surveillées, etc.) et dans la communication directe entre les autorités nationales425. Cette évolution devient évidente lorsque nous comparons, par exemple, les dispositions de la CEEJ aux dispositions de la Convention no 198 du Conseil de l’Europe426. Nous soulignons l’importance de l’examen périodique des instruments internationaux, en particulier des traités d’entraide bilatéraux, en vue de leur modernisation éventuelle427.

Les droits internes comportent des conditions pour la reconnaissance des décisions étrangères dans le domaine de la confiscation. Les conventions internationales, comme la Convention n° 141, remettent en cause ces conditions et limitent le nombre de motifs de refus de coopération. Sans doute une reconnaissance quasi-automatique des décisions de confiscation étrangères constitue-t-elle la forme d'entraide la plus renforcée. Cela nécessite d’adopter certains standards minimaux de procédure (harmonisation), assurant que les personnes affectées par les mesures de confiscation disposent de recours juridiques effectifs pour préserver leurs droits428.

Les instruments internationaux en matière de lutte contre le blanchiment, contre la corruption et contre la criminalité transnationale organisée se recoupent à un certain degré. Ce qui crée l’impression d’un manque

421 En droit suisse, voir l’article 10 LBA (obligation de blocage interne des avoirs) et 10a LBA (« no tipping-off rule »).

422 Voir p. 44 ss de la présente étude.

423 ZIMMERMANN (2007), p. 63.

424 Cf. par exemple l’article 14 CRFT. Cf. aussi la Convention d'entraide judiciaire de l'Union européenne.

425 Cf. par exemple l’article 30 de la Convention no 173 du Conseil de l’Europe. Au niveau de l’UE, la communication directe devient la règle ; cf. infra, article 6 de l’Acte du Conseil du 29 mai 2000 établissant, conformément à l’article 34 TUE, la convention relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l’Union européenne, JO C 197 du 12.7.2000, p. 1.

426 Voir p. 47 ss et p. 69 ss de la présente étude.

427 DANDURAND (2007), p. 241.

428 Par exemple, selon l’article 5 de la Convention no 141 du Conseil de l’Europe : « Chaque Partie adopte les mesures législatives et autres qui se révèlent nécessaires pour faire en sorte que les personnes affectées par les mesures prévues aux articles 2 et 3 disposent de recours juridiques effectifs pour préserver leurs droits ».

d’agencement des normes selon un plan méthodique. Cependant, il faut considérer que chaque initiative est le produit d’un long processus de négociations et de compromis, et qu’elle fait partie d’une évolution juridique reflétant le momentum politique de l’époque. Un manque de standardisation est donc à un certain degré inévitable. La question se pose de savoir si un instrument global relatif au blanchiment d’argent et à la confiscation, une sorte de Convention no 141 globale, pourrait fournir des solutions plus cohérentes qu’une série d’instruments relatifs à des infractions particulières (trafic de stupéfiants, corruption, participation à une organisation criminelle).

Quels seraient donc les éléments essentiels d’un tel régime global ? D’abord, les Etats Parties seraient tenus d’adopter les mesures nécessaires pour permettre la confiscation (confiscation de biens / confiscation de la valeur). A cet égard, l’article 2 par. 1 de la Convention no 141 du Conseil de l’Europe pourrait assumer une portée globale, en inspirant les dispositions d’une nouvelle convention de l’ONU relative à la confiscation (et peut-être au blanchiment d’argent). Le principal défi serait de définir les infractions en amont, dont le produit ferait l’objet de confiscation, en explorant peut-être la piste de la Convention no 198 ; à cet égard, l’harmonisation demeure très incomplète. En tout cas, l’étendue de la faculté d’ « opting out » ne devrait pas compromettre l’efficacité de l’instrument.

Les instruments existants définissent déjà, de manière satisfaisante, les valeurs patrimoniales soumises à la confiscation (« instruments» et « produits » des infractions en amont) ; une nouvelle convention pourrait donc simplement reprendre ces définitions. En ce qui concerne le renversement du fardeau de la preuve, un régime global en matière de confiscation pourrait avancer cette idée sur une base facultative. A long terme, il ne faudrait pas exclure l’idée de transformer cette faculté en obligation. Une convention internationale en matière de confiscation pourrait aussi faciliter l’entraide, grâce à l’harmonisation des régimes nationaux en la matière. Cela est particulièrement vrai s’agissant de la saisie et des mesures d’investigation telle que la surveillance de comptes. A son tour, l’harmonisation des régimes nationaux de l’entraide pourrait conduire à des procédures fondées sur la reconnaissance mutuelle.

Néanmoins, l’idée d’élaborer une convention globale relative au blanchiment d’argent et à la confiscation semble être trop ambitieuse et difficilement réalisable. L’introduction d’un régime global en matière de confiscation risque de se heurter à des difficultés et des retards considérables, comme c’était souvent le cas avec les instruments internationaux existants.

L’approche du GAFI, fondée sur le droit mou, a eu un certain succès ; cependant, cette approche se limite aux membres du GAFI, alors qu’une convention de l’ONU a une portée juridique globale. Une telle convention relative à la confiscation et, possiblement, au blanchiment d’argent pourrait

constituer une base juridique de référence, à laquelle feraient renvoi les conventions de lutte contre des infractions spécifiques. A l’heure actuelle, nous ne pouvons que soumettre la proposition au débat.

DEUXIÈME PARTIE :

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