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II. Les travaux de l’UE sur la question particulière de la confiscation internationale la confiscation internationale

8. La décision cadre 2006/783/JAI

Les travaux de l’Union européenne en matière de confiscation internationale ont progressé davantage en 2006. Le dénouement le plus important est l’adoption de la décision cadre 2006/783/JAI du Conseil, du 6 octobre 2006, relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation649. Cet instrument renforce la coopération entre les Etats membres en introduisant le principe de reconnaissance mutuelle dans le domaine de la confiscation internationale650. La décision cadre 2006/783/JAI fait aussi pendant à la décision cadre 2005/212/JAI, examinée dans la section précédente. Les Etats membres ont dû adopter les mesures nécessaires à la mise en œuvre du nouvel instrument au plus tard le 24 novembre 2008.

La décision cadre 2006/783/JAI a deux axes principaux. D’une part, elle prévoit l'exécution directe et immédiate des décisions judiciaires de confiscation des produits d’infractions et simplifie les procédures pour la reconnaissance de ces décisions entre les Etats membres ; cependant, elle ne traite pas de la restitution des biens à leurs propriétaires légitimes. D’autre part, la décision cadre 2006/783/JAI aborde la question du partage des avoirs

étaient en cours d'élaboration et 6 Etats membres (AT, CY, ES, SK, SI, UK) n’ont pas communiqué à la Commission leurs mesures nationales.

648 Communication de la Commission (note 7), section 3.1.

649 Décision cadre 2006/783/JAI du Conseil, du 6 octobre 2006, relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation, JO L 328 du 24.11.2006. Cf. aussi Décision cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès, JO L 81 du 27.03.2009, p. 24 ss.

650 La décision cadre 2006/783/JAI et l’évolution du principe de la reconnaissance mutuelle s’intègrent au processus commencé à Tampere (Conseil européen de Tampere, octobre 1999) et élaboré dans la mesure 19 du programme de mesures destinées à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale ; JO C 12 du 15.1.2001, p. 10.

confisqués entre l'Etat membre requérant (Etat membre d'émission) et l’Etat membre requis (Etat membre d'exécution) ; la question de l’affectation des fonds confisqués n’est pas abordée. Enfin, la décision cadre permet aux Etats membres d'appliquer les dispositions plus favorables des accords bilatéraux ou multilatéraux.

La décision cadre 2006/783/JAI définit d’abord l’expression «décision de confiscation». Selon l’article 2 let. c, il s’agit d’une mesure ordonnée par une autorité judiciaire visant à priver le sujet concerné d'un bien à titre définitif.

Comme l’indique la Commission, le champ d’application de la décision cadre 2006/783/JAI semble couvrir seulement les décisions de confiscation arrêtées dans le cadre de procédures pénales651 ; il n’est donc pas évident que tous les Etats membres puissent exécuter les décisions de confiscation arrêtées dans le cadre de procédures de confiscation de droit civil ou d’une utilisation étendue de compétences fiscales. Dans les pays de common law, les tribunaux peuvent rendre des décisions de ce type. La décision cadre ne réglemente donc pas la nature le contenu de la confiscation en tant que sanction pénale ; elle utilise un critère formel, c’est-à-dire la nature de l’autorité ordonnant la confiscation, pour imposer l'exécution directe et immédiate des décisions judiciaires de confiscation.

Comme d’autres instruments en matière de confiscation, la décision cadre 2006/783/JAI définit également les notions d’« instrument » et de « produit du crime » (article 2 let. e, f)652.

Des « pouvoirs de confiscation élargis » sont prévus à l’article 2 let. d ch. iii et iv. Ces pouvoirs élargis sont prévus soit à la décision cadre 2005/212/JAI653, soit dans la la législation de l’État d’émission. L’article 7 par. 5 prévoit la possibilité d’indiquer dans une déclaration déposée auprès du secrétariat général du Conseil que les autorités compétentes ne reconnaissent ni n’exécutent des décisions de confiscation visées à l’article 2 let. d ch. iv, c’est-à-dire les décisions de confiscation « en application de toute autre disposition relative aux pouvoirs de confiscation élargis au regard de la législation de l’État d’émission ».

La décision cadre prévoit que le secrétariat général du Conseil de l'Union maintient les coordonnées des autorités judiciaires compétentes des Etats membres et qu’elle met ces informations à la disposition de tous les Etats membres et de la Commission (article 3). La décision de confiscation, accompagnée d'un certificat standardisé654, est directement envoyée à l'autorité judiciaire compétente étrangère. La confiscation est transmise aux

651 Communication de la Commission (note 7), section 3.1 ; ZAGARIS (2009), p. 87 ss.

652 La première notion couvre tout bien (corporel ou incorporel) employé ou destiné à commettre une infraction pénale, alors que la deuxième notion couvre tout avantage économique dérivant d'un acte criminel.

653 L’article 2 let. d ch. iii de la décision cadre 2006/783/JAI fait référence à l’article 3, paragraphes 1 et 2 de la décision cadre 2005/212/JAI (p. ex. confiscation d’avoirs des organisations criminelles, etc.)

654 Ce certificat, dont le modèle figure à l’annexe de la décision cadre, doit être traduit dans la langue officielle de l'Etat d'exécution ou dans l’une des langues officielles de cet Etat (article 19).

autorités du pays où la personne concernée a sa résidence habituelle (personnes physiques) ou son siège (personnes morales) et/ou possède des biens ou des revenus. Dans le cadre de ses enquêtes, l'Etat d'émission peut recourir à l’aide du Réseau judiciaire européen pour identifier les pays qui peuvent être concernés. Le fait que les autorités de l’Etat d’émission utilisent la décision cadre 2006/783/JAI pour transmettre une décision de confiscation à l’étranger n’exclut pas la possibilité d’exécuter cette décision sur le territoire de l’Etat d’émission655.

Pour sa part, l'Etat d'exécution reconnaît et exécute immédiatement la décision en application des dispositions de son droit interne et selon les modalités décidées par ses autorités. Cette reconnaissance automatique des décisions de confiscation repose sur « la certitude que les décisions à reconnaître et à exécuter sont toujours rendues dans le respect des principes de légalité, de subsidiarité et de proportionnalité » 656. La reconnaissance et l’exécution de la décision de confiscation doivent donc avoir lieu sans délai et sans qu'aucune formalité ne soit requise. L'Etat d'exécution ne peut réviser la décision, que sur demande de l’Etat d’émission. Il est intéressant de noter qu’une décision de confiscation envers les personnes morales doit être exécutée même si le droit de l'Etat d'exécution n’admet pas la responsabilité pénale des personnes juridiques. Les autorités de l’Etat d'exécution décident l'ordre d'exécution dans le cas où plusieurs demandes d'exécution concernent la même personne. Pour déterminer l’ordre d’exécution les autorités de l’Etat d'exécution tiennent compte de la gravité des infractions et de toute autre circonstance pertinente.

En ce qui concerne le partage des valeurs confisquées, l’article 16 de la décision cadre 2006/783/JAI établit un système de répartition. Pour les montants modestes, qui ne dépassent pas les € 10’000 ou l’équivalent de ce montant, la somme revient à l'Etat d'exécution. Si le montant recouvré est important, à savoir s’il est supérieur à € 10’000, la moitié est transférée par l'Etat d'exécution à l'Etat d'émission. L’art 16 par. 2 prévoit des règles quant à la disposition des biens, autres que les sommes d’argent, recouvrés en application de la décision de confiscation. Ainsi, l’Etat d’exécution peut vendre les biens et répartir le produit de la vente conformément aux règles de l’article 16 par. 1 ; l’Etat d’exécution peut aussi transférer les biens à l’Etat d’émission657. Si aucune de ces méthodes n’est possible, l’article 16 par. 2 permet à l’Etat d’exécution de disposer les biens d’une autre manière conformément à sa législation. L’UE a ainsi établi des règles détaillées sur le partage des valeurs confisquées. Le partage des valeurs confisquées entre un Etat membre de l’UE et un pays tiers n’est pas régi par la décision cadre

655 Dans ce cas, les autorités de l’Etat d’émission sont tenues d’en informer les autorités compétentes de l'Etat d'exécution.

656 Cf. point 9 du préambule, décision cadre 2006/783/JAI.

657 Comme le précise l’article 16 al. 2 let. b, l’Etat d’émission doit consentir à un tel transfert dans le cas où la décision de confiscation vise une somme d’argent.

2006/783/JAI, ainsi que la conclusion d’un accord de partage est toujours exigée dans ces cas658.

Un autre élément important de la décision cadre 2006/783/JAI est l'abolition partielle de la double incrimination. Cette abolition concerne les infractions qui doivent être punies par l'Etat membre d'émission avec une peine privative de liberté d'une durée maximale d'au moins 3 ans. En reprenant la liste d'infractions fournie par la décision cadre concernant le mandat d'arrêt européen, la décision cadre 2006/783/JAI abolit la double incrimination pour certaines infractions graves. Parmi ces infractions se trouvent la participation à une organisation criminelle, la traite des êtres humains, la pédopornographie, le terrorisme, le trafic illicite de stupéfiants, la corruption, les crimes sous la juridiction de la CPI, etc. Pour les autres infractions qui n’appartiennent pas à cette liste, la double incrimination demeure une condition à laquelle l’Etat d’exécution peut subordonner la reconnaissance et l'exécution de la décision. Cette distinction entre deux catégories d’infractions (les infractions « listées » à l’égard desquelles le contrôle de la double incrimination n’est pas admis et celles « hors liste ») est souvent employée dans les instruments de reconnaissance mutuelle qui portent sur l’entraide judiciaire mineure (décisions cadres sur le gel, le mandat d’arrêt européen et le mandat d’obtention de preuves)659.

En ce qui concerne le respect des droits fondamentaux, la décision cadre 2006/783/JAI affirme, dans son préambule, l’importance des principes reconnus par l’article 6 TUE et reflétés par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son chapitre VI. Pour cette raison, les dispositions de la décision cadre ne peuvent pas être interprétées de manière à permettre la confiscation de biens, « s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ladite décision a été rendue dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses convictions politiques ou de son orientation sexuelle » (préambule, point 13). Néanmoins, cette clause risque d’être utilisée pour subordonner l’exécution de la décision judiciaire à la vérification préalable de sa conformité aux droits fondamentaux ; le fait de réintroduire le contrôle du juge de l’Etat d’exécution sur la décision rendue dans l’Etat membre d’émission est contraire au principe de reconnaissance mutuelle660.

Suivant la logique d’autres instruments en matière d’entraide, la décision cadre 2006/783/JAI prévoit des motifs permettant à l'Etat membre d'exécution

658 Rapport précité (note 27), p. 27.

659 VERNIMMEN-VAN TIGGELEN /SURANO (2008), p. 12 ; le contrôle de la double incrimination est autorisé pour les infractions « hors liste » ; la question se pose donc de savoir si ce contrôle est aussi autorisé dans l’exécution de mesures qui n’y étaient pas subordonnées dans le cadre de l’assistance mutuelle traditionnelle. S’agit-il ici d’un « recul paradoxal » dans la coopération judiciaire entre les Etats membres ?

660 Rapport précité (note 434), p. 44.

de refuser de reconnaître la décision. En premier lieu, l’exécution peut être refusée si le certificat est manquant, incomplet ou non conforme à la décision de confiscation. En deuxième lieu, l’exécution de la décision ne doit pas violer le principe ne bis in idem, c’est-à-dire qu’aucune décision de confiscation ne doit exister à l'encontre de la même personne pour les mêmes faits ; or, l'exécution de la décision de confiscation peut être reportée si elle risque de nuire à une enquête ou une procédure pénale en cours dans l'Etat d'exécution.

En troisième lieu, le droit de l'Etat d'exécution peut prévoir des immunités ou des privilèges, raison pour laquelle l’exécution de la décision de confiscation peut être refusée. En quatrième lieu, l'exécution de la décision ne doit pas violer les droits des parties intéressées et des tiers de bonne foi. En cinquième lieu, dans le cas où l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès qui a mené à la décision de confiscation, les exigences du nouvel article 8, par. 2 let. e661 doivent être respectées (citation ou connaissance établie du procès en temps utile, possibilité de faire appel ou de former opposition, signification de la décision de confiscation, non-contestation de cette décision). En sixième lieu, quant aux infractions commises entièrement ou partiellement sur le territoire de l'Etat d'exécution ou hors du territoire de l'Etat d'émission, l'Etat d'exécution peut refuser d’exécuter la décision de confiscation si son droit interne ne prévoit pas l'instauration d'une procédure légale à l'égard de ces infractions. Enfin, l’Etat d'exécution peut invoquer la prescription de la décision de confiscation en application de son droit national.

La décision cadre 2006/783/JAI impose également l’adoption des mesures nécessaires pour garantir la possibilité de recours, devant un tribunal de l'Etat d'exécution (article 9). Les raisons substantielles qui ont conduit au prononcé de la décision de confiscation ne peuvent pas faire l’objet de contestation lors de ce recours. Le droit de recours de la personne concernée et des tiers de bonne foi peut être renforcé par l’effet suspensif du recours contre la décision de confiscation (article 10 let. b).

Comme c’est souvent le cas avec les instruments européens de reconnaissance mutuelle, la transposition de la décision-cadre 2006/783/JAI dans le droit national n'est pas satisfaisante. Le principal problème, selon la Commission, est le fait que « […] presque tous les États membres ont inclus dans leur législation nationale plusieurs motifs supplémentaires. Cette pratique n'est pas conforme à la décision-cadre »662 ; pour cette raison, la Commission a indiqué son intention d’examiner « […] la nécessité de réviser cette décision-cadre selon les dispositions du traité de Lisbonne » .

661 Disposition modifiée par la décision cadre 2009/299/JAI du Conseil du 26 février 2009 portant modification des décisions cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès, JO L 81 du 27.03.2009, p. 24 ss.

662 Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil fondé sur l'article 22 de la décision cadre 2006/783/JAI du Conseil du 6 octobre 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation, COM(2010) 428 final du 23.8.2010, Conclusions.

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