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La coopération judiciaire pénale dans le cadre de l’UE : du Traité de Maastricht (1992) au Traité de Lisbonne (2007) Traité de Maastricht (1992) au Traité de Lisbonne (2007)

I. La coopération judiciaire pénale dans le cadre de l’UE l’UE

1. La coopération judiciaire pénale dans le cadre de l’UE : du Traité de Maastricht (1992) au Traité de Lisbonne (2007) Traité de Maastricht (1992) au Traité de Lisbonne (2007)

L’architecture institutionnelle européenne, introduite par le Traité de Maastricht de 1992, reposait sur trois piliers. Le droit communautaire classique constituait le premier pilier, le deuxième pilier était consacré à la politique étrangère et à la politique de sécurité commune (PESC), alors que le troisième pilier regroupait les politiques relatives à la justice et aux affaires intérieures (JAI). Il est bien connu que le deuxième et le troisième pilier étaient caractérisés par l’utilisation de la méthode intergouvernementale. Cela signifie que les décisions du Conseil devaient être prises à l’unanimité, alors que le Parlement européen est simplement consulté. La Commission partageait son droit d’initiative avec les Etats membres et ne pouvait pas engager d’action en manquement si un Etat membre de l’UE ne remplissait pas ses obligations.

Enfin, le deuxième et le troisième pilier étaient caractérisés par le rôle limité de la CJCE, dont la compétence préjudicielle était subordonnée à une déclaration

429 Le droit communautaire primaire est composé des traités « fondateurs » des différentes Communautés européennes et de l'Union, ainsi que des traités modificatifs, des protocoles annexés aux traités et des traités d'adhésion de pays.

430 En juin 2008, le processus de ratification du Traité de Lisbonne a rencontré une barrière difficile à franchir:

l’Irlande a rejeté le Traité de Lisbonne, en remettant ainsi en question les projets de réformes institutionnelles. Un second référendum a été organisé en octobre 2009 et les Irlandais se sont prononcés pour le Traité de Lisbonne. Cf. Le Monde (2009), Les Irlandais disent « oui » au traité de Lisbonne, 03.10.2009.

431 CRAIG (2008), p. 139 ; MAGANZA (2008), p. 1609.

de chaque Etat. Il est évident qu’une telle structure institutionnelle n’assurait pas l’efficacité du processus des décisions dans les domaines du deuxième et du troisième pilier432. Après le dernier élargissement de l’UE, la règle de l’unanimité compliquait davantage la prise de décisions433.

Le Traité d'Amsterdam de 1997, qui a modifié le TCE et le TUE, n’a pas introduit de réformes institutionnelles importantes ; il a pourtant concrétisé la notion d’espace judiciaire pénal européen, en assignant à l’UE l’objectif de créer un « Espace de Liberté, de Sécurité et de Justice » (ELSJ)434. Cet objectif s’inscrivait dans le cadre du troisième pilier de l’UE, il était donc caractérisé par la méthode intergouvernementale. Le Traité d’Amsterdam a transféré certaines matières du troisième pilier au pilier communautaire, en élargissant ainsi le champ d'application de la méthode communautaire435. Parmi les domaines du troisième pilier qui ont été communautarisés se trouvent le contrôle des frontières extérieures, l’asile, l’immigration et la protection des droits de ressortissants de pays tiers, la coopération judiciaire en matière civile436. Par le biais du Protocole incorporant l'acquis de Schengen dans le cadre de l'UE, les Etats membres signataires des accords de Schengen ont aussi mené leur coopération renforcée concernant l’abolition des frontières intérieures dans le cadre juridique et institutionnel de l’UE. Les domaines de la coopération policière et judiciaire en matière pénale n’ont pas fait l’objet d’une communautarisation et continuaient d’être régis par la méthode intergouvernementale437.

Sous le régime du Traité d’Amsterdam, l’UE pouvait adopter quatre catégories d’actes dans le cadre du troisième pilier : des conventions, des décisions cadres, des décisions et des positions communes (article 34, anciennement article K.6). En premier lieu, les conventions constituaient des instruments classiques du droit international, dont la ratification pouvait

432 DEVUYST (2008), p. 256 ; BAUN (1996), p. 139 ss.

433 Rapport précité (note 19), pp. 22 et 80 ; MANACORDA (2006), p. 881.

434 Selon l’article 2 TUE, l’UE se donne pour objectif « de maintenir et de développer l’Union en tant qu’espace de liberté, de sécurité et de justice au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène ». La notion d’espace judiciaire pénal européen a été avancée pour la première fois par le président de la République française M. Valéry Giscard d’Estaingen 1977, lors du Conseil européen de Bruxelles ; cf. ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE (2004), Rapport d'information sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l’exécution des sanctions pénales dans l’Union européenne, rapport d'information no 1730, déposé par la Délégation de l'Assemblée Nationale pour l'Union européenne, 13 juillet 2004, p. 9.

435 FRANÇOIS-PONCET J. (2008) ; pour une analyse complète des réformes introduites par le Traité d’Amsterdam, cf. NEUNREITHER /WIENER (2000); MONAR /WESSELS (2001).

436 Plan d'action du Conseil et de la Commission concernant les modalités optimales de mise en œuvre des dispositions du Traité d'Amsterdam relatives à l'établissement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice, Conseil justice et affaires intérieures, 3 décembre 1998, JO C 19 du 23.1.1999, par. 3.

437 Selon l’article 61(e) TCE, « [a]fin de mettre en place progressivement un espace de liberté, de sécurité et de justice, le Conseil arrête : […] des mesures dans le domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale visant un niveau élevé de sécurité par la prévention de la criminalité et la lutte contre ce phénomène au sein de l’Union, conformément aux dispositions du TUE ».

impliquer des délais considérables ou des réserves438. En deuxième lieu, les décisions cadres constituaient une nouveauté introduite par le Traité d’Amsterdam ; elles ressemblaient aux directives communautaires, en ce qu’elles visaient au rapprochement des législations des Etats membres et liaient les Etats membres quant au résultat à atteindre, tout en leur laissant le choix de la forme et des moyens439. En d’autres termes, elles n'avaient pas d’effet direct. La Commission ne pouvait pas engager une procédure en manquement contre les Etats membres devant la CJCE pour imposer des mesures législatives en vue de la transposition d’une décision cadre440. En troisième lieu, les politiques européennes en matière de JAI pouvaient être déterminées par des décisions à toute autre fin conforme aux objectifs de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à l'exclusion du rapprochement des législations. Il existait cependant un inconvénient : comme les décisions cadres, les décisions n’avaient pas d’effet direct, contrairement aux règlements et (sous certaines conditions) aux directives. L’absence d’effet direct signifiait que les décisions cadres et les décisions ne créaient pas de droits et d’obligations pour les personnes ; les dispositions ne pouvaient être mises en application que par le biais d’une transposition législative en droit interne. En quatrième lieu, la politique de l'Union en matière de justice et d’affaires intérieures pouvait être déterminée par des positions communes, actes de nature plus politique que juridique.

Pour évaluer la mise en œuvre des décisions cadres, la Commission utilisait les mêmes critères que la jurisprudence pertinente de la CJCE utilise pour déterminer dans quelle mesure les Etats membres se sont conformés à une directive. Premièrement, les Etats membres sont tenus de « […] choisir, dans le cadre de la liberté qui leur est laissée […] les formes et moyens les plus appropries en vue d'assurer l'effet utile des directives, compte tenu de l'objet de celles-ci »441. Deuxièmement, « il importe que chaque Etat membre donne aux directives une exécution qui corresponde pleinement a l'exigence de sécurité juridique et traduise par conséquent les termes des directives dans des dispositions internes ayant un caractère contraignant »442. Troisièmement, « la transposition n’exige pas nécessairement l’adoption d’une disposition expresse ayant exactement le même libellé;

ainsi, un contexte juridique général (tel que celui des mesures déjà existantes) peut être suffisant dès lors que l’application complète de la directive est assurée d'une façon

438 KAIAFA-GBANDI (2001), p. 246.

439 CJCE, arrêt Pupino du 16 juin 2005, affaire C-105/03, Rec. 2005, p. I-5285, consid. 33.

440 Selon l’article 35 par. 7 TUE, la CJCE est compétente pour statuer sur tout différend entre Etats membres concernant l'interprétation ou l'application (y compris la transposition) des décisions cadres. La compétence de la CJCE pour statuer sur les dispositions d’une décision cadre est conditionnée à une déclaration d’acceptation de celle-ci de la part de chaque Etat membre.

441 CJCE, arrêt Royer du 8 avril 1976, affaire 48/75, Rec. 1976, p. 497, consid. 73.

442 CJCE, arrêt Commission c. Belgique du 2 décembre 1986, affaire C-239/85, Rec. 1986, p. 3645, consid. 7 ; CJCE, arrêt Commission c. Italie du 1 mars 1983, affaire C-300/81, Rec. 1983, p. 449, consid. 10.

suffisamment claire et précise »443. Enfin, les directives doivent être mises en œuvre dans le délai prévu par elles444.

L’efficacité de la coopération judiciaire en matière pénale au sein de l’UE dépendait, à un degré important, de la volonté et de la capacité des Etats membres de transposer les textes dans des délais spécifiques445. Sous le régime du Traité d'Amsterdam, l’adoption de décisions cadres, préconisée en matière de coopération pénale, impliquait les inconvénients déjà mentionnés. Ainsi, les problèmes dans la mise en œuvre de ces textes, en particulier des décisions cadres, n’étaient pas rares446. La Commission pouvait exercer une pression politique sur les Etats membres en vue de cette transposition ; cependant, la mise en œuvre des décisions cadres était inévitablement plus difficile à assurer que celle des instruments du premier pilier communautaire. La prolifération des initiatives de l’UE touchant au développement de l’ELSJ, en particulier en matière de coopération judiciaire pénale, multipliait les problèmes au niveau de la transposition de ces textes et du suivi de leur mise en œuvre.

A un certain degré, le principe de l’interprétation conforme aurait pu remédier aux problèmes de mise en œuvre des décisions cadres. En vertu de ce principe, développé par la jurisprudence de la CJCE dans le contexte du premier pilier, le juge étatique doit interpréter le droit national, dans toute la mesure du possible, à la lumière du texte et de la finalité des directives communautaires. Sous le régime du Traité d’Amsterdam, la question qui se posait était de savoir si le même principe s’appliquerait aux décisions cadres adoptées dans le cadre du troisième pilier. Dans l’arrêt Pupino, la CJCE a donné une réponse affirmative à cette question447. La CJCE a examiné la compatibilité des dispositions du code pénal italien avec la décision cadre 2001/220/JAI du Conseil, du 15 mars 2001, relative au statut des victimes dans le cadre de procédures pénales448. Selon l’arrêt, le caractère contraignant des décisions cadres impliquait une obligation d’interprétation conforme du droit national. Les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité s'opposent

443 Premier rapport de la Commission sur la base de l'article 6 de la décision cadre du Conseil du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent, l’identification, le dépistage, le gel ou la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime, COM (2004) 230 final du 5.4.2004, section 1.2.2. ; CJCE, Commission c. Allemagne du 23 mai 1985, affaire C-29/84, Rec. 1985, p. 1661, consid. 23.

444 CJCE, Commission c. Italie du 26 février 1976, affaire C-52/75, Rec. 1976, p. 277, consid. 10. Voir, généralement, les rapports annuels de la Commission sur le suivi de l'application du droit communautaire, par exemple le rapport COM (2001) 309 final.

445 RINUY (2004), p. 519 ;MONAR (2009), p. 30 et 34.

446 Cf. par exemple les conclusions du rapport de la Commission fondé sur l'article 14 de la décision cadre 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, COM (2008) 885 final du 22.12.2008 ; cf. aussi BELFIORE (2008), p. 19 ss.

447 CJCE, arrêt Pupino du 16 juin 2005, affaire C-105/03, Rec. 2005, p. I-5285, consid. 34. Dès lors qu’il s’agissait de l’interprétation d’une décision cadre, la CJCE n’aurait pas pu fonder sa compétence, sans la déclaration d’acceptation de celle-ci de la part de l’Etat membre concerné, c’est-à-dire l’Italie (consid. 20) ; WEYEMBERGH, in BRAUM / WEYEMBERGH (2009), p. 48 ss.

448 JO L 82 du 22.3.2001, p. 1.

à ce que le principe d'interprétation conforme puisse conduire à déterminer ou à aggraver la responsabilité pénale ; le principe d'interprétation conforme ne peut pas non plus conduire à fonder une interprétation contra legem du droit national449. Néanmoins, s’agissant de l’interprétation d’une décision cadre, la CJCE ne pouvait pas fonder sa compétence, sans la déclaration d’acceptation de cette compétence de la part de l’Etat membre concerné. D’ailleurs, à la suite de l’arrêt Pupino les Etats membres hésitaient à adopter des textes que la CJCE pourrait interpréter de manière à mettre en doute les standards du droit interne450 ; cela explique peut-être l’échec de la proposition de décision cadre de la Commission relative aux garanties procédurales accordées aux personnes mises en cause dans les procédures pénales451.

Un autre problème qui se posait sous le régime du Traité d'Amsterdam était celui de la répartition des compétences de l’UE en matière pénale entre le premier et le troisième pilier. Le droit pénal en tant que tel ne fait pas partie des politiques communautaires, et les Etats membres n’ont pas transmis à l’UE leurs compétences quant à la répression de la criminalité452 ; cependant, certaines initiatives de l’UE peuvent relever du droit pénal. Dans ce cas, la question se posait de déterminer quelle serait la base juridique de ces initiatives sous le régime du Traité d’Amsterdam453. Les dispositions du premier pilier avaient servi de base juridique pour l’adoption des instruments contre le blanchiment d’argent. Les trois directives communautaires adoptées dans ce domaine visent à la protection du système financier contre les détournements, ce qui assure ultérieurement le bon fonctionnement du marché intérieur454. Ce dernier objectif faisait partie du premier pilier du TUE

449 Cf. aussi CJCE, arrêt Pfeiffer e.a. du 5 octobre 2004, affaires jointes C-397/01 à C-403/01, Rec. 2004, p. I-8835, consid. 115 ; contrairement à l’arrêt Pupino (contexte pénal), l’arrêt Pfeiffer (contexte civil) permet que le principe d'interprétation conforme puisse conduire à la non-application des dispositions nationales;

SAWYER (2007), p. 174.

450 MITSILEGAS (2006), p. 1307.

451 COM (2005) 696 final du 23 décembre 2005

452 KAIAFA-GBANDI (2001), p. 248 ; LARSEN, in BRAUM / WEYEMBERGH (2009), p. 13 ss.

453 CJCE, arrêt Commission c. Conseil du 13 septembre 2005, affaire C-176/03, Rec. 2005, p. I-7879. Cet arrêt de la CJCE a mis en lumière le problème de la répartition des compétences de l’UE en matière pénale entre le premier et le troisième pilier. L’affaire portait sur l’annulation de la décision cadre 2003/80/JAI du Conseil du 27 janvier 2003 relative à la protection de l'environnement par le droit pénal. L’objectif de cette initiative était d’imposer aux Etats membres l'obligation de prescrire des sanctions pénales contre les auteurs d'infractions commises au détriment de l'environnement. Selon les arguments de la Commission, qui avait demandé l’annulation de la décision cadre, la base juridique invoquée par le Conseil des ministres était incorrecte : au lieu de l'article 29 du titre VI TUE (troisième pilier), le Conseil devrait utiliser l'article 175, paragraphe 1 du titre XIX TCE (premier pilier) en tant que base juridique. La Cour a annulé la décision cadre, en adoptant les arguments de la Commission. Cf. STUBBS / Jager, in BRAUM / WEYEMBERGH (2009), p. 25 ss.

454 Directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, JO L 166 du 28.6.1991, p. 77. Cette première directive a mis en place un cadre de lutte contre le blanchiment au niveau des établissements de crédit et des institutions financières. Elle a été modifiée par la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil, JO L 344 du 28.12.2001, p. 76. Elle a enfin été abrogée par la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, JO L 309 du 25.11.2005. Cette directive tient compte des recommandations du GAFI révisées en 2003; cf. Gilmore (2005), p. 213.

et constituait la base juridique pour l’adoption des directives en question455. D’autre part, les dispositions du troisième pilier avaient fourni à l’UE la base juridique pour l’adoption de plusieurs instruments facilitant la coopération judiciaire pénale, comme les instruments relatifs au gel et à la confiscation des produits d’infractions, que nous examinerons ultérieurement456.

Le Traité de Nice, signé le 26 février 2001 et entré en vigueur le 1er février 2003457, n’a pas apporté de réformes importantes458 présentant un intérêt particulier pour l’ELSJ, excepté le fait que l’article 31 TUE a été complété avec la mention et la description des tâches d’Eurojust459. Par contre, le projet de « Traité établissant une Constitution pour l'Europe »460 contenait des dispositions beaucoup plus importantes que celles du Traité de Nice. Par exemple, l’article 111-158 du projet permettait à l’UE d'exercer des compétences dans l'ensemble des domaines de l’ELSJ, dont la coopération judiciaire en matière pénale. Comme le résume F. Falletti461, « le projet de Constitution prévoit que la matière pénale donnerait lieu à des lois européennes adoptées non plus à l’unanimité, mais à une majorité des Etats Membres ; ces lois auraient notamment pour objet de pousser à l’harmonisation des incriminations et à un rapprochement des règles de procédure pénale pour faciliter les mécanismes de l’entraide ».

La « communautarisation » de la coopération judiciaire en matière pénale était également prévue à l’article 42 TUE, mais il s’agissait d’une communautarisation facultative : le Conseil, statuant à l’unanimité sur l’initiative de la Commission ou d’un Etat membre et après consultation du Parlement européen pourrait décider de transférer dans le premier pilier communautaire, tout ou partie de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Ensuite, les Etats membres devraient ratifier cette décision, conformément aux règles du droit interne. Ce processus pourrait relever du référendum ou de la révision constitutionnelle dans certains Etats membres.

Dans plusieurs résolutions462, le Parlement européen a soutenu l’idée de faire usage de cette « clause passerelle ». Une telle évolution accélérerait considérablement le processus d’harmonisation des normes en matière de coopération pénale : elle permettrait l’adoption d’instruments plus contraignants et dotés d’effet direct (directives et règlements) ; une telle

455 MITSILEGAS / GILMORE (2007), p. 135 ss ; KAIAFA-GBANDI (2001), p. 247 ss.

456 Voir p. 122 ss de la présente étude.

457 JO C 80 du 10.3.2001, p. 1 ; le Traité de Nice et l'élargissement ont été rejetés par les Irlandais lors du référendum de juin 2001 en Irlande. Le traité a été ratifié après un second référendum en 2002.

458 Pour une analyse du Traité de Nice cf. GALLOWAY (2001).

459 Voir p. 160 ss de la présente étude.

460 Projet signé à Rome le 29 octobre 2004 ; pour une analyse des dispositions de ce projet cf. DONY / BRIBOSIA

(2005), in toto ; COUSSENS / DEHOUSSE (2003), in toto.

461 FALLETTI (2005), p. 559.

462 Résolution du Parlement européen du 14 octobre 2004, JO C 166 E du 7.7.2005, p. 58. Voir aussi résolution du Parlement européen sur les progrès enregistrés par l'UE dans la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) (articles 2 et 39 TUE), P6_TA-PROV(2006)0525.

évolution renforcerait également le rôle de la Commission (possibilité d’engager une action en manquement) et de la CJCE (compétence préjudicielle sans restrictions). L’UE n’a finalement pas fait usage de la « clause passerelle »463.

Le Traité de Lisbonne constitue évidemment l’évolution la plus importante des dernières années dans les domaines de l’ELSJ464. Le nouveau traité, la réponse de l’UE à l’échec du projet de Traité constitutionnel européen465, a été signé le 13 décembre 2007 après plusieurs années de négociations et est entré en vigueur le 1er décembre 2009. Le Traité de Lisbonne est loin d’être un « mini-traité » ou un traité « simplifié », comme le Président français N. Sarkozy voulait le qualifier, dès lors qu’il comporte de nombreuses modifications des traités existants et, contrairement au Traité constitutionnel européen, il n’est pas un texte facilement lisible466.

L’ancienne structure en trois « piliers » est supprimée sous le régime du Traité de Lisbonne467. L’UE se substitue et succède à la CE468. La PESC a maintenu son caractère intergouvernemental; cependant, la coopération policière et la coopération judiciaire en matière pénale ont été intégrées dans le régime de l’Union469. Les dispositions du Titre VI TUE (coopération policière et judiciaire en matière pénale) ont été fusionnées avec les dispositions du Titre IV TCE (visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes). Le nouveau Titre V, troisième partie TFUE signale donc un retour à la normalité pour la coopération dans les domaines de l’ELSJ, exclue jusqu’à présent de la méthode communautaire. Ce nouveau titre constitue la base juridique « unifiée » pour l’adoption d’instruments communautaires dans ces domaines470, ce qui remédie aussi au problème de la répartition des compétences déjà mentionné471. Un régime d’« opt out » à la coopération policière et la coopération judiciaire pénale est prévu pour le Royaume-Uni et l’Irlande472, avec tous les tensions et dysfonctionnements qu’une telle différenciation peut provoquer473. Le Danemark bénéficie aussi

463 Rapport précité (note 19), p. 84.

464 FONDATION ROBERT SCHUMAN (2007), Le Traité de Lisbonne expliqué en 10 fiches, décembre 2007, disponible

464 FONDATION ROBERT SCHUMAN (2007), Le Traité de Lisbonne expliqué en 10 fiches, décembre 2007, disponible

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