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II. Les travaux de l’UE sur la question particulière de la confiscation internationale la confiscation internationale

9. La décision cadre 2008/978/JAI

En décembre 2008, le Conseil a adopté la décision cadre 2008/978/JAI relative au mandat européen d’obtention de preuves663. Le mandat de ce type, qui peut être remis pour recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales, vise à remplacer le système d’entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres aux fins d’obtention de preuves. L’UE a ici employé le modèle de la reconnaissance mutuelle, modèle plus pratique que celui de l’unification des règles en matière de la preuve, dont la mise en œuvre semble actuellement illusoire664.

L’adoption de la décision cadre 2008/978/JAI fait partie du programme de mesures destinées à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales665. Elle fait aussi suite à l’adoption d’un autre instrument important, la décision cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen666 et concrétise la tendance en faveur du renforcement du principe de reconnaissance mutuelle, sous la forme de « mandats européens ». Le mandat d’obtention de preuves complète aussi la décision cadre 2003/577/JAI relative à l’exécution des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve, qui « ne traite […] que partiellement de la coopération judiciaire en matière pénale concernant les preuves et prévoit que le transfert ultérieur des éléments de preuve demeure régi par les procédures d’entraide judiciaire »667. En ce qui concerne le rapport entre le mandat européen d’obtention de preuves et les autres procédures d’entraide en vigueur668, une coexistence transitoire est inévitable « jusqu’à ce que, conformément au programme de La Haye, les modes d’obtention de preuves exclus de la présente décision cadre fassent également l’objet d’un instrument de reconnaissance mutuelle, dont l’adoption créerait un régime complet de reconnaissance mutuelle destiné à se substituer aux procédures d’entraide »669. Les procédures d’entraide judiciaire peuvent être employées pour obtenir les objets, documents ou données qui relèvent du champ d’application de la décision cadre, si cela

663 Décision cadre 2008/978/JAI du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales, JO L 350/72 du 30.12.2008. Délai pour la mise en œuvre : 19 janvier 2011. La décision cadre 2008/978/JAI est fondée sur l’article 31 et l’article 34, paragraphe 2, point b TUE, dispositions qui régissent respectivement l’action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire et la possibilité d’arrêter des décisions cadres aux fins du rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.

664 Contra : SPENCER (2003), p. 36.

665 Cf. Conclusions du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, point 33 ; cf. aussi programme du Conseil du 29 novembre 2000 sur les mesures destinées à mettre en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle des décisions pénales, points 5 et 6, JO C 12 du 15.1.2001, p. 10 ; programme de La Haye, annexé aux conclusions du Conseil européen des 4 et 5 novembre 2004, point 3.3.1, JO C 53 du 3.3.2005, p. 1. Voir aussi BARBE (2005), p. 114 ss.

666 Décision cadre 2002/584/JAI du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres, JO L 190 du 18.7.2002, p. 1.

667 Consid. 5 de la décision cadre 2008/978/JAI.

668 La remise de moyens de preuve est aussi prévue par la CEEJ, la CAAS et l’UEEJ.

669 Consid. 25 de la décision cadre 2008/978/JAI.

faciliterait la coopération entre l’Etat d’émission et l’Etat d’exécution dans le cas d’espèce (article 21 par. 3).

L’article 1 définit le mandat européen d’obtention de preuves comme une

« décision judiciaire émise par une autorité compétente d’un Etat membre afin d’obtenir des objets, des documents et des données d’un autre Etat membre » en vue de leur utilisation dans le cadre des procédures pénales. En vertu de l’article 2 let. c, l’autorité d’émission doit effectivement être « un juge, une juridiction, un magistrat instructeur ou un procureur » ou toute autre autorité judiciaire définie par l’Etat d’émission, « agissant en qualité d’autorité chargée des enquêtes dans le cadre des procédures pénales »670. La notion de

« procédure pénale » couvre d’abord les procédures engagées par une autorité judiciaire ou à engager devant celle-ci, concernant une infraction pénale conformément au droit national de l’Etat d’émission (article 5 let. a). Il s’agit ensuite des procédures concernant une infraction aux règlements poursuivies par des autorités administratives ou des autorités judiciaires, si la décision peut donner lieu à un recours devant une juridiction compétente, notamment en matière pénale (article 5 let. b et c). Les faits ou les infractions pouvant engager la responsabilité d’une personne morale ou entraîner une peine à son encontre dans l’Etat d’émission sont aussi visés (article 5 let. d). La décision cadre ne couvre que la coopération judiciaire en matière pénale ; elle n’englobe donc pas la coopération en matière policière, douanière, frontalière et administrative.

En ce qui concerne les moyens de preuve visés, le mandat peut être émis notamment pour les objets, documents ou données détenus par un tiers ou résultant de la perquisition, y compris au domicile d’un suspect, les relevés de l’utilisation de tous services, y compris de transactions financières, les procès-verbaux des dépositions, des interrogatoires et des auditions, et les autres documents, dont les résultats de techniques d’enquête spéciales671.

Toutefois, en vertu de l’article 4 par. 2, des catégories de preuves importantes sont exclues du champ d’application du mandat européen d’obtention de preuves. Selon cette disposition, « [l]e mandat européen d’obtention de preuves ne peut être émis en vue de demander à l’autorité d’exécution:

a) de mener des interrogatoires, de prendre des dépositions ou de procéder à d’autres types d’auditions de suspects, de témoins, d’experts ou de toute autre personne; b) de procéder à un examen ou de prélever du matériel biologique ou des données biométriques directement sur le corps d’une personne, y compris des échantillons d’ADN ou des empreintes digitales; c) de recueillir des informations en temps réel en faisant, par exemple, intercepter les communications, de procéder à une surveillance

670 Selon l’article 3 de la 2008/978/JAI, les Etats membres doivent informer le secrétariat général du Conseil de l’autorité ou des autorités qui, conformément à leur droit interne, sont compétentes en application de l’article 2. Ces informations sont ensuite mises à la disposition de tous les Etats membres et de la Commission.

671 Consid. 7 de la décision cadre 2008/978/JAI.

discrète ou de surveiller les comptes bancaires; d) d’analyser des objets, des documents ou des données existants; et e) d’obtenir des données de communication conservées par les fournisseurs de services de communications électroniques accessibles au public ou un réseau de communications public » . Si ces objets, documents ou données sont déjà en la possession de l’autorité d’exécution, leur obtention peut faire l’objet d’un mandat. Cependant, dans ce cas, il est plus difficile que les conditions d’admissibilité des preuves en vertu du droit de l’Etat d’émission puissent être respectées672.

En ce qui concerne la forme du mandat européen d’obtention de preuves, un formulaire standardisé figure en annexe de la décision cadre, comme c’est souvent le cas dans les instruments européens de reconnaissance mutuelle673. Le formulaire doit être rempli, signé, et son contenu certifié exact, par l’autorité d’émission (article 6 par. 1). L’autorité d’émission rédige ou fait traduire le formulaire dans l’une des langues officielles de l’Etat d’exécution (article 6 par. 2). Ce formulaire est ensuite transmis par l’autorité d’émission à l’autorité d’exécution, « par tout moyen permettant de laisser une trace écrite et dans des conditions permettant à l’Etat d’exécution d’en établir l’authenticité » (article 8 par. 1). La transmission du mandat et toute autre communication officielle sont donc effectuées directement entre l’autorité d’émission et l’autorité d’exécution. L’article 8 prévoit deux autres possibilités, en particulier la possibilité de désigner une autorité centrale pour assister les autorités judiciaires compétentes (article 8 par. 2) et la possibilité de transmettre le mandat par le biais du système de télécommunication sécurisé du réseau judiciaire européen (article 8 par. 3).

Le mandat européen d’obtention de preuves doit être reconnu et exécuté par l’autorité d’exécution sans délai et sans qu’aucune autre formalité ne soit requise (article 11). Il doit être exécuté sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et de la même manière que si les objets, les documents ou les données devaient être obtenus par une autorité de l’Etat d’exécution. Dans ce contexte, la méthode de l’équivalence fonctionnelle est employée : l’Etat d’exécution va choisir les mesures (y inclus des mesures coercitives) qui, en vertu de son droit national et ses règles de procédure, lui permettront de fournir les objets, les documents ou les données requis par un mandat européen d’obtention de preuves. S’il n’est pas possible d’exécuter le mandat européen d’obtention de preuves au moyen des mesures dont dispose l’autorité d’exécution dans le cas d’espèce, l’exécution peut être refusée (article 13 let. c). L’exécution du mandat doit aussi avoir lieu dans le respect des formalités et procédures expressément indiquées par l’autorité d’émission, sous réserve que ces formalités et procédures ne soient pas contraires aux

672 BELFIORE (2009), p. 5 ; en général, voir SPENCER (2003), p. 34 ss.

673 PEERS (2004), p. 10.

principes fondamentaux du droit de l’Etat d’exécution (article 12)674. En ce qui concerne la remise des moyens de preuve, l’article 15 par. 5 prévoit qu’en l’absence de recours ou de motifs de report, « l’Etat d’exécution transfère dans les meilleurs délais à l’Etat d’émission les objets, documents ou données obtenus en vertu du mandat européen d’obtention de preuves », en précisant si elle en exige la restitution dès qu’ils ne sont plus nécessaires à l’Etat d’émission (article 15 par. 6).

La décision cadre contient des garanties afin de protéger les droits fondamentaux et de favoriser ainsi la confiance entre les Etats membres, qui constitue la base de la reconnaissance mutuelle675. Premièrement, le mandat européen d’obtention de preuves doit être émis par des autorités judiciaires déterminées par les Etats membres conformément à la décision cadre (article 2). Deuxièmement, le mandat est émis uniquement lorsqu’il est nécessaire et proportionné de recueillir des objets, des documents ou des données demandés aux fins des procédures concernées (article 7 let. a).

Troisièmement, il est émis uniquement lorsque les objets, documents ou données visés pourraient être obtenus, en vertu du droit de l’Etat d’émission, dans le cadre d’une procédure comparable (article 7 let. b). En vertu de l’article 7, le respect de ces conditions est vérifié uniquement par l’autorité d’émission ; ces conditions ne constituent donc pas des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution et ne peuvent être contestés que par une action intentée devant une juridiction de l’Etat d’émission. Quatrièmement, l’article 10 établit les conditions d’utilisation des données à caractère personnel obtenues en vertu de la décision cadre. Enfin, l’article 18 oblige les Etats membres à prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir que la reconnaissance et l’exécution de tout mandat européen d’obtention de preuves puissent faire l’objet « d’un recours de la part de toute personne concernée, y compris des tiers de bonne foi, en vue de préserver leur intérêt légitime » .

L’efficacité de la coopération judiciaire en matière pénale peut être compromise par la faculté de refuser de reconnaître ou d’exécuter le mandat européen d’obtention de preuves, ainsi que la faculté de reporter l’exécution.

L’article 13 traite des motifs de non-reconnaissance ou de non-exécution, tels que le principe ne bis in idem (article 13 let. a) et le principe de la double incrimination dans les situations visées à l’article 14 (article 13 let. b). Le mandat européen d’obtention de preuves peut aussi être refusé lorsque sa reconnaissance ou son exécution dans l’Etat d’exécution porterait atteinte à

674 Cf. consid. 14 de la décision cadre 2008/978/JAI ; l’autorité d’émission devrait avoir la possibilité de demander à l’autorité d’exécution de respecter certaines formalités et procédures dans les actes juridiques ou administratifs. Ces formalités sont souvent nécessaires pour rendre les preuves demandées admissibles dans l’Etat d’émission (l’apposition d’un cachet officiel sur un document, la présence d’un représentant de l’Etat d’émission ou l’enregistrement d’heures ou de dates, dans le but de créer une chaîne de preuves).

675 Consid. 8 de la décision cadre 2008/978/JAI.

une immunité ou à un privilège dans cet Etat (article 13 let. d)676. A ces motifs de refus s’ajoute le non respect des formalités pour l’émission du mandat (article 13 let. e, h), les intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité, la nécessité de ne pas compromettre la source d’information et la nécessité de protéger des informations classifiées se rapportant à des activités de renseignement particulières (article 13 let. g). En ce qui concerne le principe de double incrimination, son contrôle est possible uniquement s’il est nécessaire d’opérer une perquisition ou une saisie (article 14). Même dans ce cas, le contrôle est exclu pour certaines infractions graves, énumérées à l’article 14 par. 2 (participation à une organisation criminelle, terrorisme, corruption, blanchiment d’argent, trafic illicite de stupéfiants, d’armes, de biens culturels etc.), si ces infractions sont punies dans l’Etat d’émission d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté d’un maximum d’au moins trois ans. La même technique est employée dans d’autres instruments de reconnaissance mutuelle qui portent sur l’entraide judiciaire mineure, à savoir les décisions cadres sur le gel et le mandat d’arrêt européen677. La liste de l’article 14 par. 2 est extensive, ce qui implique l’abolition de la double incrimination dans la coopération judicaire européenne aux fins d’obtention de preuves.

Les motifs de report sont prévus à l’article 16 et comprennent le non respect des formalités d’émission du mandat, le risque de nuire à une enquête criminelle ou à des poursuites pénales en cours et le fait que les objets, documents ou données concernés sont déjà utilisés dans le cadre d’une autre procédure. Dans ces cas, l’exécution du mandat est reportée jusqu’à ce que le motif de report cesse d’exister. L’autorité d’exécution prend alors sans délai les mesures nécessaires à l’exécution du mandat européen d’obtention de preuves et en informe l’autorité compétente concernée de l’Etat d’émission (article 16 par. 5).

En conclusion, la décision cadre 2008/978/JAI met en œuvre le principe de reconnaissance mutuelle grâce à trois éléments importants: la transmission directe des mandats d’obtention de preuves entre les autorités judiciaires ; la restriction des motifs de refus et l’abolition de la double incrimination ; le respect des délais assurant une coopération rapide678. Au lieu d’une procédure d’exequatur, l’exécution du mandat a lieu de manière quasi-automatique, si les formalités prévues par la décision cadre sont respectées. L’existence de motifs de refus, quoique limités, ne nous permet pas de parler d’une exécution directe et automatique. En outre, certaines catégories de preuves sont exclues du champ d’application de ce nouvel instrument ; cependant, le programme

676 En l’absence de définition commune de ce qui constitue une immunité ou un privilège dans l’Union européenne, ces termes sont définis en droit national ; cf. consid. 17 de la décision cadre 2008/978/JAI. Les protections applicables aux professions médicales et juridiques peuvent être englobées, mais seulement dans le respect de l’article 7 du Protocole UEEJ.

677 Rapport précité (note 19), p. 54 et les références citées.

678 BELFIORE (2009), p. 5.

de La Haye prévoyait que ces modes d’obtention de preuves feraient aussi l’objet d’un instrument de reconnaissance mutuelle, ce qui créerait un régime complet de reconnaissance mutuelle destiné à se substituer aux procédures d’entraide entre les Etats membres de l’UE679. L’efficacité d’un tel instrument serait nécessairement limitée dans une procédure qui nécessite des mesures d’assistance mutuelle ; dans ce sens, « la politique des petits pas dans la réalisation du programme de reconnaissance mutuelle est perçue, surtout en ce qui concerne les décisions pré-sentencielles, comme une erreur stratégique »680. L’UE examine toujours la possibilité de mettre en place un instrument général, destiné à remplacer le mandat européen d'obtention de preuves ; selon le projet de l’UE, qui n’est pas encore finalisé, cet instrument pourrait être appelé « décision d'instruction européenne » (« European Investigation Order »)681.

679 Consid. 25 de la décision cadre 2008/978/JAI.

680 VERNIMMEN-VAN TIGGELEN /SURANO (2008), p. 17.

681 Projet précité (note 491), p. 75.

Les rapports entre les instruments de l’UE en matière de confiscation

Instrument (ordre

chronologique) Eléments principaux Rapport avec les autres instruments Action commune 98/427/JAI Elle propose des bonnes

pratiques d'entraide

Décision cadre 2003/577/JAI Elle s'occupe exclusivement du gel.

Décision cadre 2008/978/JAI Elle introduit le mandat européen d’obtention de

10. Quels mécanismes européens pour la coordination

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