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Les réformes des programmes d’examens de l’AFBA Le contenu du programme présente deux nécessités : faire œuvre de propagande française,

3- Processus d’institutionnalisation de l’AFBA dans la capitale argentine capitale argentine capitale argentine

3.3. La bataille méthodologique

3.3.1. Développement méthodologique de l’AFBA pour les examens les examens

3.3.1.3. Les réformes des programmes d’examens de l’AFBA Le contenu du programme présente deux nécessités : faire œuvre de propagande française,

et assurer le contrôle linguistique, ces deux objectifs étant garants de la diffusion de la moralité française dans un monde en crise, menacé par les forces ennemies. En 1914, les épreuves des examens sont constituées d’une dictée et d’un exercice de conjugaison pour les petits niveaux, tandis que les examens supérieurs proposent une rédaction et une dictée à l’écrit. L’oral consiste en une interrogation grammaticale et une courte discussion pour les petits niveaux, tandis que le Diplôme Supérieur comprend une explication grammaticale et une explication littéraire.

La grande réforme des examens au cours de cette période est l’introduction de l’histoire de France, comme une épreuve du programme. L’introduction de l’histoire de France est pensée de manière similaire à l’introduction de la littérature dans les programmes. Il ne s’agit pas d’arriver à une chronologie complète et exhaustive de l’histoire de France, mais de sélectionner et de transmettre quelques « belles pages de l’histoire de France »195, dans un processus de choix d’extraits, similaire à celui par lequel la littérature s’installe dans les programmes d’enseignement.

En effet, Claude Vargas (1999) note que l’opération consistant à constituer des classiques de la littérature pour l’enseignement-apprentissage du français langue nationale réside en

195 « Nicol ajoute qu’il est aussi inutile d’étendre le programme sur sa partie littéraire : faire connaître aux argentins les belles pages de notre littérature, celles qui résument l’esprit et le génie de la France : notre langue exprimée dans le style le plus pur. » (Rapport de réunion de l’AFBA du 16 avril 1925)

191 une sélection des « plus belles pages de la littérature nationale »196, qui permet à l’élève apprenti-scripteur de découvrir la langue. À ce titre, l’introduction de l’histoire est à lier aux finalités de l’enseignement du français pour l’AFBA à cette période : permettre l’accès à la langue pour faire connaître l’âme nationale. Les « plus belles pages » littéraires et historiques ont pour fonction de rapprocher l’étudiant de langue vivante de l’âme française afin que se diffuse dans la société argentine un sentiment pro-français. Ainsi, en pleine guerre (en mai 1916), Paul Deschamps – vice-président à partir de 1917 -, propose au Comité de Buenos Aires d’inscrire une épreuve d’histoire aux examens officiels. Cette modification est ratifiée en 1917 et l’Inspecteur Général des cours, Albert Legrand, est chargé de la rédaction du questionnaire pour le programme des examens de 1918. Le programme de révision doit alors comprendre l’épisode historique de Jeanne d’Arc, puis la période comprise entre la mort d’Henri IV (1610) à la période contemporaine. Ce programme, qui semble à première vue relativement exhaustif, est discuté dans l’immédiat après-guerre et réduit considérablement, pour éviter de donner à voir aux élèves, notamment, les guerres civiles.

Une modification dans le programme des examens pour le Diplôme Supérieur (les épreuves orales) survient en août 1916 et donne à voir le processus de sélection des classiques littéraires pendant la Ière GM197. Les candidats doivent réaliser une explication d’un des

« textes choisis » parmi les œuvres des auteurs suivants :

196 « Par contre c’est la lecture des “plus belles pages de nos classiques” qui doit permettre la réelle connaissance de la langue française. » (Vargas, 1999 : p. 42)

197 Ces modifications sont également publiées dans le journal français en Argentine Le Courrier de la Plata.

Tableau 19. Œuvres de théâtre pour la réforme de 1916 Corneille Racine Molière Rostand Victor

Hugo le Cid Andromaque l’Avare Cyrano de

Bergerac

Hernani

Horace Athalie le

Misanthrope

L’Aiglon Cinna Britannicus les femmes

savantes Polyeucte Esther le bourgeois

gentilhomme Rodogune Iphigénie le médecin

malgré lui

192 Cette sélection propose la suppression de Salammbô de Flaubert, Les misérables de Victor Hugo, Mahomet et Mérope de Voltaire. Ces ouvrages sont remplacés par Charles XII de Voltaire et quelques œuvres d’André Chénier et Alfred de Musset. On remarque que ces modifications suppriment de préférence des œuvres à caractère social ou politique (Mahomet, Les Misérables), pour les remplacer notamment par une œuvre de peinture

Tableau 21. Œuvres d’édification et histoire pour la réforme de 1916 Madame

Tableau 20. Œuvres de romans et histoires courtes pour la réforme de 1916

Chateaubriand Victor Hugo Pierre Loti Daudet

Atala Notre Dame de Paris Pécheurs d’Islande Tartarin

Ramuntcho Le petit Claude

Les lettres de mon moulin

Tableau 22. Œuvres de poésie pour la réforme de 1916 Lamartine Victor Hugo De Heredia Sully

Prudhomme

Coppée Chateaubriand

Méditations Odes et Ballades Les trophées Le bonheur Le passant Les martyrs Harmonies Les orientales

193 historique. On voit, à travers la sélection de contenus pour les examens, la manière dont s’opère le processus de sélection des « belles pages » littéraires et historiques, supposé donner accès, à l’élève des cours avancés, une vision de « l’âme française ».

Ces réformes du programme, auxquels le Conseil d’administration procède de manière régulière depuis la mise en place des examens en 1895, s’accompagnent pour la période qui nous occupe, d’une réforme de fond s’articulant sur une discussion méthodologique spécifique à l’espace argentin.

Les enseignants des classes de français envoient une plainte, en octobre 1916, au Conseil d’administration pour signaler la présence de Français récemment immigrés dans les épreuves des examens de l’AFBA. Cette concurrence déloyale avec les autres candidats, pointée du doigt par les enseignants, donne lieu à une réforme visant l’introduction de la traduction dans les examens. Avant d’examiner le lien de la traduction avec les développements méthodologiques propres à l’espace argentin, il convient de souligner que la présence de Français fraîchement immigrés au sein des examens supérieurs n’est pas anodine. Nous avons pu souligner, précédemment (cf. supra, p.181), que le phénomène d’officialisation des diplômes de l’AFBA entraînait une valeur effective des lauréats sur le marché du travail, et notamment au sein des entreprises issues de la communauté française ou encore des communautés alliées. La participation, assez visible pour être dénoncée, d’individus récemment arrivés sur le territoire argentin aux examens supérieurs de l’AFBA, illustre de manière singulière ce phénomène.

Le Comité de Buenos Aires, décide, en conséquence, de contrecarrer le phénomène en ajoutant une épreuve écrite pour le Diplôme Supérieur : la traduction d’un texte en langue espagnole. Cette réforme, effective à partir de 1918, recoupe des questionnements méthodologiques sur la scène éducative argentine, liés à la place de la traduction au sein de l’enseignement. Louis Ardit, sociétaire de l’AFBA et directeur de collège, réfute l’utilisation de la traduction de l’espagnol vers le français et accuse cette technique de retarder l’apprentissage de la langue, tandis qu’il préconise la traduction du français vers l’espagnol, particulièrement à l’oral, comme un exercice très utile. Ce dernier élabore une configuration méthodologique qu’il intitule « méthode expérimentale ». Cette configuration méthodologique consiste en l’application de grands principes d’apprentissage direct avec l’utilisation de la traduction, à l’oral, du français vers l’espagnol.

194 Or, nous l’avons vu, cet usage oral de la traduction est l’un des principes de l’enseignement des langues anglaises et françaises à l’école primaire, bien avant la création du Lenguas Vivas et de l’adoption légale de la méthodologie directe. On constate qu’avec cette réforme du programme des examens, l’AFBA répond à une problématique d’ordre organisationnel, tout en s’insérant dans des problématiques éducatives locales, à l’heure d’une reconnaissance croissante de ces examens et de leur valeur nationale.

L’enseignement-apprentissage du français au cours de la Ière GM est porté par un système d’évaluation en expansion, qui renforce le système de contrôle linguistique de l’AFBA délivrant des diplômes. Le succès de ce système est permis, d’une part, par la position de l’AFBA au sein de la communauté - les diplômes ont une valeur sur le marché du travail - et son insertion progressive au sein des élites argentines, d’autre part. Les examens en expansion acquièrent donc une valeur professionnelle, comme une valeur symbolique, ce qui conduit l’AFBA à exercer une normalisation des conditions de passation et de correction.

Nous notons, de plus, que le programme des examens renforce la transmission d’une mémoire organisée du français et de la culture française. Le système des « belles pages » offre une organisation mémorielle de la langue française, au sein de l’enseignement-apprentissage du français, qui vise à contrôler les « bons » des « mauvais » contacts avec la culture française. Le développement méthodologique en cours, marqué par une volonté de contrôle des apprenants et locuteurs du français s’étend de manière encore timide à des balbutiements de développement méthodologique pour les cours du soir placés sous le patronage de l’AFBA.

3.3.2. Le développement méthodologique de l’AFBA

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