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Le développement méthodologique de l’AFBA pour les cours pour les cours

3- Processus d’institutionnalisation de l’AFBA dans la capitale argentine capitale argentine capitale argentine

3.3. La bataille méthodologique

3.3.2. Le développement méthodologique de l’AFBA pour les cours pour les cours

La mise en place d’un système éducatif national en Argentine débute avec la loi 1420 de 1884 (cf. supra, p.166). Cette législation s’accompagne d’un renforcement des fonctions du Conseil National de l’Éducation, chargé dorénavant de contrôler les ouvrages utilisés en classe. En effet, selon Roberto Bottarini, le livre de texte contient le programme de réalisation de « l’argentinisation » des populations. Le livre, constituant alors la pierre angulaire du dispositif, est au centre d’un contrôle très strict, qui revient en propre au Conseil National de l’Éducation. Il avance ainsi :

195

« Como parte de este proceso, al Consejo Nacional de Educación se confiaron funciones reglamentarias y normativas, que al portar determinadas concepciones ideologicas y pedagogicas, tuvieron alto poder prescriptivo. El dictado de una variada normativa, como el Reglamento General de Escuelas, el Reglamento de Conferencias Pedagogicas, el Reglamento de Examenes y el de seleccion de textos escolares (todos en 1887), le permitio controlar los cambios en un claro intento de homogeneizacion pedagogica y curricular. »198

(Bottarini, 2002 : p. 80) Le Conseil National de l’Éducation est donc en charge du contrôle des contenus et des méthodes d’enseignement, notamment par la sélection de manuels officiels, destinés aux écoles, autorisés alors à faire figurer la mention de respect des programmes nationaux sur leur couverture. La commission spécifique, dont dépend le français, est la commission grammaire et langues étrangères. Or, Roberta Paula Spregelburd (2002) relève que la centration sur le manuel revêt une importance particulière, dans la mesure où, en l’absence d’enseignants massivement formés aux mêmes techniques d’enseignement, seul le manuel permet une progression uniforme de cet enseignement.

« La selección de textos escolares era una cuestión clave para dirigir el contenido y método de la enseñanza en momentos en los que la formación de un cuerpo de docentes preparados era aún una tarea por realizarse. »199

(Spregelburd, 2002 : p. 153) Les conclusions tirées par le mouvement de construction du système éducatif argentin aboutissant à une centration sur le matériel d’enseignement-apprentissage, vont être reproduites par le Conseil d’administration de l’AFBA lorsque, après-guerre, le Comité décide l’élaboration d’un matériel local. Il ne s’agit pas d’une reproduction explicite des réflexions du Conseil Pédagogique de 1882, mais c’est bien l’absence de formation enseignante qui pousse le Comité de Buenos Aires à la réalisation de manuel pour le contrôle

198 « Partie prenante de ce processus, le Conseil National de l’Éducation se voit confié des fonctions normatives et réglementaires, qui portant des conceptions idéologiques et pédagogiques déterminées, disposèrent d’un haut niveau prescriptif. Le diktat d’une variété normative, comme le Règlement Général des Écoles, le règlement des Conférences Pédagogiques, le règlement des examens et celui de la sélection des textes scolaires (tous en 1887), lui permis de contrôler les changements dans une claire tentative d’homogénéisation pédagogique et curriculaire » (ma traduction).

199 « La sélection de textes scolaires était une question clé pour diriger le contenu et les méthodes de l’enseignement à un moment où la formation du corps enseignant était une tâche non-réalisée ». (Notre traduction).

196 du déroulement des cours200. Cependant au cours de la Ière GM, le processus d’institutionnalisation de l’AFBA offre les conditions pour un début de développement méthodologique, qui aboutira, après-guerre, sur des réalisations concrètes. Ce développement méthodologique est permis par deux facteurs : l’élargissement de l’offre de cours et les réformes structurelles qu’elles entraînent, ainsi que la présence, au sein du personnel enseignant, d’auteurs de manuels pour l’enseignement du français.

3.3.2.1. Les prémices d’une réflexion didactique

La multiplication des cours du soir, ouverts sous le patronage de l’AFBA dans les collèges privés et nationaux, et la démultiplication conséquente de l’équipe enseignante, entraîne des réformes structurelles visant peu à peu la centralisation des actions éducatives autour du Comité de Buenos Aires. Les processus de centralisation concernent le recrutement des enseignants comme le contrôle du fonctionnement des classes.

Le premier mouvement de contrôle des enseignants est strictement lié à la guerre économique communautaire dans laquelle l’AFBA s’engage aux côtés du Comité Patriotique. En juin 1915, le Comité de Buenos Aires instaure trois mesures : un contrôle de la nationalité des enseignants ayant une charge de cours du soir, qui doivent nécessairement être français201, leur inscription sur une liste au secrétariat et un contrôle sur les diplômes obtenus. Cette mesure s’amplifie avec la création, en septembre 1916, d’un registre visant à inscrire les enseignants et les diplômes dont ils disposent, publié à titre publicitaire au sein du Courrier de La Plata. En cette période de Ière GM, la mesure indique clairement une orientation salariale de l’AFBA en faveur de la communauté française et renforce, par voie de conséquence, sa participation active à l’effort de guerre.

Ces décisions marquent également les premiers signes de la professionnalisation du corps enseignant de l’AFBA et elles s’accompagnent de mesures accrues de contrôle du contenu de classe. En septembre 1917, le Conseil d’administration choisit de nommer Albert Legrand inspecteur officiel des cours, en charge de diriger les inspections des classes, placées sous le

200 Nous rappelons que l’AFBA ne dispose pas de manuel propre, ni de consigne pour l’utilisation d’un manuel

unique dans ses classes avant 1924. Le manuel programme pour les examens fait donc office de programme de cours.

201 La distinction entre le fait de disposer de la nationalité française ou d’avoir une origine française est très intéressante, car elle est en lien avec les évolutions du taux de migration et nous conforte dans l’analyse d’une communauté française qui stabilise son taux d’arrivée pour la période 1914-1918, s’ancrant dans des intérêts locaux.

197 patronage de l’AFBA202. Si l’implantation d’une telle charge, comme poste fixe au sein de l’association, tarde à se mettre en place définitivement203, elle est le signe d’un processus de professionnalisation avec une volonté de contrôle didactique du contenu des enseignements.

La professionnalisation du corps enseignant et surtout le contrôle du déroulement des classes entraînent des réformes concernant l’organisation administrative du déroulement des cours du soir. Les cours du soir se réalisent dans des établissements, dirigés par des chefs d’établissements qui, jusqu’aux réformes de 1916, sont les décisionnaires majoritaires concernant les modalités de déroulement des cours204. Cette période correspond à l’imposition d’un front commun par une unification des conditions matérielles et une mise sous tutelle des cours du soir, qui, jusqu’ici, étaient plus soumis à la volonté des chefs d’établissements qu’à la volonté du Comité de direction.

Le Conseil d’administration, en février 1916, rédige un règlement des cours du soir, qui statue sur la durée de l’heure de cours (une heure et demie) et le nombre de cours qu’un même enseignant peut donner (deux). Il ajoute le nombre minimum et maximum d’étudiants pour chaque classe : 30 à 60205 et le montant de l’inscription est fixé à 3 pesos206. Le règlement institue, également l’obligation pour les enseignants de compléter une feuille de présence de cours. De plus, la Société Luz207, l’un des lieux où se déroulent depuis 1914 les cours de l’AFBA, envoie un rapport sur le déroulement du cours, ce qui donne l’idée au Conseil d’administration de systématiser la pratique en décembre 1914. Enfin le règlement stipule un calendrier commun à tous les cours du soir dans tous les établissements. Le Comité de Buenos Aires impose ces mesures aux enseignants en appliquant des sanctions salariales vis-à-vis des enseignants qui ne se plient pas à la règle.

202 Ces inspections étaient effectuées avant cette date par les membres du conseil eux-mêmes, ces derniers n’étant qu’en minorité issus de la sphère de l’enseignement.

203 Albert Legrand refuse le poste tout en en assurant les fonctions : il se charge des tournées d’inspection et de la réalisation des dictées, mais refuse l’indemnisation proposée. En août 1918, l’AFBA tente à nouveau de professionnaliser la fonction en réitérant sa proposition d’indemnisation, mais elle est à nouveau repoussée par Albert Legrand qui rédige pourtant 6 modèles de dictée pour les examens de fin d’études de 1918.

204 En octobre 1916 éclate un litige avec le directeur du collège Pueyrredon (M. Conches), qui refuse de faire passer la gestion de la trésorerie par le secrétariat de l’AFBA.

205 André Chervel (2006) note que la tentative de contrôler le nombre d’enfants est constitutive des réformes éducatives, il souligne qu’à la fin du Second Empire, à Paris, le Ministère tente de réduire le nombre d’élèves en classe, pour en fixer le maximum à 120.

206 Sauf en cas de dérogation du Comité de Buenos Aires, ce qui survient notamment à la rentrée en avril 1917.

207 La Société Luz est créée sous l’impulsion du parti socialiste pour l’éducation populaire, en vue de l’instruction du peuple. En 1914, c’est le député socialiste Angel Gimenez qui autorise l’AFBA à y effectuer des cours (Armus & Barrancos, 1990).

198 On dispose dans les archives de deux récapitulatifs du nombre de cours ouverts de 1914 à 1918, un récapitulatif pour 1915 indiquant l’ouverture des cours avec 572 élèves dans les collèges suivants :

Tableau 23. Nombre de cours ouverts en 1915 dans les collèges de la capitale Collège Pueyrredon 254 élèves

Tandis que le récapitulatif de 1917 montre l’ampleur de l’évolution de l’ouverture des cours du soir dans la capitale au cours de la Ière GM :

Tableau 24. Nombre de cours ouverts en 1917 dans les collèges de la capitale Conseil Nacional de Educacion N°6 1 cours première année pour filles

1 cours première année pour garçons Collège Pueyrredon 1 cours première année pour filles

1 cours première année pour garçons 1 cours deuxième année pour filles 1 cours deuxième année pour garçons Collège Sarmiento 1 cours première année pour filles

1 cours première année pour garçons

Société Luz 1 cours deuxième année mixte

1 cours deuxième année mixte

Collège Central 1 cours première année pour filles

1 cours première année pour garçons 1 cours deuxième année mixte

Collège Laprida 1 cours première année pour filles

1 cours deuxième année pour filles Collège Carlos Pellegrini 1 cours deuxième année mixte

1 cours deuxième année mixte

Collège Belgrano 1 cours première année pour filles

1 cours deuxième année pour filles

Collège Rollin 1 cours première année pour garçons

1 cours deuxième année pour garçons Collège central de Flores 1 cours première année pour filles Collège Nacional Mitre 1 cours première année pour garçons Collège Nacional Rivadavia 1 cours première année pour garçons

Ecole San Martin 1 cours première année pour filles

Société Rufuis Sanchez 1 cours première année pour filles

Ecole normale N°4 1 cours de première année

1 cours de première année 1 cours de première année 1 cours de deuxième année

199 On est frappé par la diversification des lieux accueillant des cours du soir de 1915 à 1917 et par l’explosion du nombre d’élèves. Le récapitulatif de 1917 ne propose pas de chiffre en termes de nombre d’élèves, mais le règlement des cours du soir, adopté en 1916, stipule qu’un cours, pour s’ouvrir, doit regrouper a minima 30 élèves et a maxima 60. Si l’on fait un calcul en supposant que les cours ouverts en 1917 sont complets, on passe alors de 572 élèves en 1915 à 1620208 élèves. Nous constatons, de plus que les cours de français sont en grande majorité des cours pour enfants ou jeunes adolescents, exclusivement dans les collèges et que ce sont des cours majoritairement de premier niveau (pour quasi débutants)209.

L’ensemble de ces mesures d’ordre administratif, engagent le Comité de direction sur la voie de la structuration d’un plan d’études pour les cours du soir, dont l’ensemble des aspects fait l’objet de contrôles et de régulations. C’est dans ces conditions que le Comité de Buenos Aires est amené à débuter une réflexion concernant les contenus d’enseignement des cours.

Le premier point qu’il est nécessaire d’avancer, concernant ces réflexions didactiques, c’est qu’elles se nourrissent de demandes émanant des enseignants eux-mêmes. Ainsi, nombre d’innovations méthodologiques et de créations de cours de français spécialisés sont poussées, jusqu’en 1945 au moins, par l’équipe enseignante de l’AFBA. Si le principal ajout au programme d’enseignement durant la Ière GM réside dans l’introduction en 1916 de lectures tirées de l’histoire de France dans les cours du soir (Annexes, Section 3, Document N°28, p.40), les enseignants sont à l’origine de deux innovations majeures pour le développement de l’AFBA : la diversification du type de cours proposés par l’AFBA et l’impulsion de la réflexion concernant l’usage d’un manuel unique pour les cours du soir.

En août 1916, Mme Condamine, enseignante de français, demande la subvention, au Comité de Buenos Aires, de son cours de diction, déclamation et récitation française, se déroulant au sein de la Bibliothèque des femmes de Buenos Aires210. Le Conseil d’administration valide le programme en mars 1917, et l’ouverture du cours est effective à la rentrée d’avril 1917. Le cours est un succès : il compte 51 élèves dès la première mise en fonctionnement en 1917. Le cours de Mme Condamine lie l’AFBA aux milieux mondains : les archives nous

208 Si l’on fait un calcul avec un taux de fréquentation a minima des cours (30 élèves), on arrive malgré tout à 840.

209 Il se forme dès 1913 des cours de troisième année à l’initiative du Collège Pueyrredon, mais le Comité de Buenos Aires décide de les supprimer, en février 1917, car les résultats sont jugés insatisfaisants.

210 La Bibliothèque des femmes est une association fondée en 1903 à Buenos Aires pour l’enseignement et la culture, dont les premiers cours, à partir de 1908, se concentrent sur la lecture, la déclamation et la littérature hispanophone. À partir de 1970 l’association devient un institut de formation officiel.

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