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L’inscription des régimes d’historicités au sein de l’AFBA François Hartog date le développement et la stabilisation du concept de régime d’historicité

Synthèse du chapitre 1 :

Chapitre 2 : l’analyse didactique glocale et sa méthodologie glocale et sa méthodologie

2.1. L’analyse didactique glocale

2.1.2 Les opérations d’analyses en régimes d’historicité

2.1.2.3. L’inscription des régimes d’historicités au sein de l’AFBA François Hartog date le développement et la stabilisation du concept de régime d’historicité

de son voyage à Berlin au début des années 1990, bien que le concept soit présent dans ses travaux avant cette date (Delacroix, Dosse, Garcia, 2003). Cette notion, pressentie dans son article avec Lenclud (Hartog, Lenclud, 1993) se développe et se stabilise, pour lui, au cours de sa découverte de Berlin, ville aux traces de régimes d’historicité qui se superposent et

56 Ce qui produit une forme d’institutionnalisation des pratiques sociales déterritorialisées.

57 Parmi lesquelles figure l’enseignement-apprentissage du français.

89 sont en tension. Il lie également l’approfondissement du concept à la parution de l’ouvrage de Pierre Nora (1992). Cette genèse est particulièrement intéressante dans le cadre de l’analyse didactique glocale de l’AFBA. En effet, dans son ouvrage, Pierre Nora avance que certains lieux portent les traces permettant la construction de l’histoire d’une société pour les mémoires58. C’est exactement ce qui se passe dans le cas de l’AFBA, agissant à ce titre comme catalyseur des mémoires. Tout d’abord en raison de son intention première, celle de rappeler aux Français de l’étranger la mère patrie : il s’agit dès le départ d’une entreprise qui vise la mémoire des individus et choisit de l’inscrire au sein même de ses statuts. C’est une entreprise de souvenir qui passe par la circulation de la langue, et il est intéressant de voir à quel point la langue devient elle-même un lieu de mémoire, au sens avancé par Pierre Nora.

Cette ambition se traduit, ensuite, en lieu physique avec la mise en place du Comité de Buenos Aires. Au demeurant, la transformation d’un lieu de mémoire spirituel en lieu de mémoire physique expose cette mémoire à toute la société argentine : l’AFBA, devenue lieu de mémoire physique, édifiée dans un bâtiment, accueille les Argentins comme les ressortissants et les descendants des Français, se muant de fait en un lieu de mémoire du contact entre le français et l’espagnol argentin. Le bâtiment de l’AFBA devient proprement lieu de mémoire non plus en raison des politiques qui ont déterminé sa création au niveau systémique de l’AF, mais parce que les individus y investissent la mémoire du rapport entre les Français et les Argentins. Il s’agit donc d’une double entreprise de lieu de mémoire, aussi bien dans la forme que dans le contenu.

L’AFBA, pensée comme un lieu de mémoire du contact, est investie d’une dimension symbolique qui ne fait sens que par l’injection d’une forme d’expérience reconstruite venant définir un horizon d’attente. C’est ce que Paul Ricœur montre en posant le problème des constitutions temporelles et de leurs accords au sein des mémoires :

« Une question radicale se pose ici, celle de savoir si l’insertion de la mémoire individuelle dans les opérations de la mémoire collective n’impose pas une semblable conciliation entre temps de l’âme et temps du monde. »

(Ricœur, 2000 : p. 122) C’est précisément cette articulation entre la mémoire et l’histoire que nous souhaitons questionner à travers l’étude incarnée d’un lieu de mémoire particulier. Il existe donc une

58 Un lieu de mémoire, dans tous les sens du mot, va de l’objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet le plus abstrait et intellectuellement construit.

90 tension dans les choix méthodologiques de diffusion du français en termes de champ d’expérience et d’horizon d’attente. Ce champ d’expérience est triple : il est constitué d’une part de la mémoire du contact entre les locuteurs de la langue française et les locuteurs de l’espagnol à Buenos Aires, et d’autre part de la mémoire de la communauté française, et plus particulièrement de celle du noyau dur de la communauté59. À ce double champ d’expérience vient se surimposer un troisième, celui de la diffusion du français dans un contact entre politiques linguistiques argentines et politiques linguistiques françaises, émanant du Comité central comme de l’État français. Or ces trois champs d’expériences sont tendus par des horizons d’attente tout à fait différents concernant la diffusion du français. L’AFBA en tant que lieu de mémoire, est travaillée par ces trois temporalités car elle est investie par ces trois champs d’expérience, de manière pratique : le Gouvernement français peut ordonner l’ouverture de cours. Au demeurant ces ouvertures de cours peuvent également venir de pétitions d’élèves, désirant l’ouverture d’un cours particulier, ou de manière symbolique : par l’inclusion ou l’exclusion d’une partie de la société argentine dans la légitimation de son institutionnalisation. Ce jeu de tensions se traduit dans des traces concrètes du développement de l’AFBA sur les deux axes d’intervention des AF pour la diffusion du français : la production discursive (la propagande) et les prises de décisions didactiques (le développement méthodologique).

Les choix didactiques sont des lieux privilégiés pour l’analyse du rapport entre champ d’expérience et horizon d’attente dans un espace donné. En effet, les choix didactiques sont la trace tout à la fois de tensions politiques vers l’avenir : pour quelle finalité une société ou un individu décide de se consacrer à l’enseignement-apprentissage d’une langue (Puren, 1988), et un certain rapport au champ d’expérience de la langue française : la tradition dans laquelle s’inscrit l’enseignement-apprentissage de la langue en question. Ces choix s’incarnent pour l’AFBA au sein même des discours de propagande, en charge de représenter les intentions politiques.

« Et n’admettez-vous pas que la connaissance généralisée du français leur donne un agréable et puissant moyen de se rapprocher, de fortifier le bloc latin, puisqu’on parle d’autres blocs comme s’il fallait que le monde ne fût que blocs, alors qu’il est bien assez vaste pour contenir plus d’une civilisation, qu’il en a toujours vu fleurir plusieurs à la

59 Constitué par le tissu associatif organisant la communauté à Buenos Aires.

91 fois et qu’il est excellent qu’elles se pénètrent réciproquement, à quoi l’universalité du français ne manque pas de contribuer aussi. »

(Bulletin de l’Alliance française de Buenos Aires, 1932, Annexes, Section 3, Document N°21, p.33) Jaune : horizon d’attente : finalités Bleu : champ d’expérience : tradition Cette tension entre milieux s’organise plus précisément autour de la question de l’universalité de la langue française. Cet extrait du discours de l’AFBA incarne une interprétation de la notion d’universalité de la langue française, provenant d’une vision du champ d’expérience de la diffusion du français. Cette expérience est retraduite dans un horizon d’attente, qui détermine les choix didactiques en termes méthodologiques et en termes de diffusion (cf. infra, p.186).

2.1.2.4 Les régimes d’historicité du contact et les produits

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