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3- Processus d’institutionnalisation de l’AFBA dans la capitale argentine capitale argentine capitale argentine

3.2. La circulation du français dans l’effort de guerre de guerre

3.2.2. L’AFBA et le positionnement guerrier

L’AFBA procède à un revirement dans sa politique communautaire avec la Ière GM. En effet, l’association qui s’adressait, lors de sa création en 1893, principalement à la communauté, décide de s’éloigner de celle-ci, devant le manque d’intérêt que la communauté française lui témoigne et ses efforts inaboutis pour augmenter son champ d’action, ce qu’atteste le rapport de l’Assemblée générale d’octobre 1904176. De plus, l’association des vétérans qui s’adresse au Comité de Buenos Aires, afin d’en obtenir un soutien financier pour ouvrir un stand français, en mai 1914, se voit essuyer un refus. Le Comité de Buenos Aires justifie ce refus par sa volonté de concentrer les efforts budgétaires sur son objectif principal : la propagation du français.

Or lorsqu’en août 1914, se crée à Buenos Aires le Comité Patriotique français pour venir en aide aux familles des réservistes français, le président de l’AFBA, Louis Herbin, est désigné président de la Société, tandis que le vice-secrétaire (Eugène Coustenoble) en devient

174 Le collège Rollin, fait savoir au Comité de Buenos Aires, en 1917, que les élèves sont incités à participer aux œuvres de l’AF et le collège reverse l’argent à l’AFBA. Le collège Pueyrredon met en place des actions de soutien à l’armée en souscrivant à l’ouvroir de lainage ouvert par l’AF de Paris.

175 L’AFBA exonère systématiquement de frais d’inscription aux examens les candidats de l’orphelinat français à partir de novembre 1914.

176« Il y a quelques années, seuls, les français ou fils de français prenaient part à nos examens ; aujourd’hui ils constituent le petit nombre et nous croyons que c’est surtout entre les argentins et les étrangers que doit s’exercer l’action de notre Comité. » (Rapport d’Assemblée générale du 18 octobre 1904)

183 membre. Si dans un premier moment de la vie du comité l’AFBA n’intervient pas en tant qu’association, elle le noyaute et les sessions du comité sont rapportées au Conseil d’administration. Lors de la présentation du Comité patriotique en session de conseil, le président insiste sur le parallélisme entre ces deux associations qui se définissent un but commun : la défense de la patrie.

Le Comité patriotique et le Comité de Direction de Buenos Aires se lancent donc dans une œuvre de propagande française, par la diffusion de circulaires ou d’ouvrages, ainsi en avril 1915, le Comité diffuse l’ouvrage argentin intitulé L’Allemagne contre le monde. Le titre de cet ouvrage étant particulièrement intéressant pour l’espace argentin, au regard de la neutralité du Gouvernement. Les œuvres de propagande ont donc pour but de faire pencher l’opinion publique du côté des alliés, en montrant que le parti allié est celui de l’humanité.

Hernan Otero ajoute que l’incompréhension française vis-à-vis de la neutralité du Gouvernement argentin correspond également à un enjeu économique et pousse les puissances alliées à des manœuvres politiques pour tenter d’influer sur la position Argentine durant le conflit. L’Argentine, principal fournisseur en viande des armées alliées comme de la Triple-entente, souhaite conserver ses clients traditionnels, tandis que les parties en conflits désirent maintenir des accords exclusifs :

« Un segundo conjunto de acciones orientadas a torcer la política del presidente tuvo un carácter más silencioso […] Otras maniobras –esta vez de los agregados franceses- incluían el ofrecimiento a la Argentina de un hotel en Paris y el eventual soborno a miembros del entorno presidencial ya que en un claro reconocimiento de su honestidad se consideraba que el presidente no era accesible por tales medios. »177

(Otero, 2009-b : emplacement 645) Dans ce cadre, le Comité patriotique est chargé de la démonstration de pouvoir symbolique et physique de la communauté française à Buenos Aires. Il est en charge des modes de financement l’effort de guerre178 et de démonstration de force dont l’organisation des fêtes

177 « Un second ensemble d’actions ayant pour objectif de modifier la politique du président pris un caractère plus silencieux […] Ces manœuvres – cette fois des attachés français - incluaient l’offre à l’Argentine d’un hôtel à Paris et un éventuel pot-de-vin aux membres de l’entourage présidentiel, puisque dans une claire reconnaissance de son honnêteté, on considérait que le président n’était pas accessible par de tels moyens. » (Notre traduction).

178 Le Comité adresse ainsi, en octobre 1915, des bons de tabac auxquels souscrire pour l’aide aux œuvres du Comité. Les membres de l’AFBA s’emparent de cette action et on trouve trace du fait qu’Albert Legrand, inspecteur des cours de l’AFBA se charge de la vente de 25 bons. De plus, on trouve trace du fait que des enseignants envoient de l’argent ponctuellement au comité (Mlle Lacaze, en avril 1917). Le Comité patriotique amplifie sa représentation en ouvrant deux sous-commissions, en avril 1917, avec la création d’une commission de propagande pro-alliées, chargée de distribuer les tracts venus de France, et la création d’une commission de jeunes filles françaises sous la responsabilité de la femme de l’attaché militaire de la légation de France.

184 du 14 juillet, ayant pour objectif de pourvoir des financements aux sociétés françaises et de donner une visibilité à la propagande française179. Ces festivités ont donc un rôle symbolique communautaire important, dont le poids influe sur le dispositif didactique de l’AFBA. C’est dans le cadre de ces festivités que l’AFBA avance la réforme majeure de son programme d’enseignement au cours de la Ière GM : l’introduction de l’histoire dans les programmes d’enseignement du français. Le Comité de Buenos Aires organise ainsi, en juillet 1918, lors des festivités, une représentation de récitation des élèves de cours du soir, portant sur un rappel des événements de la prise de la Bastille et une explication des « raisons du soulèvement français » (Annexes, Section 3, Document N°27, p.39).

Cette solidarisation se solde dans la deuxième moitié de la guerre par une fertilisation réciproque des actions du Comité Patriotique et du Comité de Buenos Aires. L’AFBA décide, en mai 1917, de l’ouverture d’un siège officiel de représentation du Comité de Buenos Aires dans les réunions du Comité Patriotique. Les Comités Patriotiques, qui s’étendent dans d’autres villes du territoire argentin, deviennent, quant à eux, de possibles relais de l’action de l’AF. Ainsi, en avril 1918, le président du Comité Patriotique de Mendoza demande au Comité de Buenos Aires s’il accepte de mettre en place une filiale AF pour cette ville. À la fin de la guerre le Comité Patriotique de Buenos Aires se mue en

« Société Patrie » et se fixe pour objectif de lever des fonds pour les associations françaises en Argentine180.

S’il existait une association patriotique avant la Ière GM « Les amis de la France », c’est la fondation du Comité Patriotique qui vertèbre l’action de la communauté dans l’effort de guerre argentin. Les amis de la France seconde l’AFBA dans ses actions d’enseignement-apprentissage du français et le Comité Patriotique dans l’effort de guerre181. La guerre produit donc un effet de polarisation des intérêts communautaires, qui s’exprime, d’une part, par la collaboration de la communauté et des associations communautaires à l’effort de guerre, et, d’autre part, par une action d’entraide des associations182. Les associations

179 L’AFBA reçoit ainsi 930,40 pesos nationaux, en septembre 1915. Les festivités du 14 juillet se maintiennent au cours de toute la Ière GM et les bénéfices augmentent significativement pour les sociétés françaises qui y participent : pour l’année 1917, l’AFBA enregistre un bénéfice de 1109, 15 pesos nationaux.

180 On trouve trace d’une soirée organisée par cette société au 28 octobre 1918.

181 L’association met ainsi en place des cours d’été entrant en fonctionnement, à la fermeture des cours du soir de l’AFBA - on trouve trace de ces cours en 1917 - et organise une représentation pour l’anniversaire de la bataille de la Marne, en septembre 1916, en y invitant toute la communauté française.

182 La cérémonie de remise de prix se tient, en l’absence de subvention gouvernementale, notamment grâce aux dons issus de la communauté. Ainsi, en décembre 1914, le Club Français participe aux frais des examens en fournissant 100 pesos nationaux destinés à l’achat des livres de prix et pour la cérémonie de novembre 1917, L’AFBA lance un appel aux membres bienfaiteurs et donateurs, afin d’obtenir des dons de prix.

185 françaises collaborent tout au long de cette période et on remarque que les principales structures de la communauté, la Minerve (la fédération Mutualités françaises), la Chambre de Commerce française de Buenos Aires et l’AFBA entrent en contact régulièrement183. L’AFBA entre donc pleinement dans l’effort de guerre aux côtés du Comité Patriotique et développe à partir de 1915, une action de propagande propre. Il s’agit avant tout de convaincre la société civile du bien-fondé de la cause française, par voie de presse et par une influence au sein de son réseau.

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