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1.2. Une proposition de typologie des études sur l’Alliance française études sur l’Alliance française

1.2.2. Les études de type « décentrées »

Face à ce positionnement convergentiste, une autre série d’étude déplace le rapport centre-périphérie et participe à une forme de décentrement du rapport de force entre le Comité central et les comités d’action.

Une grande partie de ces études se situent dans une analyse contemporaine des AF et ont pour objectif de comprendre ou de prescrire des dispositifs d’actions de l’Alliance française dans les différents lieux où elle se trouve, c’est donc un type d’analyse privilégié par les domaines disciplinaires de médiation culturelle ou de gestion.

57 Tableau 5. Répartition des études sur l’Alliance française selon l’angle adopté

Études contemporaines Études historiques Salon, 1981

Roselli, 1996 Mazières, 2009 Dejoux Wechtler, 2012

Laboda, 2012 Pepin, 2012

Bruézière, 1983 Tanchev, 1993

Spaëth, 1996 Cortier, 1998 Chaubet, 2004

L’objectif de la plupart de ces études est de comprendre les actions de l’AF en synchronie, à l’époque contemporaine. Dans ce cas, le rapport à l’archive est inexistant et l’AF est analysée depuis des données contemporaines. Cette centration sur la donnée contemporaine et contextualisée subsume donc une forme de positionnement local.

Il existe enfin un dernier type d’étude procédant à un renversement situé du rapport centre-périphérie. C’est de ce dernier type dont se revendique la filiation de la présente étude. Ces travaux reposent sur un éclairage des actions de l’AF à la lumière des relations entre un territoire particulier et les Alliances françaises de ce territoire. Ces études placent au cœur de leurs perspectives les enjeux propres d’un des terrains d’action de l’AF, situant leur propos depuis le terrain. Il y a donc dans le cas de ces études une forme de décentrement, permis par l’éloignement du chercheur avec les enjeux proprement parisien. C’est le cas des thèses de Valérie Spaëth (1996) et de Claude Cortier (1998) ou du travail d’Ivan Tanchev (1993). La thèse de Valérie Spaëth vise le rôle spécifique de l’AF dans le processus de colonisation, lancé dès 1880. Le travail, développé par la suite, notamment dans les articles de 2010-a et 2010-b, réfléchit au lien entre l’essor d’une configuration méthodologique propre à l’enseignement du français en contexte étranger et les processus de diffusion du français dans l’espace colonial. Dans cette optique, l’étranger est exclusivement celui à qui la politique de diffusion reconnaît un statut égalitaire au français :

« La pédagogie de l’enseignement du français est exceptionnellement évoquée pour l'étranger, si ce n'est pour confirmer ce que cela présuppose, c'est-à-dire qu'à la fin du XIXe siècle, l’enseignement du français hors de France, qu’il s’adresse à des francophones de naissance ou des non-francophones, est produit sur le même modèle que celui de l'enseignement du français en France. »

(Spaëth, 1996 : p. 68)

58 En conséquence, les développements didactiques du français pour l’enseignement au sein de l’espace national sont comparables, sinon équivalents, aux développements pour l’enseignement du français à l’étranger, contrairement à l’enseignement en zone coloniale, qui nécessite des développements spécifiques. L’auteur avance la notion de contextualisation pour envisager la manière dont les acteurs de l’enseignement-apprentissage du français en Afrique colonisée organisent les éléments linguistiques et pédagogiques afin de les faire correspondre aux intérêts proprement coloniaux. Ainsi la pédagogie du français est adaptée au contexte colonial et aux visées civilisatrices que l’AF revendique dès 1883. Pour ce faire, Valérie Spaëth croise l’analyse des manuels issus de cette période coloniale (Davesne, Mamadou et Bineta en 1932) et l’organisation effective des cours durant cette période avec les enjeux politiques et les mobilités des acteurs de l’enseignement-apprentissage dans la zone coloniale. Cette étude située permet de lier les phénomènes locaux aux enjeux internationaux et de comprendre l’essor d’un enseignement-apprentissage du français pour les étrangers.

Claude Cortier, quant à elle, analyse les enjeux de l’implantation de l’AF en Amérique latine.

Elle donne ainsi à voir les enjeux multiples d’une politique linguistique de la langue française envisagée du point de vue d’un territoire exogène, en détaillant les conditions d’implantation de cette politique linguistique.

Ainsi, ces études procèdent d’un décentrement qui questionne une mondialisation univoque provenant de Paris vers les AF du monde en montrant les potentialités de réalisation du programme parisien - dans la zone coloniale pour le travail de Valérie Spaëth - au profit d’intérêts locaux réinterprétant le programme initial de l’AF. Il ne s’agit pas d’opposer fermement les deux pôles d’études, mais de comprendre le continuum conceptuel et méthodologique des travaux sur les AF ou incluant les AF. L’enjeu de ce positionnement vise à éclairer la manière dont les AF s’insèrent tout à la fois dans un niveau systémique, permettant de les inclure dans des études d’ordre supranational, et dans un niveau stratégique dans lequel l’AF devient un acteur local aux enjeux locaux.

La présente recherche se situe dans cette interrogation doublée du décentrement par rapport aux archives de Paris. Il s’agit de questionner la manière dont un programme de diffusion se réalise concrètement et au prix de quels contacts, avec quelles réinterprétations. Nous cherchons les traces de ces réinterprétations, et les jeux de contacts présents dans les activités d’enseignement-apprentissage du français, afin d’envisager non plus simplement une

59 politique de diffusion, mais des processus de circulation impliquant, d’une part, des intentions de diffusion et, d’autre part, des intentions de réception de cette diffusion. Avant d’aller plus avant dans l’étude, il est nécessaire de circonscrire le concept de « circulation linguistique » afin de comprendre son statut vis-à-vis des politiques de diffusion de la langue et les voies d’une étude de « circulation linguistique ».

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