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1.2. Une proposition de typologie des études sur l’Alliance française études sur l’Alliance française

1.2.1. Les études de type « convergentistes »

Les études sur l’AF se confrontent toutes à la nécessité de prendre parti dans le rapport centre-périphérie. Cette prise de position est cependant assez peu explicitée et témoigne d’un rapport particulier à l’archive, pour les études historiques, et aux données, pour les études contemporaines. Ces études, bien que relevant de problématiques diverses et de domaines disciplinaires différents, doivent toutes composer avec la multiplicité des rôles tenus par les AF, comme lieux de la diffusion/ réception des circulations linguistiques. C’est précisément ce cadre complexe et son rôle au sein d’un dispositif de diffusion étatique qui intéressent les chercheurs. Les études que nous avons pu recenser35, consacrées aux AF ou incluant les AF appartiennent donc à différents domaines disciplinaires : les sciences politiques, la didactique des langues, l’ingénierie pédagogique, l’histoire, la gestion et la médiation culturelle.

35 Nous espérons avoir recensé de manière la plus précise possible les études sur l’AF ou incluant de manière significative l’AF, mais ne prétendons pas à l’exhaustivité.

54 Tableau 4. Études sur l’Alliance française par domaine disciplinaire

sciences

Mais cette diversité se heurte pourtant systématiquement à la définition des rapports entre les AF d’une part et les liens entre diffusion et réception d’autre part. Toutes les études sur l’AF, quelques soient leurs appartenances disciplinaires, doivent donc faire cas de leur rapport centre-périphérie dans l’analyse de l’Alliance française ou des Alliances françaises considérées. Ce rapport centre-périphérie se situe sur deux plans de l’étude : le plan conceptuel et le plan méthodologique36.

Au plan conceptuel, la définition d’un rapport centre-périphérie se concentre sur le rapport de l’AF à la politique étatique française de diffusion de la langue française et son insertion dans un dispositif de diffusion plus large. Il s’agit alors de mesurer le degré d’adéquation entre une politique de diffusion de l’État français et les actions mises en œuvre par les AF.

Cet axe d’étude traverse les domaines disciplinaires et les échelles considérées, car nombre d’auteurs étudient le projet politique de l’AF (à l’instar de Bruézière, 1983 ; Salon, 1981 ; Roselli, 1996 ; Chaubet, 2004). Ce questionnement conceptuel sur la nature du projet ou des projets des Alliances françaises entraîne un second positionnement, cette fois géographique.

Les études doivent en effet déterminer l’usage du pluriel ou du singulier au sujet de l’Alliance française : faut-il parler de l’Alliance française ou des Alliances françaises ? Cette analyse peut être renforcée par la lecture des archives de l’AF les plus facilement accessibles : les bulletins centraux de l’AF de Paris. Ils analysent la situation mondiale de l’association et, via des résumés des situations, donnent à voir une avancée cohérente, sous la houlette d’une propagande pensée depuis Paris.

Cette détermination conceptuelle de l’action de l’AF, fonctionnant en réseau, repose sur une détermination méthodologique : la prééminence des archives parisiennes dans la relation des auteurs aux sources. En effet, la fondation des Alliances françaises dispose à Paris d’un fonds

36 Ces deux plans sont intimement liés par un rapport à l’archive.

55 d’archives conséquent et de tous les bulletins de l’AF, agissant comme un catalyseur de cette masse d’archives. Les bulletins, retranscrivant la correspondance avec les alliances du monde entier, donnent à voir une logique de développement très riche et fourmillant de détails. La richesse et la – relative - facilité d’accès à ces documents pourraient expliquer la focalisation des études sur ce pôle parisien.37

Nous désignerons ce type d’étude comme des travaux convergentistes. En effet, ils ont pour effet de faire converger les développements mondiaux autour du centre parisien, en en faisant l’unique pôle de décision des actions de l’AF, comprise au singulier. Ainsi, cette conception fait converger l’évolution des différentes AF en fonction de prises de décisions parisiennes, en lien avec l’évolution de la politique extérieure de la France. Le rapport centre-périphérie est ainsi marqué par la soumission des comités mondiaux au Comité central.

Ces travaux se situent majoritairement en histoire et ont soit pour objectif de retracer l’histoire globale de l’AF, soit celui de la politique linguistique extérieure de la France. Au sein de ce type de travaux on trouve l’un des plus vieux sur l’AF : le travail de Maurice Bruzière (1983), alors directeur des cours de Paris. Parmi les travaux les plus récents, on compte celui de François Chaubet, L’Alliance française ou la diplomatie de la langue (2004) qui a pour objectif de comprendre le rôle politique de l’AF et provoque en cela une double convergence : une convergence de type politique entre l’AF et le Gouvernement français d’une part et le Comité central de l’AF et les comités d’action de l’AF d’autre part. Ces deux travaux sont par ailleurs marqués par une caractéristique commune : celle de fournir des cadres temporels mondiaux et de leur assigner des types d’actions : les entrées de chapitre de l’ouvrage de Maurice Bruézière, par exemple, catégorisent de vastes périodes : La belle époque (1900-1914) / La parenthèse tragique (1914-1918) / L’œuvre de reconstitution (1919-1923) / Les années folles (1924-1931).

Ces travaux prennent parti dans le rapport centre-périphérie pour un Comité central fort et décideur pour le restant du monde. Or, la lecture des deux grandes histoires convergentistes de l’AF : celle de Chaubet et celle de Bruzière, à la lumière des archives centrales de l’AF de Paris, et notamment à la lecture détaillée des bulletins de l’AF de Paris, révèlent une grande cohésion entre les informations fournies par les archives de Paris et ces mêmes études. On pourrait supposer que le travail s’est logiquement centré sur les archives

37 Cette remarque s’applique particulièrement aux études de politique historique, comme celle de François Chaubet.

56 parisiennes et sur le retraitement duquel elles ont fait l’objet dans les bulletins parisiens. Il s’agit donc tout à la fois d’un positionnement méthodologique vis-à-vis de l’archive centrale de Paris et d’un positionnement analytique de type convergentiste.

On peut mentionner ensuite les travaux de type convergentistes dans lesquels l’Alliance française est un acteur parmi d’autres de la diffusion de la langue française, et est étudié dans son rôle politique, telle la thèse d’Albert Salon (1981). Ce ne sont pas des travaux proprement sur l’Alliance française, mais ils envisagent l’Alliance française dans un dispositif de diffusion du français. Ainsi, Albert Salon insère au sein de l’analyse du rôle des Alliance françaises, des recommandations à destination des responsables de la diffusion linguistique et culturelle. Il préconise une plus grande intégration de l’AF aux réseaux diplomatiques avec des formules telles que :

« En fait, l’Alliance française vit et prospère partout où les étrangers amis de la culture et de la langue française veulent créer des comités, les faire vivre et prospérer, et y consacrer leur temps, leur influence et leur argent, en toute liberté. »

(Salon, 1981 : p. 783) Ces études n’entretiennent pas le même rapport globalisant à l’Alliance française et à ses archives mais définissent l’institution de manière à l’inclure dans un dispositif de diffusion large. Ces travaux, tout en considérant l’Alliance française au singulier, ouvrent une brèche par rapport aux études mentionnées précédemment. Ils envisagent en effet les actions locales et leurs effets locaux. Ainsi Albert Salon définit l’Alliance française comme un acteur qui a un rôle à jouer en termes locaux, défendant l’idée que le statut associatif, et à valeur fortement intégrative de l’Alliance française, sert les intérêts de la France et qu’elle doit être mieux prise en compte dans les politiques de diffusion.

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