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Les charges récupérables en matière de bail commercial 289 En matière de baux commerciaux, c’est la liberté contractuelle qui prévaut.

Chapitre V. Les obligations financières

B. Les charges récupérables en matière de bail commercial 289 En matière de baux commerciaux, c’est la liberté contractuelle qui prévaut.

Cette liberté comporte toutefois des limites légales.

Qui plus est, en opportunité, il n’est pas certain que le bailleur ait intérêt à opérer un transfert de charges massif sur la tête de son cocontractant. En effet, l’opération n’est pas neutre quant à l’évolution du loyer.

Ce qui peut conduire à formuler quelques propositions d’encadrement.

1. Le principe de liberté contractuelle

290.- Le statut des baux commerciaux ne comportant pas de dispositions relatives aux

accessoires du loyer, c’est en toute liberté que les parties vont déterminer les charges incombant à chacune d’entre elles.

Tout semble donc possible, dès lors que la stipulation contractuelle est dénuée d’ambiguïté. En revanche, en cas d’équivoque, les dispositions de l'article 1162 du Code civil (selon lesquelles « dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation ») doivent recevoir application.

C’est ainsi que certains baux prévoient que le loyer sera « net de charges » pour le bailleur. Il arrive aussi que le bail mette expressément l'impôt foncier à la charge du preneur410.

2. Les limites à la liberté contractuelle

408 Civ. 3e, 19 mars 2008, Bull. civ. III, n° 55 ; D. 2008. AJ 988, obs. Rouquet Document 267.

409 Ayant jugé, à propos d’un bail commercial, qu’« une loi ne peut être considérée comme interprétative qu’autant qu’elle se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverses », V. Civ. 3e, 27 févr. 2002, Bull. civ. III, n° 53 ; D. 2002. AJ

1142, obs. Rouquet Document 257 ; AJDI 2002. 291, obs. Blatter, 1re esp. ; RTD com. 2002. 269, obs. Monéger.

291.- La liberté des parties n’est cependant pas sans limite.

Ainsi, a-t-il été jugé, aux visas de l'article 11 de la Conv. EDH et de l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901, que la clause d'un bail commercial faisant obligation au preneur d'adhérer à une association des commerçants et à maintenir son adhésion pendant la durée du bail est entachée d'une nullité absolue411.

Solution confirmée en 2010412, dans une affaire où le juge du fond413 est censuré, après avoir annulé la clause d’adhésion, pour avoir condamné le preneur à payer à l'association une somme équivalente au montant des cotisations au titre de l'enrichissement sans cause (bénéfices tirés des actions de publicité, de promotion et d'animation effectuées par l'association). Selon la Cour de cassation, cette solution aboutissait à une reconnaissance théorique, dénuée de toute effectivité, de la liberté du preneur de ne pas adhérer à l’association (en violation des articles 6, § 1, 11 et 13 de la Conv. EDH).

On ajoutera, après un auteur414, que l'association avait par ailleurs certainement « un intérêt propre à mener des actions publicitaires qui donnaient à l'appauvrissement sa cause ».

3. L’opportunité d’opérer un transfert de charges

292.- Transférer massivement les charges sur la tête du locataire n’est toutefois pas

nécessairement un bon calcul, puisque cela va entraîner une minoration de la valeur locative, privant par-là même, peut-être, le bailleur d’un motif de déplafonnement.

Il ressort en effet de la combinaison des articles L. 145-34 et R. 145-8 du Code de commerce que le loyer de renouvellement d'un bail commercial peut être déplafonné lorsque les obligations découlant de la loi et génératrices de charges pour le bailleur ont subi une modification notable depuis la fixation initiale du loyer du contrat expiré.

En la matière, la jurisprudence est assez fournie concernant l’augmentation de l'impôt foncier lorsque les parties n'ont pas entendu déroger à l'article 1400 du CGI mettant cette imposition à la charge du propriétaire415.

C’est ainsi que la demande de déplafonnement du bailleur a été admise en cas d'augmentation de 418 % de la taxe foncière416 ou de triplement de l'impôt417.

Il faut toutefois que l’augmentation soit « notable » au sens de l’article L. 145-34, élément de

411 Civ. 3e, 12 juin 2003, Bull. civ. III, n° 125 ; D. 2003. AJ 1694, obs. Rouquet Document 283 ; AJDI 2003.

663, obs. Blatter ; RTD com. 2004. 72, obs. Monéger ; dans le même sens, V. Cass., Ass. Plén. 9 févr. 2001, Bull. civ., n° 3; D. 2001. 1493, note Alfandari ; ibid. 2002. Somm. 1522, obs. Giverdon; AJDI 2001. 611, obs. Giverdon; V. aussi, jugeant que l’art. 11 conv. EDH a consacré un droit d'association négatif, « c'est-à-dire le droit de ne pas s'affilier à une association ou de s'en retirer », CEDH, 30 juin 1993, D. 1994, Jur. 181, note Marguénaud ; CEDH 29, avr. 1999, D. 1999. IR 163.

412 Civ. 1re, 20 mai 2010, Dalloz actualité 31 mai 2010, obs. Rouquet Document 284.

413 Paris, 14 oct. 2008, RTD com. 2009. 291, obs. Monéger. 414 J. Monéger, dans ses obs.préc. ss. Paris, 14 oct. 2008.

415 Jugeant que l’évolution de cette taxe à la charge du propriétaire, qui résulte de la loi et des règlements, est un élément à prendre en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé, V. Civ. 3e, 25 juin 2008, Bull. civ.

III, n° 112 ; D. 2008. AJ 1897, obs. Rouquet Document 285.

416 Civ. 3e, 7 févr. 2007, Bull. civ. III, n° 18 ; D. 2007. AJ 663, obs. Rouquet Document 286.

417 Civ. 3e, 13 juill. 1999, Bull. civ. III, n° 171 ; D. 1999. AJ 17, obs. Y. R. Document 287 ; RDI 1999. 694,

obs. Derruppé ; Administrer déc. 1999. 29, note Barbier ; dans le même sens, V. aussi Civ. 3e, 2 oct. 2002, Bull.

fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond418.

On aura noté que seules sont concernées les obligations découlant de la loi419 et génératrices de charges pour l'une ou l'autre partie. En conséquence, l'augmentation des charges de copropriété, qui découle de l'exécution d'une délibération d'assemblée générale et non pas de la loi, ne constitue pas un motif de déplafonnement420.

4. Une proposition d’encadrement de la liberté contractuelle

293.- Parce que prévoir un loyer « net de charges » peut s’avérer être un mauvais calcul, tant

pour le preneur (qui ne sait pas nécessairement à quoi il s’engage financièrement) que pour le bailleur (en matière de loyer de renouvellement ; V. supra, n° 292), parce que les parties ne mesurent pas toujours l’exacte portée des stipulations contractuelles en matière de charges locatives, il n’est peut-être pas inutile d’envisager un encadrement de la liberté des cocontractants par la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission Pelletier421. Selon celles-ci, il faudrait :

– améliorer l’information du nouveau locataire sur la nature et le montant des charges accessoires au loyer (recommandation n° 23),

– encourager la pratique d’une régularisation annuelle et harmonisée (recommandation n° 24),

– moderniser la rédaction des articles 1754 et 1756 du Code civil (sur les réparations locatives et la charge du curement des puits et fosses d’aisance) et inciter à ce que les nouveaux baux s’y réfèrent en lieu et place des articles 605 et 606 du même Code (recommandation n° 25). En complément, il pourrait être opportun, d’une part, de dresser par décret une liste de charges et de réparations locatives et, d’autre part, d’imposer aux cocontractants le respect de l’une des options suivantes :

– loyer « net de charges »,

– toutes les charges et réparations locatives sont imputées intégralement au preneur,

– seuls certains postes de charges et de réparations locatives (nommément désignés) sont imputés intégralement au preneur.

418 Civ. 3e, 7 févr. 2007, Bull. civ. III, n° 18 ; D. 2007. AJ 663, obs. Rouquet Document 286 ; Loyers et copr.

2007, n° 103, obs. Péreira-Osouf.

419 Et des règlements : Civ. 3e, 25 juin 2008, Bull. civ. III, n° 112 ; D. 2008. AJ 1897, obs. Rouquet Document 285.

420 Paris, 28 févr. 2001, D. 2001. AJ 1622, obs. Rouquet Document 289. 421 AJDI 2004. 344.