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TITRE III. La fin du bail

D. La protection des locataires âgés et démunis

320.- Organisant une protection particulière en faveur du locataire âgé et démuni (entendons

par-là, âgé de plus de soixante-dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du SMIC), l'article 15-III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 impose au bailleur donnant congé d'assurer le relogement de son cocontractant.

Encore faut-il, précise le texte, que le logement proposé soit en adéquation avec les besoins et les possibilités du locataire et qu'il soit situé à proximité, c'est-à-dire, plus précisément, qu'il se situe dans les limites géographiques prévues à l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948.

Cette mesure protectrice tombe toutefois lorsque le bailleur personne physique est lui-même âgé ou démuni.

Si le seuil en deçà duquel le bailleur est réputé être démuni est rigoureusement le même que celui qui s'applique au preneur (1,5 SMIC), on notera – non sans un certain étonnement –, d'une part, que les conditions posées à l'égard du propriétaire sont alternatives (il doit être âgé

ou démuni) et, d'autre part, que la position de bailleur semble finalement peu enviable car

propice au vieillissement prématuré : la loi répute le bailleur âgé dès son soixantième anniversaire !

321.- A propos du moment auquel l’offre de relogement doit intervenir, la loi de 1989

n’oblige pas le bailleur à la présenter en même temps qu’il délivre congé au locataire. L’offre doit toutefois intervenir durant la période de préavis466. A défaut, le congé sera annulé et le

463 Civ. 3e, 18 févr. 2009, Bull. civ. III, n° 42 ; D. 2009. AJ 632, obs. Rouquet Document 322 bis ; AJDI 2009.

626, note Damas.

464 TI Paris, 13 juin 2003, AJDI 2003. 762, obs. Rouquet Document 323.

465 Civ. 3e, 22 mars 2006, Bull. civ. III, n° 76 ; AJDI 2006. 383, note Rouquet Document 324.

bail reconduit tacitement.

322.- Sur l’appréciation des ressources du locataire, il n’y a pas lieu de tenir compte des

revenus de capitaux de valeurs mobilières, des revenus soumis au prélèvement libératoire et du fruit de la vente de biens immobiliers467.

Cette approche mérite l’approbation, dans la mesure où la notion de « ressources annuelles » implique nécessairement une récurrence468. D'ailleurs, par le passé, il a déjà été jugé qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte des aides familiales épisodiques et ponctuelles, pécuniaires ou en nature469, pas plus que la perception d'un capital470.

323.- Quant à l’impact du passage aux 35 heures, il est nul471. Précision qui s'inscrit dans la logique de la loi n° 2000-37 du 19 janv. 2000, dite loi « Aubry II », dont l'article 32 avait prévu que les salariés payés au SMIC toucheraient un « complément différentiel de salaire » les garantissant contre toute baisse de revenus.

324.- Concernant l'appréciation de l'âge du cocontractant, au sujet duquel le texte (L. 6 juill.

1989, art. 15-III, in fine) précise qu'il y a lieu de se placer à la date d'échéance du contrat, un problème peut se poser lorsque le local loué est en indivision, situation non spécialement visée par le texte.

En 2009, pour la première fois, le juge du droit a décidé qu’il suffit que l'un des deux époux bailleurs soit âgé de plus de 60 ans pour que le bailleur puisse délivrer un congé reprise sans offre de relogement472.

Cette solution tire les justes enseignements de l'article 13 b, de la loi de 1989, aux termes duquel les dispositions de l'article 15 peuvent être invoquées [...] lorsque le logement est en indivision, par tout membre de l'indivision473.

Et il y a certainement lieu de considérer que ce qui précède vaut tout aussi bien à l'égard de la condition alternative de ressources posée par le texte474.

V. Bail commercial : pas de motivation en cas de refus de renouvellement avec offre d’indemnité d’éviction

467 Civ. 3e, 16 sept. 2009, Bull. civ. III, n° 190 ; D. 2009. AJ 2282, obs. Rouquet Document 326.

468 Jugeant que seules les ressources régulières sont à prendre en considération, V. Civ. 3e, 28 mai 1997, Bull.

civ. III, n° 117 et Versailles, 4 oct. 1995, D. 1996. Somm. 370, obs. CRDP Nancy 2. 469 Paris, 22 mai 1991, Rev. loyers 1991. 324.

470 Pau, 8 mars 1995, Cah. jurispr. Aquitaine 1995. 70 ; ou les primes d'assurance-vie : Paris, 7 nov. 1996, Loyers et copr. 1997, n° 8.

471 Civ. 3e, 30 sept. 2009, Bull. civ. III, n° 206 ; D. 2009. AJ 2427, obs. Rouquet Document 327.

472 Civ. 3e, 29 avr. 2009, Bull. civ. III, n° 91 ; D. 2009. AJ 1417, obs. Rouquet Document 328 ; AJDI 2009.

793, note Dreveau.

473 Dans le même sens, V. notamment Paris, 4 déc. 1996, D. 1997. Somm. 265, obs. CRDP Nancy 2 ; Lyon, 9 nov. 1999, Loyers et copr. 2000, n° 58, obs. Vial-Pedroletti ; en sens contraire, V. toutefois Orléans, 16 oct. 1996, Loyers et copr. 1997, n° 193, obs. crit. Vial-Pedroletti ; V. aussi, dans un domaine voisin, jugeant que, si le bailleur est usufruitier, c'est à son égard uniquement que la condition de l'âge doit s'apprécier, Toulouse, 7 juin 2005, Loyers et copr. 2005, n° 196, obs. Vial-Pedroletti.

474 En faveur de cette position, V. Aubert, La protection du locataire âgé, Administrer oct. 1990. 4; V. aussi Paris, 4 déc. 1996, D. 1997. Somm. 265, obs. CRDP Nancy 2 ; évaluation séparée d'ailleurs admise lorsqu'il est question d'apprécier les ressources des locataires : Civ. 3e, 19 juill. 2000, Bull. civ. III, n° 146 ; D. 2001. Somm.

325.- Classique475, la solution, selon laquelle le congé emportant refus de renouvellement et paiement d’une indemnité d’éviction n’a pas à être motivé, a été réaffirmée en 2006476, à propos d’un congé délivré pour un motif erroné.

Au cas particulier, le bailleur avait donné congé à son cocontractant au visa de l’article L. 145-18 du Code de commerce instaurant un cas de reprise pour reconstruction ouvrant droit au versement d’une indemnité d’éviction.

Le preneur estimait que le congé avait été délivré pour un motif erroné, l'article L. 145-18 étant inapplicable en raison du caractère partiel de la reconstruction envisagée477.

Qu’à cela ne tienne, répond la Cour de cassation : le congé, bien que délivré pour un motif erroné, n'en demeurait pas moins valable dès lors qu'il a été délivré pour le terme du bail et avec offre d'une indemnité d'éviction.

Par conséquent, le bailleur aurait eu intérêt, ab initio, à donner congé au visa de l’article L. 145-14.

La reprise pour reconstruire garde toutefois son intérêt puisque, d’une part, en vertu de l'article L. 145-4, alinéa 3, du Code de commerce, elle va permettre au bailleur de se dégager du contrat en fin de période triennale et, d’autre part, selon l'article L. 145-18, alinéa 3, du même code, elle libère le bailleur, qui envisage de proposer au locataire un local de substitution, de son obligation de lui verser une indemnité d'éviction.

Chapitre II. La résiliation

326.- La résiliation du bail peut intervenir, soit à l’amiable, soit sur décision de justice. Dans

cette seconde hypothèse, il peut s’agir d’une résiliation judiciaire (le juge doit alors la

prononcer) ou de la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire prévue au contrat.

I. La résiliation amiable

327.- Sur ce terrain, il a été jugé, au visa de l’article L. 145-4 du Code de commerce, que

lorsque la résiliation amiable anticipée d'un bail commercial est acceptée par le bailleur à la condition qu’un nouveau bail soit conclu avec le successeur du locataire, le bailleur peut, sauf abus de droit, modifier les conditions de la nouvelle convention478.

Cette sentence mérite approbation puisque, en permettant au preneur de sortir prématurément du jeu contractuel, le propriétaire lui accorde une faveur, dont il fixe librement les modalités, du moins tant que cette liberté n’est pas utilisée de manière abusive.

En matière de notification de la résiliation amiable aux créanciers inscrits, l’article L. 143-2

475 Civ. 3e, 5 janv. 1993, Gaz. Pal. 1993. 2. 310, obs. Barbier ; Civ. 3e, 2 juill. 1997, RJDA 1997, n° 1319 ;

Paris, 28 avr. 2000, AJDI 2000. 736.

476 Civ. 3e, 8 févr. 2006, Bull. civ. III, n° 26 ; D. 2006. AJ 653, obs. Rouquet Document 329 ; AJDI 2006. 566,

note Dumont.

477 En ce sens, V. notamment Com., 19 janv. 1960, Bull. civ. III, n° 27 ; AJPI 1960. 86.

478 Civ. 3e, 14 nov. 2007, Bull. civ. III, n° 207 ; D. 2008. AJ 15, obs. Rouquet Document 330 ; ibid. 2008. Pan.

du Code de commerce prévoit qu’elle ne devient définitive qu'un mois après la notification qui leur en a été faite, aux domiciles élus. Le texte étant muet sur la question de la forme de la notification, c’est fort logiquement qu’il a été décidé que seule importe l'information claire et non équivoque qui est fournie au créancier de la résiliation amiable, afin de lui permettre d'agir en temps utile479.

II. La résiliation judiciaire

328.- L’opportunité de recourir à la résiliation judiciaire peut être discutée. Tout comme le

moment auquel elle doit être demandée et le préjudice à indemniser peuvent faire débat.