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210.- Au titre de ces obligations de garantie, seront distinguées l’obligation de jouissance

paisible et l’obligation de garantir le locataire contre les vices et les défauts de la chose louée.

I. L’obligation, pour le bailleur, d’assurer son cocontractant d’une jouissance paisible

211.- Cette obligation pèse sur le bailleur lui-même mais aussi sur les personnes dont il doit

répondre.

A. La jouissance paisible du fait du bailleur

212.- Au nom de l’obligation, pour le bailleur, d’assurer à son cocontractant une jouissance

paisible des lieux loués, il a été logiquement jugé que le bailleur qui fait visiter les locaux loués à un candidat locataire sans avertir le preneur en place porte atteinte au respect de sa vie privée visé à l'article 9 du Code civil et lui doit réparation270.

213.- Quant aux pratiques dictées par les convictions religieuses du preneur, sauf convention

expresse, elles n'entrent pas dans le champ contractuel du bail et ne font naître à la charge du bailleur aucune obligation spécifique271.

214.- Ainsi que cela a été décidé le 12 juillet 2000, il en va de même de l’obligation, pour le

bailleur, de maintenir l’activité commerciale d’une galerie marchande272.

270 Civ. 3e, 25 févr. 2004, Bull. civ. III, n° 41 ; D. 2004. IR 853, avec les obs. ; ibid. 2004. Somm. 1631, obs.

Caron ; ibid. 2005. Pan. 753, obs. Damas ; AJDI 2004. 370, obs. Rouquet Document 173.

271 Civ. 3e, 18 déc. 2002, Bull. civ. III, n° 262 ; D. 2004. Somm. 844, obs. Damas ; AJDI 2003. 182, concl.

Guérin et note Rouquet Document 174 ; Administrer mai 2003. 30, note Baudouin ; RTD civ. 2003. 290, obs. Mestre et Fagès.

272 Civ. 3e, 12 juill. 2000, Bull. civ. III, n° 137 ; D. 2000. AJ 377, obs. Rouquet Document 175 ; Rev. loyers

2000. 415, obs. Rémy ; Loyers et copr. 2000, n° 274, obs. Brault et Péreira ; arrêt de censure de la décision ayant jugé que l'obligation du bailleur d'assurer la jouissance paisible des lieux comporte celle, implicite mais indispensable, de maîtrise de l'activité de la galerie marchande et que le bailleur est tenu de conserver l'unité de la structure commerciale, ce qui lui interdit de mettre en œuvre une politique de location fondée sur une commercialisation totalement différente, Paris, 7 oct. 1998, D. 1998. IR 242 ; Dalloz Affaires 1998. 1843, obs.

215.- Toujours à propos, d’un local situé dans une galerie marchande, il a été jugé en 2005,

dans une espèce où une procédure était en cours sur les conditions de report du bail sur une cellule aménagée au sein d'un nouveau centre commercial, que la résiliation du bail, aux torts exclusifs du preneur, pour avoir manqué à son obligation de garnissement et abandonné les locaux, ne peut être prononcée dès lors que le locataire exerçait son activité quelques jours avant la fermeture du centre commercial273.

Loin de se contredire, l’arrêt précédent du 12 juillet 2000 et la présente décision apparaissent complémentaires.

En effet, alors que le premier affirme que le propriétaire d'une galerie marchande est un bailleur comme les autres, le juge du droit relève en 2005, qu'à son tour le locataire d'un local dépendant d'une galerie marchande est un locataire lambda, auquel il ne peut être reproché d'avoir entendu faire valoir ses droits en usant de la voie judiciaire.

216.- Il n’est toutefois pas interdit aux parties d’envisager, au travers de stipulations

particulières, que bailleur ou preneur s’obligent à respecter des contraintes supplémentaires. Ainsi, le bailleur peut imposer à son cocontractant le respect d’une clause de non-

concurrence. Cette clause ne sera toutefois efficiente que pour autant qu’il la fera respecter

par l’ensemble de ses locataires. A à défaut, le bailleur commettra une faute sanctionnée par l’annulation pure et simple de la clause litigieuse274.

217.- Quant à la clause d’exclusivité dont le locataire bénéficie, aux termes d’un arrêt du 4

mai 2006, celui-ci est en droit d'exiger que le bailleur la fasse respecter par ses autres locataires, même si ceux-ci ne sont pas parties au contrat contenant cette stipulation275.

La question soulevée par l'affaire ayant débouché sur cet arrêt du 4 mai 2006 était de savoir si, au-delà des dommages et intérêts qui vont lui être alloués au titre du trouble de jouissance ressenti à raison du non-respect de cette clause d’exclusivité, le preneur pouvait obtenir du bailleur qu'il oblige le second locataire à respecter ladite clause.

Face à un colocataire bravant l'interdiction inscrite dans son bail d'exercer un commerce concurrent, la réponse est évidemment positive. Le bailleur devra même agir avec célérité, faute de quoi le bénéficiaire de la clause pourra lui reprocher son inertie et poursuivre le contrevenant, soit sur le terrain de la faute quasi délictuelle276, soit directement en raison d'une stipulation pour autrui, dès lors que les trois conditions requises par l'article 1121 du Code civil seront réunies (volonté d'une telle stipulation, désignation d'un tiers bénéficiaire et caractère accessoire de cette stipulation277).

En revanche, lorsque, comme au cas particulier, le locataire exerce un commerce concurrent en vertu d'une clause contractuelle en bonne et due forme, le preneur titulaire de la clause

Y. R. Document 176 ; JCP E 1999. 1869, n° 19.2, obs. Monéger.

273 Civ. 3e, 17 mai 2005, D. 2005. AJ 1633, obs. Rouquet Document 177 ; AJDI 2005. 832, note Dumont.

274 Civ. 3e, 3 mai 2007, Bull. civ. III, n° 67 ; D. 2007. AJ 1335, obs. Rouquet Document 178 ; ibid. 2007.

2068, note Rochfeld ; ibid. 2008. Pan. 247, obs. Gomy ; ibid. 2008. Pan. 1645, spéc. 1648, obs. Rozès ; JCP E 2007. 2009, note Auque.

275 Civ. 3e, 4 mai 2006, Bull. civ. III, n° 107 ; D. 2006. AJ 1454, obs. Rouquet Document 179 ; ibid. 2007. Pan.

1831, obs. Rozès ; RTD civ. 2006. 554, obs. Mestre et Fages. 276 Com., 12 mars 1991, JCP E 1992. II. 340, note Leveneur.

d'exclusivité ne pourra demander au bailleur de faire cesser la concurrence dommageable par lui créée, ce, en raison des droits acquis par ce locataire278. Il ne pourra pas davantage, agir contre ce dernier.

Il sera toutefois, « en droit d'exiger que [le bailleur] fasse respecter cette clause par ses autres locataires ». La contradiction n'est qu'apparente puisque « être en droit d'exiger » signifie seulement que le bénéficiaire de la clause d'exclusivité pourra faire valoir son droit à réparation auprès du bailleur.

218.- Telle est, selon nous, l'exacte portée qu'il convient d'assigner à cet arrêt, le juge du droit

opérant une censure technique de la décision d'appel, laquelle avait justifié son refus de condamner le bailleur à contraindre le second locataire à cesser son activité concurrente pour des raisons juridiquement inexactes (la cour d'appel avait motivé sa décision au regard de l'absence de faute délictuelle du preneur et compte tenu du fait que le locataire bénéficiaire de la clause d'exclusivité n'était pas fondé à obtenir une mesure impliquant l'extension au second preneur de l'effet obligatoire d'un contrat auquel il n'était pas partie).

Concrètement, le locataire va pouvoir obtenir l'allocation d'importants dommages et intérêts. Par ailleurs, la résiliation du contrat de location aux torts exclusifs du bailleur n'est pas exclue279. Enfin, ainsi que le suggère le moyen au pourvoi (p. 4), il pourrait être envisagé que le bailleur négocie (moyennant dédommagement) la cessation des activités concurrentes par le second locataire.

219.- A noter, pour clore ce chapitre, que l'obligation du bailleur d'assurer la jouissance

paisible des lieux ne cesse qu'en cas de force majeure280.

B. La jouissance paisible du fait des personnes dont le bailleur doit répondre 220.- Alors qu’il ressort de l’article 1725 du Code civil que le bailleur n'est pas tenu de

garantir le preneur du trouble que des tiers apportent par voies de fait à sa jouissance, sans prétendre d'ailleurs aucun droit sur la chose louée ; sauf au preneur à les poursuivre en son nom personnel, les contentieux rendus au visa de ce texte se sont focalisés, d’une part, sur les atteintes garanties et, d’autre part, sur la définition de la notion de « tiers ».

1. Les atteintes garanties

221.- Il a été jugé à ce sujet qu'en cas de dégât des eaux dans les lieux loués consécutif au

rétrécissement des canalisations, à la suite d’un incendie criminel, le bailleur doit réparer les dommages dont est victime le locataire281.

2. La notion de « tiers »

278 Com., 24 mars 1966, Bull. civ. III, n° 166. 279 Civ. 3e, 28 mai 1974, Bull. civ. III, n° 228.

280 Civ. 3e, 29 avr. 2009, Bull. civ. III, n° 88 ; D. 2009. AJ 1481, obs. Rouquet Document 180 ; AJDI 2009.

875, note Zalewski.

281 Civ. 3e, 25 févr. 2004, Bull. civ. III, n° 36 ; D. 2004. IR 1066 ; AJDI 2004. 371, note Rouquet Document 181 ; Loyers et copr. 2004, n° 159, obs. Vial-Pedroletti.

222.- Il est décidé avec constance que les colocataires (entendons par-là les locataires du

même bailleur) ne sont pas des « tiers », au sens de l'article 1725282. Le bailleur doit, par conséquent, garantie de leurs agissements. Et, la loi n’opérant pas de distinction, cela vaut aussi lorsque le colocataire en question a commis une voie de fait283.

Il en va de même de la commune qui a réalisé des travaux sur un trottoir ayant entraîné un dégât des eaux dans les lieux loués et étant contractuellement liée au bailleur par une convention de travaux publics284.

En définitive, le bailleur n'est exonéré de sa responsabilité qu'en cas de force majeure285.

II. L’obligation de garantir le locataire contre les vices et les défauts de la chose louée

223.- Sur ce terrain, on relèvera deux décisions, toutes deux rendues au visa du 1er alinéa de l’article 1721 du Code civil, selon lequel « il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail ».

224.- Aux termes de la première, la responsabilité du bailleur pour vice caché a été retenue, à

la suite de l'effondrement de la voûte du sous-sol consécutif à des travaux réalisés par le précédent locataire. La force majeure a été écartée, l’extériorité à la chose faisant manifestement défaut286.

225.- Quant à la seconde décision, elle précise que le bailleur qui, bien qu'informé par le

syndic de copropriété avant la signature du bail de la présence d'amiante dans l'immeuble et qui connaissait les risques encourus, n'a pas mis le locataire au courant, lui doit sa garantie287.