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Le loyer de renouvellement en matière de bail d’habitation

Chapitre V. Les obligations financières

A. Le loyer de renouvellement en matière de bail d’habitation

250.- On retiendra schématiquement de l’article 17 c, de la loi du 6 juillet 1989 que le bailleur

qui entend réévaluer le loyer lors du renouvellement doit, au moins six mois avant l’échéance du bail, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte d’huissier, prouver que le prix en cours est « manifestement sous-évalué ». Pour ce faire, il doit fournir des références de loyers du voisinage (dont le contenu est précisé à l’article 19 de la loi de 1989 et par le décret n° 90-780 du 31 août 1990).

Avec la recherche du juste prix par rapport à ce qui se pratique alentour, le législateur s’est prononcé pour la recherche du simple prix du marché constaté à proximité, technique qui se démarque nettement de l’approche scientifique et objective qu’il avait adoptée en 1948 (L. 1er sept. 1948, art. 27 s., spéc. art. 27, al. 1er), selon laquelle valeur locative = surface corrigée x prix de base du m2 de chacune des catégories de logements).

Cette technique n’est pas à l’abri de tout reproche, dans la mesure, notamment, où elle va

315 Jusqu’au 31 juillet 1997, la situation était différente puisque, en matière de baux d’habitation, pour les logements anciens n’ayant pas fait l’objet de travaux de (re)mise aux normes, l’article 17 b, de la loi de 1989 prévoyait une fixation du loyer par référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage (sur la distinction entre les logements de l’ancien secteur libre et ceux au loyer encadré, V. Baux d’habitation, Delmas, 6e éd., 2009, nos 404 s. Document 200).

316 Il en ira toutefois autrement si les parties en expriment la volonté et en cas de fixation de la valeur locative par le juge (J.-P. Blatter, Droit des baux commerciaux, Le Moniteur, 4e éd. 2006, n° 474).

317 Civ. 3e, 19 mars 2003, D. 2003. AJ 1039, obs. Rouquet Document 201 ; Paris, 12 oct. 2001, D. 2001. AJ

mécaniquement contribuer à amplifier la tendance du marché.

Il y a en effet peut-être lieu de s’interroger sur le bien-fondé des critères retenus pour déterminer le loyer applicable, lesquels sont tous en rapport avec les caractéristiques du local. Ne conviendrait-il pas, par exemple, de s’arrêter sur le taux de rendement de l’investissement locatif ou de distinguer plusieurs modèles économiques selon que le bailleur est une personne physique ou une personne morale ?318

En cas de désaccord (exprès ou tacite), l’une des parties pourra saisir la commission départementale de conciliation (CDC)319.

1. La computation des délais

251.- En toute hypothèse, mieux vaut, pour le bailleur, faire une proposition de

renouvellement trop tôt que trop tard.

En effet, alors que l'offre de renouvellement faite pour une date prématurée n'est pas nulle, ses effets étant seulement repoussés à la date pour laquelle elle aurait dû être formulée320, émettre cette offre moins de six mois avant l’échéance du bail serait inopérant, le bail étant reconduit aux clauses et conditions antérieures.

Le bailleur aura intérêt, d’une part, à conserver l’accusé de réception (une reconnaissance de cette réception intervenant dans un autre contexte étant inopérante321) et, d’autre part, à s’y prendre suffisamment à l’avance, puisqu’il doit compter avec le refus éventuel du locataire de réceptionner le courrier, attitude qui rendrait inévitable le recours à un huissier322.

Cette jurisprudence, qui trouve sa source à l'article 669, alinéa 3, du Code de procédure civile (aux termes duquel « la date de réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée par l'Administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire »), présente bien des inconvénients.

Les deux principaux sont, d’une part, qu’elle est susceptible de générer un coût supplémentaire non négligeable (la rémunération de l’huissier) et, d’autre part, qu’elle fait dépendre toute la procédure du bon vouloir du destinataire323.

252.- Il serait peut-être opportun de préconiser une réforme du type de celle qui prévaut

depuis 2000 en matière de copropriété.

Dans ce domaine, en effet, l’article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, prévoit que le délai que font courir les notifications et mises en demeure, faites par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre

318 Sur la question, V. Rouquet, AJDI 2009. 337, Doit-on prôner le gel des loyers ou, plutôt, rechercher le juste

prix du bail ? Document 203.

319 Pour une étude d’ensemble, V. Baux d’habitation, Delmas, 6e éd., 2009, nos 416 s.

320 Civ. 3e, 27 nov. 2002, AJDI 2003. 119, note Rouquet -1re esp. Document 204.

321 Civ. 3e, 29 oct. 2008, Bull. civ. III, n° 162 ; D. 2008. AJ 2872, obs. Rouquet Document 205 ; ibid. 2009.

Pan. 896, spéc. 906, obs. Damas ; AJDI 2009. 127, note Damas.

322 Jugeant que lorsque la lettre n'a pas été remise au preneur, mais retournée au bailleur, la proposition de nouveau loyer n'a pas été faite valablement, V. not. Versailles, 8 mars 2002, AJDI 2002. 530, note Rouquet

Document 206 ; solution transposable en matière de congé : Civ. 3e, 2 févr. 2005, AJDI 2005. 463, note Rouquet Document 207 ; Versailles, 15 mars 2002, AJDI 2002. 530, 2e esp., note Rouquet Document 208.

recommandée au domicile du destinataire (V. supra, n° 88).

2. Le contenu de la proposition

253.- Les références de loyers pour des logements comparables n’ont pas nécessairement à

faire partie intégrante de la proposition de nouveau loyer : elles peuvent être annexées à la notification, dans un document distinct324.

Et il n’existe pas de formule sacramentelle à employer, le texte n'imposant d’ailleurs pas au bailleur d'indiquer dans la notification que le loyer est manifestement sous-évalué, cette réalité étant suffisamment attestée par la production des références325.

3. La saisine du juge

254.- Alors que l’article 17 c, de la loi de 1989 précise que, « en cas de désaccord ou à défaut

de réponse du locataire quatre mois avant le terme du contrat, l’une ou l’autre des parties saisit la commission de conciliation », et que, selon l'article 20 de la loi de 1989 et l'article 8 du décret n° 2001-653 du 19 juillet 2001, cet avis doit intervenir dans les deux mois de la saisine de la CDC, il pouvait être tentant pour le bailleur de faire peu de cas de cette phase de tentative de conciliation, saisissant coup sur coup la commission et le juge. Contraire à l’esprit du texte, cette pratique a été condamnée par la Cour de cassation, pour laquelle le juge ne peut être valablement saisi avant que le délai de deux mois imparti à la commission de conciliation pour rendre son avis soit écoulé326.

Ce qui importe, c’est de saisir la commission départementale de conciliation dans le délai imparti, et non pas qu’elle rende un avis avant le terme du bail.

Le juge suprême de l’ordre administratif a en effet précisé que la saisine du juge judiciaire n'étant pas subordonnée à l'émission d'un avis par la commission de conciliation, la faute commise par celle-ci, dont le secrétariat a égaré la lettre de saisine du requérant, n'est pas de nature à ouvrir à ce dernier droit à indemnité327. On connaissait l'adage « Responsable, mais pas coupable ». Voici à présent : « coupable (d'avoir perdu le dossier), mais pas responsable (du défaut de saisine du juge par le bailleur dans le délai légal) ».