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Le délai de contestation et la sécurité juridique des assemblées

Chapitre II. L’instance délibérante : l’assemblée générale

Document 47 et ss art 65 Document 48.

B. Le délai de contestation et la sécurité juridique des assemblées

105.- Au nom de la nécessaire sécurité juridique qui doit entourer les décisions prises par le

syndicat des copropriétaires, l’article 42 de la loi de 1965 n’en permet la contestation « à peine de déchéance » que durant les deux mois qui suivent leur notification.

Cette déchéance du droit de contester est absolue, s'appliquant à tous les cas d'irrégularité. Ainsi, la forclusion de l'article 42, alinéa 2, est encourue :

– en cas d'adoption d'une résolution à la majorité, alors qu'un vote unanime était requis111 ;

– à la suite à une modification irrégulière de la répartition des charges112 ;

– à l'égard d'une décision prise en assemblée générale, alors qu'elle n'était pas inscrite à l'ordre du jour113 ;

– quand bien même le copropriétaire élèverait-il sa contestation par voie d'exception114 ;

–même en l’absence de convocation ou en cas de convocation irrégulière115.

En définitive, le demandeur ne peut s'affranchir du délai d'action de deux mois que dans

107 Civ. 3e, 24 janv. 2001, Bull. civ. III, n° 7 ; D. 2002. Somm. 1523, obs. Giverdon ; AJDI 2001. 440, obs.

Giverdon.

108 Civ. 3e, 4 juin 2009, D. 2009. AJ 1612, obs. Rouquet Document 60 ; AJDI 2009. 798, note Capoulade.

109 Jugeant qu'il incombe au juge de rechercher si le copropriétaire abstentionniste ayant émis des réserves peut être considéré comme opposant : Civ. 3e, 10 sept. 2008, Bull. civ. III, n° 127 ; D. 2008. AJ 2286, obs. Rouquet Document 49 ; ibid. 2008. Chron. C. cass. 2742, spéc. 2747, obs. Nési; AJDI 2009. 459, note Capoulade.

110 Civ. 3e, 7 nov. 2007, Bull. civ. III, n° 197 ; D. 2007. AJ 2947, obs. Rouquet Document 61 ; ibid. 2008. Pan.

2690, spéc. 2694, obs. Capoulade.

111 Civ. 3e, 9 janv. 1973, JCP 1973. II. 17374, note Guillot ; Civ. 3e, 17 juill. 1991, Bull. civ. III, n° 214.

112 Civ. 3e, 7 janv. 1976, RTD civ. 1976. 808, obs. crit. Giverdon ; Paris, 18 oct. 1996, Loyers et copr. 1997, n°

29, obs. Vigneron.

113 Civ. 3e, 14 janv. 1998, Bull. civ. III, n° 8 ; D. 1998, IR 57 ; RDI 1998. 291, obs. Capoulade.

114 Civ. 3e, 27 mai 1974, D. 1974, Somm. p. 101 ; JCP 1974. II. 17836, note Guillot.

115 Civ. 3e, 12 oct. 2005, Bull. civ. III, n° 191 ; R. 2005, p. 291 ; D. 2005. IR 2627, obs. Rouquet Document 62 ; ibid. 2006. Pan. 1859, obs. Capoulade ; AJDI 2006. 35, note Capoulade ; à propos de cet arrêt, V. aussi

l'hypothèse où il conteste une résolution assimilée à une clause réputée non écrite116.

106.- C’est également au nom de la sécurité juridique qu’il a été jugé que seul le

copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué peut, dans le délai imparti s’entend, se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale117.

Ainsi qu’il a pu être soutenu118, la thèse contraire avait pourtant, pour elle, un certain nombre d'arguments.

Tout d’abord, la lettre de l'alinéa 2, de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, dispose que « les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants », sans pour autant imposer au copropriétaire demandeur d'être la victime directe de l'irrégularité. Or, selon l'adage Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus, la solution s’imposait. Par ailleurs, elle pouvait se référer à certains précédents jurisprudentiels119.

De plus, on rappellera que la Cour de cassation a déjà précisé qu'il n'est pas nécessaire que le demandeur allègue avoir subi un préjudice personnel, ou que les autres copropriétaires aient

subi un préjudice, du fait de l'envoi tardif de la convocation120.

Au surplus, on peut se demander, avec M. le conseiller Capoulade121, s'il n'y a pas lieu de réserver l'hypothèse où, eu égard à la gravité de l'irrégularité constatée, l'assemblée doit être tenue pour inexistante. Or, il semble que, par essence, la réunion de l'organe délibérant du syndicat des copropriétaires, amputé, ne serait-ce que d'un de ses membres, est frappée d'une irrégularité majeure.

En sens contraire à celui de la généralisation du délai de l’article 42, alinéa 2, on relèvera toutefois qu’il a été jugé qu’échappe au bref délai de deux mois l’action qui, en vertu de la combinaison des articles 25 b et 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965, est intentée par un copropriétaire à la suite d’un refus de l’assemblée générale de l’autoriser à réaliser, à ses frais, des travaux d’amélioration qui, conformes à la destination de l’immeuble, affecteraient les parties communes ou l’aspect extérieur de celui-ci122. Il ne faut pas s’en étonner puisque solliciter une autorisation judiciaire et contester une délibération procèdent de deux logiques dissemblables, différant notamment par leur objet, leur cause et par le rôle qui est dévolu au juge. Au reste, l’incertitude que fait peser sur la tête du syndicat la possibilité, pour le copropriétaire, d’obtenir, pendant dix ans, l’autorisation de réaliser les travaux, est sans conséquence. En effet, soit les travaux ne seront jamais réalisés, soit ils le seront et, s’agissant d’améliorations, le syndicat ne subira aucun préjudice123.

116 En ce sens, V. Civ. 3e, 27 sept. 2000, Bull. civ. III, n° 154 ; D. 2001, Jur. p. 408, note crit. Capoulade et

Giverdon.

117 Civ 3e, 14 nov. 2007, Bull. civ. III, n° 210 ; R., p. 393 ; D. 2007. AJ 3064, obs. Rouquet Document 63 ; ibid. 2008. Pan. 2690, spéc. 2694, obs. Capoulade; AJDI 2008. 771, note Capoulade.

118 Nos obs. ss. Civ 3e, 14 nov. 2007, préc.

119 Jugeant que l'irrégularité tenant au défaut de convocation d'un copropriétaire à une assemblée générale pouvait être invoquée par tout copropriétaire opposant ou défaillant, V. Paris, 31 mars 1995, D. 1998. Somm. 269, obs. Bouyeure.

120 Civ. 3e, 3 oct. 1974, D. 1975. 130 ; JCP 1975. II. 18007, note Guillot.

121 Nos obs. ss. Civ. 3e, 12 oct. 2005 Document 62.

122 Civ. 3e, 16 déc. 2009, D. 2010, AJ 209, Document 64.

123 En faveur du refus de l’assimilation des deux actions, V. Souleau, note ss. Paris, 20 sept. 1979, D. 1980. 273 et Atias, note ss. Paris, 23e ch. A, 6 mars 1989, D. 1990. 318.

107.- Pour clore ces développements consacrés au délai de contestation et à la sécurité

juridique des assemblées, on mentionnera cette décision selon laquelle une action introduite devant un tribunal (matériellement) incompétent va pouvoir interrompre le délai de l'article 42, dès lors, d’une part, que l'acte introductif d'instance est intervenu à l'intérieur du délai préfix et, d’autre part, que l'instance, à défaut de contredit, s'est poursuivie devant le juge désigné par le jugement d'incompétence124. Cela se justifie, s’agissant de l’interruption d’un délai préfix et non de prescription, non au regard de l’article 2241 du Code civil (ancien article 2246), mais compte tenu des règles de procédure (spécialement des articles 96 et 97 du Code de procédure civile).