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Le loyer de renouvellement en matière de bail commercial

Chapitre V. Les obligations financières

B. Le loyer de renouvellement en matière de bail commercial

255.- En matière de bail commercial, le principe, exprimé à l’article L. 145-34 du Code de

commerce, est qu’à l’occasion du renouvellement l’évolution du loyer est plafonnée à la variation de l’indice de référence (ICC ou ILC) intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré.

Ce principe connaît toutefois un certain nombre d’exceptions.

Mais, avant d’en venir au plafonnement/déplafonnement du loyer, qu’il nous soit permis d’évoquer un point de procédure.

324 Civ. 3e, 5 nov. 2003, AJDI 2004. 122, note Rouquet Document 209 ; Rev. loyers 2004. 39, obs. Rémy ;

Administrer juill.-août 2004. 30, note Beddeleem ; Defrénois 2004. 443, obs. Aubert. 325 Civ. 3e, 30 nov. 2005, AJDI 2006. 203, note Rouquet Document 210.

326 Civ. 3e, 13 déc. 2006, Bull. civ. III, no 249 ; D. 2007. AJ 83, obs. Rouquet Document 211 ; ibid. 2007. Pan.

907, obs. Damas.

1. Le caractère facultatif de la saisine de la commission départementale de

conciliation

256.- Nées en 1988, ces instances paritaires sont, aux termes de l'article L. 145-35 du Code de

commerce, compétentes pour connaître des litiges nés de l'application de l'article L. 145-34 du Code de commerce relatif à la fixation du loyer de renouvellement.

En dépit de la lettre du texte (« les litiges […] sont soumis », depuis un arrêt de 1993, le caractère facultatif de cette saisine semble acquis328, réserve faite de l'insertion dans le contrat d'une clause imposant aux parties, avant toute procédure, de tenter de se concilier.

Un doute avait toutefois pu naître d'une décision de 2004 par laquelle le juge du droit a censuré une cour d'appel pour avoir dit recevable l'action du bailleur en fixation du prix du bail renouvelé, sans répondre aux conclusions de la société locataire faisant valoir l'irrecevabilité de l'action, faute pour le bailleur d'avoir préalablement saisi la commission départementale de conciliation329. Mais, en dernière analyse, intervenue au visa de l'article 455 du nouveau code de procédure civile (aujourd’hui, C. pr. civ.), la censure était exclusivement technique et ne préjugeait pas de la solution.

Par un arrêt du 10 mars 2010330, la troisième chambre civile de la Cour de cassation confirme le caractère facultatif de la saisine de la commission : « la saisine préalable obligatoire de la commission départementale de conciliation avant celle du juge des loyers n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité ». On appréciera la finesse de la formule qui réussit à respecter et la lettre du texte (la saisine préalable est obligatoire) et son esprit (la saisine n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité331).

2. Le loyer plafonné

257.- Concernant le loyer à prendre en considération pour l'application de la variation

indiciaire, il s’agit de celui qui a été fixé par les parties lors de la prise d'effet du bail à renouveler, et non, comme a pu le soutenir un preneur, de celui qui est réellement acquitté, en l’occurrence sensiblement revu à la baisse332. Cette analyse est effectivement la seule envisageable, compte tenu de la lettre de l’article L. 145-34 du Code de commerce qui prévoit, en cas de plafonnement, que le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, ne peut excéder la variation de l'ICC depuis la fixation initiale du

loyer du bail expiré.

258.- Par ailleurs, le loyer va obligatoirement être fixé à la valeur locative lorsque celle-ci sera

inférieure au loyer plafonné ce, sans qu'il soit nécessaire pour le locataire d'établir une quelconque modification notable des éléments mentionnés aux 1° et 4° de l'article L. 145- 33333.

328 Jugeant que, si, à la date des débats devant lui, aucune des parties n'a saisi la commission, le juge n'est pas tenu de surseoir à statuer sur la fixation du loyer du bail renouvelé, V. Civ. 3e, 3 févr. 1993, Bull. civ. III, n° 13 ;

D. 1993. IR 58 ; Administrer août-sept. 1993. 19, note Barbier ; Loyers et copr. 1993, n° 311, obs. Brault. 329 Civ. 3e, 30 juin 2004, D. 2005. AJ 358, obs. Rouquet Document 213 ; JCP E 2005. 863, n° 47, obs.

Monéger.

330 Civ. 3e, 10 mars 2010, D. 2010. AJ 763, obs. Rouquet Document 214.

331 Dans le même sens, V. déjà Rouen, 11 oct. 2007, Gaz. Pal. 2008. 2. 2681, obs. Ch.-É. Brault ; Loyers et copr. 2008, n° 84, obs. Chavance.

332 Civ. 3e, 17 mai 2006, D. 2006. AJ 1818, obs. Rouquet Document 215 ; ibid. 2007. Pan. 1836, obs. Rozès ;

AJDI 2006. 819, note Blatter.

333 Civ. 3e, 3 juin 2004, D. 2004. AJ 1975, obs. Rouquet Document 216 ; Administrer août-sept. 2004. 19, obs.

Boccara et Lipman-W. Boccara ; Gaz. Pal. 2004. 2. Somm. 3324, obs. Barbier ; précisant qu'il incombe aux juges du fond de rechercher, même d'office, si le loyer du bail renouvelé correspond effectivement à la valeur locative, V. Civ. 3e, 3 déc. 2003, Bull. civ. III, n° 219 ; D. 2004. AJ 639, obs. Rouquet Document 217 ; AJDI

3. Le loyer déplafonné

259.- Trois hypothèses sont à distinguer, puisque, à côté du déplafonnement pour cause de

modification notable des éléments de la valeur locative, il y a lieu d’évoquer le déplafonnement à raison de la durée du bail et le déplafonnement compte tenu de la nature des biens loués. Enfin, seront évoqués ces baux particuliers affectés d’une clause recette.

a. Le déplafonnement pour cause de modification notable des éléments de la valeur locative

260.- Il ressort de la combinaison des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce

que le loyer de renouvellement sera déplafonné en cas de modification notable des caractéristiques du local considéré et/ou de la destination des lieux et/ou des obligations respectives des parties et/ou des facteurs locaux de commercialité.

Cette liste de motifs de déplafonnement est exhaustive334.

261.- Le caractère supplétif des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce.

L’article L. 145-33 énumèrant les éléments de détermination de la valeur locative qu’à « défaut d’accord » des parties, rien ne s'oppose à ce que celles-ci déterminent à l'avance par une stipulation du bail les conditions de fixation du prix du bail renouvelé335.

262.- Les pouvoirs du juge. Le juge du droit laisse à ses homologues du fond le pouvoir de

déterminer souverainement le caractère « notable » de la modification alléguée336.

263.- Le sens de la modification. En jugeant, à propos de travaux réalisés par le bailleur au

cours du bail expiré, que la modification alléguée ne peut constituer un motif de déplafonnement du nouveau loyer que pour autant qu'elle a eu une incidence favorable sur l'activité exercée par le preneur337, la troisième chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence.

En 1999, la même formation avait en effet considéré qu’il n’y avait pas lieu de distinguer si la modification était favorable ou défavorable au preneur (à propos de la baisse de la population du quartier338). Cette position avait pourtant pour elle la lettre du texte, l'article L. 145-34 du Code de commerce se contentant de viser une « modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ». De plus, il peut être observé que décider de fixer le loyer de renouvellement à la valeur locative ne préjuge en rien du quantum qui sera

2004. 284, note Dumont.

334 Jugeant que, autorisée ou non, une sous-location, ne constitue pas une modification des éléments mentionnés aux anciens articles 23-1 à 23-4 du décret de 1953, V. Civ. 3e, 24 nov. 1999, Bull. civ. III, n° 222 ; D. 2000. AJ

67, obs. Rouquet Document 218 ; RDI 2000. 102, obs. Derruppé.

335 Civ. 3e, 10 mars 2004, Bull. civ. III, n° 52 ; D. 2004. AJ 878, obs. Rouquet Document 219 ; ibid. 2004.

2221, note Werthe Talon ; ibid. 2005. Pan. 1097, obs. Rozès ; RTD com. 2005. 256, obs. Monéger.

336 V. not. Civ. 3e, 2 déc. 1998, Bull. civ. III, n° 230 ; Dalloz Affaires 1999. 283, obs. Y. R. Document 220 ;

JCP E 1999, n° 48, p. 1922, obs. Monéger (n° 52) ; Civ. 3e, 24 mars 2004, Bull civ. III, n° 61 ; D. 2004. AJ 1456,

obs. Rouquet Document 221 ; Defrénois 2005. 251, obs. Ruet.

337 Civ. 3e, 9 juill. 2008, Bull. civ. III, n° 123; D. 2008. AJ 1992, obs. Rouquet Document 222 ; AJDI 2008.

849, note Blatter ; JCP E 2009. 1041, n° 26, obs. Kenfack.

338 Civ. 3e, 13 juill. 1999, Bull. civ. III, n° 172 ; R., p. 157 ; D. 1999. IR 203 ; Dalloz Affaires 1999. 1277, obs.