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TITRE III. La fin du bail

B. Le congé vente

1. L’intention de vendre

314.- Conformément aux règles d’administration de la preuve, il a été jugé, d’une part, qu’il

appartient au preneur qui conteste la réalité du motif du congé de rapporter la preuve de l'absence d'intention de vendre du bailleur454 et, d’autre part, que le locataire, qui estime le prix proposé dans le congé excessif, doit le prouver455.

2. Le congé pour vendre et l’erreur de droit

315.- En 2008, le TGI de Paris a pu juger que l'offre de vente présentée par un propriétaire à

ses locataires, dans la croyance erronée qu'il était légalement tenu de vendre en priorité à son locataire, alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit de vendre un bien immobilier occupé, a été rendue nulle dès le départ et l'acceptation ultérieure de cette proposition n'est pas susceptible d'entraîner la formation du contrat, le consentement du vendeur n'ayant pas été valablement donné456.

Sur le plan juridique, vente libre et vente occupée se différencient par le fait que seule la première implique de délivrer un congé au visa de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, ce qui va permettre au locataire, dans les deux premiers mois du délai de préavis, de se porter prioritairement acquéreur du bien.

Les circonstances de l'affaire méritent quelques précisions.

Après avoir pris conseil auprès d'un huissier, la bailleresse, en proie à d'importants problèmes financiers et, par voie de conséquence, désireuse de vendre rapidement son bien, a délivré – par acte extrajudiciaire – congé pour vendre. Donné avec une anticipation de quinze mois, ce congé n'a généré une réponse – positive – du preneur que dans le délai légal.

La propriétaire ayant, entre-temps, souscrit un prêt pour faire face à ses créanciers, elle a alors fait savoir à son cocontractant qu'elle ne souhaitait plus vendre, arguant d'une erreur de droit de sa part, viciant ab initio l'ensemble de la procédure de congé.

Le tribunal fait droit à cette demande, au motif que « le seul constat de ce que la venderesse se croyait légalement tenue de vendre en priorité à son locataire, alors qu'elle ne l'était pas, caractérise bien une erreur sur l'état du droit justifiant l'annulation de la vente ».

Il est peut-être permis de s'interroger sur la réelle motivation de la bailleresse : celle-ci, comme le retient le tribunal, estimait-elle devoir accorder la priorité au locataire en place ou croyait-elle plutôt que le congé allait produire ses effets immédiatement ?

Quoi qu'il en soit, cette décision est à rapprocher de deux arrêts rendus par la Cour de cassation en 1995 et en 2000.

– En 1995, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé, en matière de

454 Civ. 3e, 14 juin 2006, Bull. civ. III, n° 150 ; D. 2007. Pan. 911, obs. Damas ; AJDI 2006. 740, note Rouquet Document 316.

455 Civ. 3e, 16 sept. 2009, Bull. civ. III, n° 189 ; D. 2009. AJ 2281, obs. Rouquet Document 317.

bail rural, que le consentement du bailleur à la vente au profit du preneur a été déterminé par une erreur substantielle, dès lors qu'il croyait, lors de la vente, être légalement tenu de vendre au preneur en raison de l'ignorance de l'inexistence de son droit de préemption457.

– Quant à l'arrêt de 2000, c'est au visa de l'article 1109 du code civil (relatif au vice du consentement) qu'il statue dans le même sens, l'offre de préemption ayant été faite par suite de la croyance erronée de l'existence d'un tel droit dans le cadre de l'article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975, tous les logements d'habitation de l'immeuble étant mis en vente458.

Il n'est toutefois peut-être pas inutile de remarquer que, si, dans ces deux décisions, une offre a été faite au locataire alors qu'aucun droit de préemption n'existait, dans le jugement rapporté (rendu également au visa de l'aricle 1109), dans la voie choisie par la bailleresse (celle de la vente en fin de bail), le locataire bénéficiait bel et bien d'un tel droit459.

Depuis, la cour d’appel de Paris a censuré cette décision460.

3. L’objet de la vente

316.- Alors que la vente doit porter sur la totalité (ni plus, ni moins) des lieux loués, la nullité

du congé pour vendre, tirée de ce que l'offre de vente ne porte que sur une partie des lieux loués, ne peut être soulevée que par le locataire461.

Cette affirmation doit être approuvée, dans la mesure où les dispositions de l'article 15 de la loi de 1989, d'ordre public (en vertu de l'article 2 du même texte), ont été instaurées dans l'intérêt du preneur.

4. Les documents à joindre au congé

317.- Ni l’état descriptif de division ni le règlement de copropriété n’ont à être annexés au

congé pour vendre462.

Cela se justifie, d’une part, parce que le texte ne pose pas pareille exigence et, d’autre part, car, aux termes de l’article 3 de la loi de 1989, le copropriétaire bailleur a dû communiquer au locataire « les extraits du règlement de copropriété concernant la destination de l'immeuble, la jouissance et l'usage des parties privatives et communes et précisant la quote-part afférente au lot loué dans chacune des catégories de charges ». Ainsi, le locataire est-il réputé avoir une parfaite connaissance des lieux, tant juridique que matérielle.

318.- Quant à la reproduction des cinq premiers alinéas de l’article 15-II, prescrite « à peine

457 Civ. 3e, 5 juill. 1995, Bull. civ. III, n° 174 ; RDI 1996. 80, obs. Saint-Alary-Houin ; RTD civ. 1996. 388,

obs. Mestre.

458 Civ. 3e, 24 mai 2000, Bull. civ. III, n° 114 ; D. 2001. Somm. 1135, obs. D. Mazeaud ; D. 2002. Somm. 926,

obs. Tournafond ; RTD civ. 2000. 824, obs. Mestre et Fages.

459 Se demandant jusqu'où il est permis d'admettre l'erreur, V. Tournafond, obs. préc. ss. Civ. 3e, 24 mai 2000 ;

V. aussi, remarquant que, lorsque l'une des parties fait état d'une mauvaise compréhension des conséquences juridiques de son engagement, depuis longtemps, la Cour de cassation considère qu'un acte juridique ne saurait être annulé pour cause d'erreur de droit, Ghestin et Serinet, Rép. civ. Dalloz, v° Erreur, n° 191, et les réf. citées. 460 Paris, Pôle 4, ch. 1, 28 janv. 2010, D. 2010. Actu. 1349, obs. Rouquet Document 319.

461 Civ. 3e, 18 févr. 2009, Bull. civ. III, n° 41 ; D. 2009. AJ 632, obs. Rouquet Document 320 ; AJDI 2009.

628, note Damas.

462 Civ. 3e, 19 oct. 2005, AJDI 2006. 201, note Rouquet Document 321 ; Civ. 3e, 17 oct. 2007, Bull. civ. III, n°

de nullité », la Cour de cassation a estimé qu’elle pouvait être annoncée dans le corps du congé et faire l’objet d’une annexe463.

En décider autrement aurait en effet ajouté au texte, lequel n'exige qu'une reproduction dans la notification. Ce qui compte, en définitive, c'est la clarté de l'information.