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L’atténuation des droits individuels au profit de l’intérêt commun (les différentes majorités)

Chapitre II. L’instance délibérante : l’assemblée générale

A. L’atténuation des droits individuels au profit de l’intérêt commun (les différentes majorités)

64.- Au gré des législations, les majorités se sont multipliées et il en existe, aujourd’hui, pas

moins de cinq (voire six, la majorité de l’article 26 se dédoublant : V. n° 73).

1. La majorité simple de l’article 24

65.- Depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, la majorité simple de l’article 24 est celle des

voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés. Ainsi, dans le décompte des voix,

les abstentionnistes ne sont plus pris en considération. La prise des décisions s’en trouve facilitée.

Cette majorité va s’appliquer :

– lorsque la résolution mise au vote ne va pas relever d’une autre majorité (ce qui vaut à la majorité de l’article 24 d’être parfois qualifiée de majorité par défaut),

– depuis la loi « Urbanisme et habitat » du 2 juillet 2003, en matière de vote des travaux d'accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, sous réserve que ces travaux n'affectent pas la structure de l’immeuble ou ses éléments d’équipement essentiels.

On remarque que, auparavant, ces travaux relevaient de la majorité absolue de l’article 25. Or, il n’est pas certain que ce changement de catégorie, intervenu à la suite d’un amendement parlementaire, soit heureux. En effet, sous l’empire du droit antérieur, la décision pouvait déjà, par le jeu de l’article 25-1, in fine, relever de la majorité simple. Par ailleurs, et surtout, en cas de refus de l’assemblée, la voie de la demande d’autorisation judiciaire, réservée par l’article 30, alinéa 4, de la loi aux décisions éligibles à l’article 25 b, n’est plus envisageable64.

2. La majorité absolue de l’article 25

66.- La majorité de l’article 25 est celle de la majorité des voix de tous les copropriétaires.

L’énumération par le texte de quatorze types de décisions relevant de cette majorité (délégation de pouvoir, autorisation donnée à certains copropriétaires de réaliser des travaux, désignation/révocation du syndic et des membres du conseil syndical, réalisation et exécution

64 Sur ce point, V. Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 24

de travaux obligatoires, travaux à effectuer sur les parties communes en vue de prévenir les atteintes aux personnes et aux biens …) n’est pas limitative. D’autres dispositions de la loi se réfèrent à ce texte (V. notamment l’article 18 de la loi en matière de dispense d’ouverture de compte séparé, l’article 17-1 relatif à l’adoption ou l’abandon de la forme coopérative et l’article 29 en matière d’adhésion à une union de syndicats65).

67.- Concernant le vote d’une autorisation accordée à un copropriétaire d'effectuer à ses frais

des travaux affectant les parties communes de l'immeuble placé sous le régime de la copropriété, relevons une décision tout à fait justifiée, qui exige une autorisation expresse, donnée en assemblée générale66.

3. La passerelle de majorité de l’article 25-1

68.- Cette passerelle de majorité entre celle de l’article 25 et celle de l’article 24 est, depuis la

loi SRU du 13 décembre 2000, inscrite à l’article 25-1 de la loi de 1965. Aux termes de ce texte, il convient de distinguer deux hypothèses.

Lorsque la résolution rejetée, qui relève de la majorité absolue de l’article 25, a recueilli au moins le tiers des voix de tous les copropriétaires du syndicat, « la même assemblée peut

décider à la majorité prévue à l'article 24 en procédant immédiatement à un second vote ». Concernant la portée de l’emploi de l’adverbe « immédiatement », on notera que l'article 19 du décret du 17 mars 1967 se contente de préciser qu'il est procédé, au cours de la même

assemblée, à un second vote à la majorité de l'article 24 (à moins que l'assemblée ne décide

que la question sera inscrite à l'ordre du jour d'une assemblée ultérieure). De cette différence de rédaction, il semble possible de conclure que, de manière à ne pas envenimer les débats, il peut être décidé de procéder au second vote un peu plus tard au cours de la réunion67.

L’initiative de différer ce vote semble revenir de droit au président de séance, lequel a la maîtrise de l’ordre d’examen des questions68.

A l'inverse, lorsque le projet n'a pas franchi ce cap du tiers des voix, « une nouvelle

assemblée générale, si elle est convoquée dans le délai maximal de trois mois, peut statuer à la majorité de l'article 24 ». Il ne s’agit en effet que d’une faculté69.

69.- A l’évidence, les quatorze types de décisions énumérées à l’article 25 sont concernés par

cet abaissement de majorité.

Il en va de même pour les décisions devant être prises « à la majorité de l'article 25 et, le cas échéant, de l'article 25-1 », formulation que l’on retrouve aux articles 17-1 et 18 de la loi. En revanche, pour les décisions qui sont indiquées comme devant être prises « à la majorité

65 V. Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 24 Document 33. 66 Civ. 3e, 28 mars 2007, AJDI 2007. 574, note Rouquet Document 34.

67 Soutenant cette analyse, V. d’ailleurs Givord, Giverdon et Capoulade, La copropriété, Dalloz action 2010/2011, no 834.

68 En ce sens, V. Jaffuel, AJDI 2001. 5 ; reprenant cette position, V. aussi Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 25-1 Document 35.

des voix de tous les copropriétaires » (V., par exemple, l’article 21 de la loi de 1965, lorsqu’il est envisagé de revenir sur la décision ayant décidé de se passer de conseil syndical), le jeu de l’article 25-1 semble être exclu70.

Quant aux décisions qui relèvent de la « majorité de l’article 25 » sans référence à l’article 25- 1 (V., par exemple, l’article 21, alinéa 1er, de la loi, en matière de consultation du conseil syndical pour des marchés et des contrats et de mise en concurrence des entreprises), il aurait semblé logique qu’elles ne puissent être revotées à la majorité de l’article 2471.

Un argument de texte est cependant de nature à rejeter cette interprétation.

En effet, aux termes de l'article 29 du décret du 17 mars 1967, la décision qui désigne le syndic est votée « à la majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ». Or, l'élection du syndic, réglée par l'article 25 c, tombe nécessairement sous le coup de l’article 25-172.

4. La double majorité de l’article 26

70.- Les décisions qui relèvent de la majorité des membres du syndicat représentant au moins

les deux tiers des voix sont :

a) Les actes d'acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l'article 25 d ;

b) La modification, ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ;

c) Les travaux comportant transformation, addition ou amélioration, à l'exception de ceux visés aux e, g, h, i, j, m et n de l'article 25 ;

d) La demande d'individualisation des contrats de fourniture d'eau et la réalisation des études et travaux nécessaires à cette individualisation ;

e) Les modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles ;

f) La suppression du poste de concierge ou de gardien et l'aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu'il appartient au syndicat, sous réserve qu'elles ne portent pas atteinte à la destination de l'immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives de l'immeuble.

71.- Ainsi, de la combinaison des articles 25 n et 26 e, il ressort que les travaux de

sécurisation des personnes et des biens tombent sous le coup de la majorité absolue, alors que décider des modalités d’ouverture des portes d’accès relève de l’article 26.

72.- Sur l’ouverture des portes d’accès, le texte précise, d’une part, que, en cas de fermeture

totale de l'immeuble, celle-ci doit être compatible avec l'exercice d'une activité autorisée par le règlement de copropriété73 et, d’autre part, que la décision d'ouverture est valable jusqu'à la

70 En ce sens, V. Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 25-1

Document 35.

71 En ce sens, V. Sizaire, Loi SRU et copropriétés, in Loi SRU et droit immobilier, éd. Litec, 2002, p. 254, cité par MM. Lafond, Roux et Stemmer, Code de la copropriété Litec, obs. ss. art. 25-1 de la loi.

72 V. Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 25-1 Document 35 ; partageant cette analyse, V. Capoulade, AJDI 2004. 536 s., spéc. 537 ; en sens contraire, estimant à regret que le jeu de l'article 25-1 est inapplicable à l'élection du syndic, V. Atias, AJDI 2004. 513.

73 Jugeant, sous l’empire des anciens articles 26-1 et 26-2 de la loi que, lorsque l’assemblée a décidé d'installer un dispositif de fermeture de l'immeuble, elle doit déterminer en même temps les périodes de fermeture totale, V. Paris, 3 juill. 2002, AJDI 2002. 863, obs. Rouquet Document 37.

tenue de l'assemblée générale suivante.

Signe des temps, la norme qui s’applique faute de vote ou de renouvellement de l’autorisation, est donc la fermeture de l’immeuble74.

A propos de la fermeture totale de l’immeuble, on aura noté que celle-ci doit être compatible avec l’exercice d’une activité. Ainsi, le vote doit instaurer des plages horaires d’ouverture ou, si cela s’avère pertinent, permettre aux copropriétaires de communiquer le code d’accès à leurs visiteurs, ou, s’ils sont en nombre limité, de leur remettre une clé.

Par ailleurs, les termes de « compatibilité avec l’exercice d’une activité autorisée » ne sont pas anodins, la notion d’activité autorisée étant plus vaste que celle d’activité exercée75.

73.- A propos des travaux d’amélioration, le législateur, en 1994, a prévu un dispositif de

rattrapage, propice à la prise de décision. En effet, à défaut d'avoir été approuvés à la double majorité de l’article 26, dès lors qu’ils ont été approuvés par la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix des copropriétaires présents ou représentés, ces travaux peuvent, à l’occasion d’une nouvelle assemblée, être votés à cette même majorité.

74.- Concernant enfin, le vote de la suppression du poste de gardien/concierge et de la vente de la loge, l’ajout d’un f à l’article 26, par la loi « Molle » du 25 mars 2009, vient peu

ou prou consacrer la jurisprudence qui exigeait un vote unanime76.

5. La majorité des copropriétaires en nombre

75.- De manière tout à fait innovante et surprenante, l’article 38-1 de la loi de 1965, créé par

la loi du 30 juillet 2003 de prévention des risques technologiques et naturels, prévoit qu’en cas de catastrophe technologique, le syndic d'un immeuble géré en copropriété dont les parties communes sont endommagées convoque sous quinze jours l'assemblée générale des copropriétaires, laquelle doit se tenir dans les deux mois suivant la catastrophe. Le texte poursuit par la précision selon laquelle, au cours de cette réunion, « les décisions visant à autoriser le syndic à engager des travaux de remise en état rendus nécessaires par l'urgence sont prises à la majorité des copropriétaires présents ou représentés ».

Issu d’un amendement parlementaire, ce texte instaure donc un nouvelle majorité : à côté de l’article 24 qui envisage la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés, la majorité en nombre des copropriétaires présents ou représentés a fait son entrée dans le droit de la copropriété77.

74 En ce sens, V. Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 26

Document 38 ; comp., remarquant, notamment que, entre le « dispositif de fermeture » et la « fermeture totale »,

il y a place pour bien des modalités qui sont d'ouverture aussi bien que de fermeture : Atias, D. 2007. 2185. 75 Sur ces deux derniers points, V. Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 26 Document 38.

76 V. notamment Civ. 3e, 28 juin 1995, RDI 1995. 780, obs. Capoulade ; AJPI 1996. 485, note Gallet ; comp,

lorsque le règlement de copropriété n'impose pas l'existence d'un concierge, mais la laisse à la discrétion du syndicat des copropriétaires, jugeant que la suppression de ce service ne relève pas de l'unanimité : Civ. 3e, 24

sept. 2008, Bull. civ. III, n° 136 ; D. 2008. AJ 2432, obs. Rouquet Document 39 ; AJDI 2009. 203, note Capoulade.

77 Sur la question, V. Givord, Giverdon et Capoulade, La copropriété, Dalloz action 2010/2011, n° 1066 ; V. aussi Code de la copropriété Dalloz, éd. 2010, notre commentaire ss. L. 10 juill. 1965, art. 38-1 Document 40.