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L’immatriculation du preneur au RCS ou au répertoire des métiers 131 La question de l’immatriculation du preneur génère un contentieux volumineux.

Chapitre I. Les conditions ordinaires d’acquisition de la propriété commerciale

A. L’immatriculation du preneur au RCS ou au répertoire des métiers 131 La question de l’immatriculation du preneur génère un contentieux volumineux.

A commencer par celui relatif à l’erreur commise par l’administration, erreur dont la jurisprudence nous rappelle régulièrement qu’elle est inopposable au bailleur169.

Mais le contentieux se focalise surtout sur la date d’immatriculation et sur les personnes devant être immatriculées (étant rappelé dès à présent que lorsque le fonds est exploité sous forme de location-gérance, le propriétaire est éligible au statut sans avoir à être immatriculé : C. com., art. L. 145-1-II).

1. La date d'immatriculation

132.- En dépit de la lettre de l'article L. 145-1 du Code de commerce précisant que les

dispositions des articles L. 145-1 à L. 145-60 s'appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité par un commerçant ou un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés (RCS), cette inscription ne conditionne nullement le bénéfice, pour le preneur, du statut des baux commerciaux en cours d'exécution du contrat. En effet, selon la jurisprudence, l’immatriculation du preneur n'est une condition du bénéfice du statut des baux commerciaux que pour le renouvellement du bail170. Et pendant l’exécution du bail, le défaut d'immatriculation du preneur n'est pas assimilable à un manquement aux obligations nées du bail, susceptible d'entraîner la résiliation171. Le bailleur qui veut donner congé sans renouvellement ni indemnité d'éviction à raison du défaut d'immatriculation du preneur doit, par ailleurs, le faire dans le respect le plus strict de l'article L. 145-9172.

133.- En définitive, la condition d'immatriculation au registre du commerce va s’apprécier :

— d’une part, soit à la date de la demande de renouvellement du locataire173, soit à la date de la délivrance du congé174, situation à laquelle il faut assimiler celle où le bailleur refuse de donner suite à une demande de renouvellement175,

169 Com. 12 janv. 1999, Bull. civ. IV, n° 15 ; D. 1999. IR 37 ; Dalloz Affaires 1999. 447, obs. Y. R. Document

107 ; RDI 1999. 318, obs. Derruppé ; RTD com. 1999. 643, obs. Monéger ; V. Civ. 3e, 12 juill. 2000: Bull. civ.

III, n° 141 ; D. 2000. AJ 415, obs. Rouquet Document 108 ; AJDI 2000. 819, note Blatter. 170 Civ. 3e, 1er oct. 1997, Bull. civ. III, n° 179.

171 Civ. 3e, 15 mai 1996, Bull. civ. III, n° 114.

172 Civ. 3e, 1er oct. 2003, Bull. civ. III, n° 168 ; D. 2003. AJ 2575, obs. Rouquet Document 109 ; AJDI 2004.

199, note Blatter.

173 Civ. 3e, 12 juill. 2000, Bull. civ. III, n° 141 ; D. 2000. AJ 415, obs. Rouquet Document 108 ; AJDI 2000.

819, note Blatter.

174 Civ. 3e, 12 avr. 1983, JCP 1985. II. 20371, note B. B. ; Civ. 3e, 1er oct. 2003, Bull. civ. III, n° 168 ; D. 2003.

AJ 2575, obs. Rouquet Document 109 ; AJDI 2004. 199, note Blatter.

— et, d’autre part, à la date d'expiration du bail176,

— mais non, lorsque le preneur s’est maintenu dans les lieux pendant le cours de la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé177.

Participant de la même logique, en cas de cession du bail, ne sont exigées que l'immatriculation du preneur en place à la date de délivrance du congé et l'immatriculation personnelle du cessionnaire à la date d'effet du congé178.

134.- Encore, cette obligation d’immatriculation lors de la délivrance du congé ne va-t-elle

jouer que dans la mesure où ce congé aura été délivré de bonne foi. Ainsi en a jugé la Cour de cassation, dans une affaire où le congé avait été donné – très – prématurément dans le seul but de faire échec au droit au renouvellement du locataire, non encore immatriculé179.

2. Les personnes devant être immatriculées

135.- En la matière, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a mis fin à bon

nombre de contentieux en précisant à l’article L. 145-1 du Code de commerce :

– d’une part, que si le bail est consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires, l'exploitant du fonds de commerce ou du fonds artisanal bénéficie du statut des baux commerciaux, même en l'absence d'immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers de ses copreneurs ou coïndivisaires non exploitants du fonds,

– d’autre part, qu’en cas de décès du titulaire du bail, ces mêmes dispositions s'appliquent à ses héritiers ou ayants droit qui, bien que n'exploitant pas le fonds de commerce ou le fonds artisanal, demandent le maintien de l'immatriculation de leur ayant cause pour les besoins de sa succession180.

A donc, notamment, vécu la jurisprudence exigeant, en présence de copreneurs, sauf s’ils sont coexploitants, que chacun d’entre eux soit immatriculé181, spécialement en cas de couples mariés sous le régime de la séparation de biens182.

176 Paris, 19 nov. 2008, AJDI 2009. 195, obs. Rouquet Document 111.

177 Civ. 3e, 18 mai 2005, Bull. civ. III, n° 107 ; D. 2005. AJ 1554, obs. Rouquet Document 111 bis ; AJDI

2005. 733, note Blatter (abandon de la jurisprudence « Bricorama » de 2002 : Civ. 3e, 27 mars 2002, Bull. civ.

III, n° 75; D. 2002. AJ 1423, obs. Rouquet Document 112 ; AJDI 2002. 374, obs. Blatter ; RTD com. 2002. 275, obs. Monéger).

178 Civ. 3e, 28 janv. 2004, Bull. civ. III, n° 14; D. 2004. AJ 422, obs. Rouquet Document 113 ; ibid. 2005. Pan.

1091, obs. Rozès ; Administrer avr. 2004. 32, obs. Boccara et Lipman-Boccara; ibid. juin 2004. 31, note Barbier. 179 Collusion frauduleuse entre la société bénéficiaire de la promesse de vente et le bailleur : Civ. 3e, 5 mars

2008, Bull. civ. III, n° 38 ; D. 2008. AJ 848, obs. Rouquet Document 114 ; AJDI 2008. 668, note Denizot. 180 En sens contraire, V., précédemment, Civ. 3e, 11 déc. 1991, Bull. civ. III, n° 312 ; Loyers et copr. 1992, n°

298, obs. Brault ; Civ. 3e, 30 oct. 2000, AJDI 2001. 139, note Blatter – 2e esp.

181 Civ. 3e, 21 déc. 1993, AJPI 1994. 537, obs. Blatter ; Civ. 3e, 2 juin 1999, Bull. civ. III, n° 125.

182 Civ. 3e, 24 mai 2000, Bull. civ. III, n° 112 ; D. 2000. AJ 335, obs. Rouquet Document 115 ; V. aussi,

jugeant que le fait, pour un bailleur, de dénier le bénéfice du droit au renouvellement à deux époux séparés de biens sur le fondement du défaut d'immatriculation d'un seul d'entre eux à la date de leur demande de renouvellement ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit à la « propriété commerciale » reconnue aux locataires au regard des dispositions de l'art. 1er du protocole additionnel n° 1 à la Conv. EDH, dès lors que

Précisons toutefois que, dès avant la réforme, il a été jugé que l’immatriculation de tous les locataires n’était pas de mise en cas de communauté entre époux183.

136.- En revanche, l'obligation d'immatriculation de tous les copreneurs continue à

s’appliquer en cas de démembrement de la propriété du droit au bail, usufruitier et nu- propriétaire n’étant pas indivisaires.

Est donc toujours de droit positif la solution en vertu de laquelle, le bénéfice du statut des baux commerciaux ne pouvant être invoqué que par celui qui est à la fois titulaire du bail et propriétaire du fonds de commerce, lorsque la propriété d'un fonds de commerce est démembrée entre un usufruitier, qui a la qualité de commerçant, et un nu-propriétaire qui n'a pas cette qualité, le nu-propriétaire doit être immatriculé au RCS pour permettre l'application du statut des baux commerciaux184.

137.- Il reste, comme un auteur l’a très justement remarqué, que le nouveau texte « n'est pas pleinement satisfaisant, notamment en ce qu'il vise un bail consenti à plusieurs preneurs ou indivisaires. Quid si l'indivision ou la cotitularité est postérieure à la signature du bail ou de son renouvellement ? »185.