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144.- On distinguera les extensions légales de celles qui ne relèvent que de la convention des

parties.

I. Les extensions légales

145.- Au nombre de ces extensions prévues par le législateur à l’article L. 145-2 du Code de

commerce, on mentionnera :

A. Les établissements d'enseignement privé

146.- On notera tout d’abord que les baux des locaux abritant des établissements

d'enseignement sont, de plein droit, soumis au statut des baux commerciaux. Ce, quelle que soit la forme juridique sous laquelle le preneur exerce son activité199. Sauf à ajouter au texte, il

195 Civ. 3e, 24 févr. 1976, Bull. civ. III, n° 80 ; D. 1976, Somm. 45 ; JCP 1976. II. 18427, note Boccara ; Civ. 3e,

20 févr. 1985, Bull. civ. III, n° 38.

196 Com. 7 oct. 1964, Gaz. Pal. 1964. 2. 416 ; Civ. 3e, 3 mars 1992, Rev. loyers 1992. 239.

197 Pour des illustrations, V. Civ. 3e, 3 juill. 1968, Bull. civ. III, n° 312 ; Civ. 3e, 19 juill. 1995, Bull. civ. III, n°

195 ; D. 1995. IR 209 ; Dalloz Affaires 1995. 60 ; AJPI 1996. 399, note Blatter.

198 Civ. 3e, 19 mars 2008, Bull. civ. III, n° 52 ; D. 2008. AJ 984, obs. Rouquet Document 127 ; rappr., jugeant

que la connaissance de la destination doit exister au moment de la location : Com. 11 déc. 1950, JCP 1951. II. 6064.

199 Civ. 3e, 21 févr. 2007, Bull. civ. III, n° 27 - 2e esp. ; D. 2007. AJ 874, obs. Rouquet Document 128 ; ibid.

ne pouvait effectivement en aller autrement.

Il convient d’en tirer la conséquence que le statut ne pourrait être dénié au locataire sous prétexte qu’il n’est pas immatriculé.

Notons toutefois que, si le Code de commerce reconnaît expressément l'application du statut des baux commerciaux aux « baux des locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement », ce n'est qu'à la condition que l'établissement en question ait une existence légale, c'est-à-dire dès lors que son exploitation sera régulière200, ce qui implique, notamment, qu’il ait reçu approbation de l'autorité administrative201, du moins, lorsqu’elle existe202.

Par un très intéressant arrêt, la Cour de cassation a, en outre, précisé que le fait, pour le bailleur d'un local abritant un établissement d'enseignement d'invoquer, pour dénier au locataire le bénéfice du droit au renouvellement de son bail, le défaut de déclaration en préfecture selon la législation en vigueur, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit à la propriété commerciale au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Conv. EDH, dès lors que ces dispositions combinées avec celles du Code de commerce relatives au renouvellement du bail commercial réalisent un équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs des droits fondamentaux de la personne203.

Preuve, s’il en était besoin, que baux commerciaux et droit européen ne sont pas deux mondes hermétiquement étrangers l’un à l’autre204.

B. Les baux des locaux consentis à des artistes

147.- A propos des baux des locaux consentis à des artistes admis à cotiser à la caisse de

sécurité sociale de la maison des artistes et reconnus auteurs d'œuvres graphiques et plastiques, tels que définis par l'article 98 A de l'annexe III du CGI (visés à l’art. L. 145-2, 6° c. com.), on notera cet important arrêt aux termes duquel le statut des baux commerciaux est applicable au locataire, artiste peintre, qui réalise dans les lieux loués des travaux de création, alors même qu’il n’est pas établi qu’il exerce son art à titre principal dans les lieux loués205. Cette solution semble devoir être approuvée, l'exigence formulée par le demandeur à l’action ajoutant incontestablement au texte206.

C. Les entreprises publiques à caractère commercial

200 Civ. 3e, 14 janv. 2004, Bull. civ. III, n° 4 ; D. 2004. AJ 349, obs. Rouquet Document 129 ; AJDI 2004. 451,

note Dumont ; Defrénois 2004. 529, obs. Ruet. 201 Com. 6 mai 1963, Bull. civ. III, n° 220.

202 Jugeant qu’il appartient au juge de rechercher si l'enseignement dispensé dans les lieux est soumis à autorisations administratives, V. Civ. 3e, 16 févr. 2000, Bull. civ. III, n° 34 ; D. 2000. AJ 193, obs. Rouquet Document 130 ; RDI 2000. 253, obs. Derruppé.

203 Civ. 3e, 4 févr. 2009, Bull. civ. III, n° 31 ; D. 2009. AJ 496, obs. Rouquet Document 131 ; RTD com. 2009.

290, obs. Monéger ; Rev. loyers 2009. 172, obs. Vaissié.

204 Sur la prise en compte de la Conv. EDH en matière de baux commerciaux, V. aussi Civ. 3e, 18 mai 2005, D.

2005. AJ 1477, obs. Rouquet, préc. Document 116.

205 Civ. 3e, 21 févr. 2007, Bull. civ. III, n° 27 - 1re esp. ; D. 2007. AJ 733, obs. Rouquet Document 132 ; ibid.

2008. Pan. 1646, obs. Rozès.

206 Rappr., jugeant que l'art. 2, 6°, du Décr. 30 sept. 1953, devenu art. L. 145-2, I, C. com., ne saurait recevoir application à défaut d'affectation des lieux, même partielle, à l'usage professionnel, Paris, 18 juin 1991, Loyers et copr. 1991, n° 405.

148.- Sur l’application du statut aux entreprises publiques à caractère commercial (visées à

l’art. L. 145-2, 3°), on mentionnera cette décision qui confirme que La Poste est bien un établissement public à caractère industriel et commercial207.

D. Les biens situés sur le domaine public de l'État

149.- Concernant, enfin, l’exclusion du statut aux conventions ayant pour objet des biens

situés sur le domaine public de l'État208, on notera que la solution vaut également lorsque la convention, bien que portant sur des biens dépendant du domaine public, a été conclue entre des personnes de droit privé209.

II. Les extensions conventionnelles

150.- Hormis un arrêt isolé de la cour d’appel de Paris, selon lequel, en dehors des cas visés à

l'article L. 145-1, le statut des baux commerciaux ne peut recevoir application, même par la commune intention des parties210, la jurisprudence reconnaît avec constance aux parties le droit de se placer volontairement dans la perspective du statut des baux commerciaux211. Encore faut-il alors que l’accord des contractants soit dénué d’équivoque.

151.- En matière de droit au renouvellement d’un bail conventionnellement soumis aux

articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce, il a été jugé en 2005 que l'immatriculation du preneur au RCS n'est pas une condition impérative de ce droit212.

Déjà exprimée en 2003213, cette solution tranche avec des décisions antérieures conditionnant le droit au renouvellement du locataire soit à la réunion de toutes les conditions légales requises214, soit à une renonciation univoque du bailleur à se prévaloir de l'absence d'une ou de plusieurs conditions d'application du statut215.

L'arrêt de 2005 est aussi intéressant en ce qu’il accrédite l'idée selon laquelle l'extension conventionnelle ne saurait être partielle ou, à tout le moins, ne saurait écarter une disposition d'ordre public du statut des baux commerciaux, tel le droit au renouvellement216.

207 Civ. 3e, 23 janv. 2008, D. 2008. AJ 349, obs. Rouquet Document 133 ; Loyers et copr. 2008, n° 56, obs.

Brault ; V. déjà T. confl. 4 mars 2002, D. 2002. Somm. 2090, obs. Debord ; AJFP 2002. 14. 208 V. par ex., Civ. 3e, 28 févr. 1984, Bull. civ. III, n° 49.

209 Civ. 3e, 20 déc. 2000, Bull. civ. III, n° 194 ; D. 2001. AJ 480, obs. Rouquet Document 134 ; ibid. 2001.

Somm. 3520, obs. Rozès ; Civ. 3e, 10 mars 2010, D. 2010. AJ 825, obs. Rouquet Document 135.

210 Paris, 1re ch. D, 15 mai 2002, AJDI 2002. 848, obs. crit. Rouquet Document 136.

211 Jugeant que l'art. 1er du décret de 1953 [art. L. 145-1, C. com.] n'est pas d'ordre public, V. not. Paris, 16e ch.

B, 26 févr. 1999, D. 1999. IR 85 ; Dalloz Affaires 1999. 621, obs. Y. R. Document 137.

212 Civ. 3e, 9 févr. 2005, Bull. civ. III, n° 33 ; D. 2005. AJ 643, obs. Rouquet Document 138 ; ibid. 2006. Pan.

928, obs. Rozès; AJDI 2005. 658, note Blatter.

213 Civ. 3e, 1er juill. 2003, Administrer oct. 2003. 41, obs. crit. Boccara et Lipman-Boccara ; ibid. oct. 2004. 56,

note J.-D. Barbier.

214 Paris, 26 févr. 1999, préc.

215 Civ. 3e, 20 juin 1990, Bull. civ. III, n° 152 ; Loyers et copr. 1991, n° 164, obs. Ph.-H. Brault ; exigeant une

renonciation expresse à se prévaloir, en fin de bail, du défaut d'immatriculation, V. Civ. 3e, 14 nov. 1996, Dalloz

Affaires 1997. 44 ; contra, se contentant d'une renonciation tacite dès lors qu'elle est exempte d'équivoque : Paris, 7 janv. 1998, Dalloz Affaires 1998. 566, obs. Y. R. Document 139.

216 Jugeant qu'en cas de soumission conventionnelle au décret du 30 sept. 1953, sont nulles les clauses contraires aux dispositions impératives du texte susvisé relatives à la forme du congé, V. Cass., Ass. plén., 17 mai 2002, Bull. civ., n° 1 ; D. 2003, Jur. p. 333, note Becqué-Ickowicz ; ibid. 2002, AJ 2053, obs. Rouquet

152.- Il reste toutefois qu’on ne saurait, par le biais d’un accord, s’affranchir d'un statut

d'ordre public plus protecteur, notamment pour le preneur.

Cela a été notamment jugé en matière de soumission volontaire du statut d’un bail professionnel relevant de l’article 57 A de la loi du 23 décembre 1986217.

Cette jurisprudence218 n’est toutefois plus de mise aujourd’hui.

En effet, depuis la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, l'article L. 145-2 du Code de commerce dispose que, par dérogation à l'article 57 A, le statut des baux commerciaux s'applique au bail d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties ont conventionnellement adopté ce régime.

Ainsi, l’option pour un régime est-elle désormais totale, sans possibilité de revendiquer les aspects protecteurs des deux régimes (sur cette question, V. aussi n° 174).