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MOTEUR DE RECHERCHE

22. Réception du concept de concept en didactique

221. Un approche épistémologique du concept

C’est sur cette conception empruntée aux travaux de B.-M. Barth que s’appuient Gérard de Vecchi et Nicole Carmona-Magnaldi pour Faire construire des savoirs (1996) à partir d’une définition pratique des concepts. Constatant à quel point les enseignants ont une image extrêmement floue du concept, les auteurs commencent par préciser la délimitation à effectuer entre notion et concept.

Du point de vue didactique, celle-ci s’opère dans le cadre plus général d’une épistémologie du savoir. G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, proposant une catégorisation des connaissances, distinguent en un premier temps les connaissances ponctuelles, ou informations, des connaissances conceptuelles. Les premières ressortissent au factuel et à l’anecdotique, dérivées de l’expérience ou de l’opinion, et leur accumulation aboutit à produire des connaissances en îlots. C’est ainsi que sont d’ailleurs souvent définies les notions enseignées à l’école. Les secondes, les connaissances conceptuelles, sont présentées comme des structures mentales abstraites et organisées, produits d’un long processus de mise en relation et de construction. Elles trouvent une part de leur étayage, leur substrat, dans les connaissances factuelles qu’elles utilisent comme des points d’ancrage. Si les premières sont statiques, les secondes sont en revanche dynamiques, capables d’évoluer selon les progrès de la recherche. Nous retrouvons là les jugements kantiens de l’assertorique, exprimant une idée de fait, et de l’apodictique, exprimant ce qui est évident pour l’esprit en tant que proposition démontrable.

Connaissances ponctuelles, notions et concepts sont ensuite différenciés à partir des opérations intellectuelles mises en jeu. Les informations, en tant que cas particuliers, font ainsi l’objet d’une simple description ; les notions se construisent au travers d’une définition des idées générales qui caractérisent l’exemple étudié ; les concepts s’approprient à partir de l’élaboration d’une définition générale abstraite obtenue par comparaison avec d’autres objets similaires. Jean-Pierre Astolfi (1992) partage cette conception en précisant que « la

construction d’une notion se présente de manière cumulative, par ajout d’éléments successifs, certes logiquement enchaînés, mais ne répondant à aucune question, [tandis que le concept

permet] de construire du sens à partir de données, ou comme élaboration d’un modèle

d’interprétation de faits ».

Fait, connaissance ponctuelle

Notion Concept

par description d’un exemple : MSN Search39

par définition globale relative à l’exemple

par extraction des caractères essentiels communs à

d’autres objets de même classe et

par définition générale abstraite

Nom : MNS Search

Date de lancement : Février 2005

. accès : http://search.msn.fr/ Propriétaire : Microsoft

Taille de l’index : 5 milliards de pages

Syntaxe d’interrogation : ne tient pas compte de la casse des lettres.

Ordre des mots :

: paris dakar donne un résultat différent de dakar paris. Une plus grande importance est donnée au premier mot choisi. Opérateurs logiques :

OU : OR ET : par défaut SAUF : -

Ne connaît pas la troncature, etc.

> le moteur de recherche MNS Search permet de faire des recherches sur le Web, à partir d’une interrogation effectuée avec des mots complets et dont l’ordre de placement est important.

outil de recherche automatisé > recherche et indexe des sources numérisées

> utilise un robot d’exploration > possède un module

d’indexation automatique > propose un module d’interrogation

> utilise des méthodes de classement automatisé des résultats

12. Distinction entre les différents régimes de la connaissance appliquée au concept info-

documentaire moteur de recherche, selon le modèle de G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi (1996).

Cet exemple illustre l’idée selon laquelle un terme info-documentaire peut masquer différents régimes de la connaissance, allant du statut de connaissance factuelle à celui de connaissance conceptuelle. Aujourd’hui, seuls les deux premiers régimes sont convoqués dans les situations didactiques. Le second, la connaissance notionnelle, renvoie à un ensemble de notions pouvant être connues et sollicitées pendant ou en marge des travaux de classe, mais n’étant jamais enseignées. Elles sont à ranger au rang des notions para-, selon les catégories épistémologiques de Y. Chevallard (1985) (cf. II. § 3322)

Notion et concept, loin d’être synonymes, traduisent ainsi, par l’écart qui les sépare, et

la tension qu’ils font naître, toute l’ambition de l’entreprise didactique, qui est d’amener les

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élèves à construire du sens au travers d’une approche rigoureuse et questionnante. L’accès au

savoir opérant, du point de vue didactique, consiste en une appropriation continuée du sens

qui s’appuie sur un processus progressif de conceptualisation (B.-M. Barth, 1993). Il s’agit alors essentiellement d’aborder le savoir par le concept. Considérant l’exigence relative à tout enseignement, la position où une discipline place le curseur entre la notion et le concept à l’intérieur de son domaine conceptuel, révèle par conséquent le degré d’implication qu’elle entend prendre dans l’éducation des élèves.

222. La dimension opératoire du concept

Dans L’école pour apprendre (1992), Jean-Pierre Astolfi fustige les savoirs scolaires au motif que ceux-ci se réduiraient à une juxtaposition de propositions logiquement connectées et se contenteraient d’énoncer des contenus. Ces savoirs propositionnels, selon lui, ne sont ni théoriques, puisqu’ils demeurent rigides et formels, ni pratiques dans la mesure où ils sont indissociables du contexte singulier de la classe. De ce fait, ils se révèlent plus proches de la notion et du sens commun que du concept et du savoir scientifique. Or la discipline scolaire est « censée fournir aux élèves des cadres intellectuels, des outils d’analyse

du réel extradidactique » (id.). L’approche par le concept permet alors de construire des

savoirs opératoires, c'est-à-dire offrant des outils intellectuels capables de servir (analyse, critique, comparaison, problématique, etc.), de s’adapter et d’évoluer. Pour être opératoire, un concept scientifique doit pouvoir être réinvesti dans des situations nouvelles et donner prise sur la réalité (A. Giordan, 1983). Son pouvoir tient de « sa capacité à expliquer un nombre

plus grand de faits d’une manière cohérente » (G. de Vecchi, 1990).

De quelle nature est donc cette œuvre (opus) qui agit au sein du concept pour structurer l’esprit des élèves et lui fournir des savoirs de compréhension ? Quatre fonctions opératoires fondent la dimension structurante du concept : l’agrégation, l’investigation, l’explication et la prédiction. Les savoirs conceptuels à enseigner en Information- documentation les intègrent-ils ?

Pour les didacticiens des sciences André Giordan et Gérard de Vecchi (1987), les concepts constituent d’abord des points de regroupement des notions éparses, données par l’expérience et les observations du sujet. Leur fonction d’agrégation consiste ici à réunifier, à rendre cohérents les savoirs acquis mais non consolidés, ainsi que les représentations erronées des élèves et ce, dans le but de les faire évoluer (F. Cornu et A. Vergnioux, 1992). Le concept

info-documentaire de requête, par exemple, permettra d’unifier des notions dispersées telles que question, recherche ou mot du sujet.

Les concepts offrent ensuite des instruments d’investigation dans l’élaboration des contenus scientifiques (A. Giordan et G. de Vecchi, 1987). Ils permettent ainsi d’explorer de nouveaux phénomènes, de conduire de nouvelles recherches et de (pro)poser de nouvelles questions. Ce faisant, ils structurent les acquis en permettant leur interconnexion. S’agissant de l’élève s’appropriant le concept de requête, il lui sera dès lors offert, d’une part, de mobiliser et de relier les concepts d’indexation, de mot-clé, de base de données, d’information et de page de résultats. D’autre part, des questions pourront surgir : « Quand je formule une requête, comment est traitée ma demande ? Pourquoi les résultats s’affichent-ils dans cet ordre ? Ces résultats étaient-ils déjà rassemblés dans le moteur de recherche ? Ai-je accès à tout le Web ? » Et toute autre question faisant apparaître que les élèves, par exemple, ne font aucune différence entre une page web, un outil de recherche et Google…

Cela est bien perçu à partir de ce dernier exemple : les concepts n’ont d’intérêt que parce qu’ils offrent les moyens intellectuels de construire et de résoudre des problèmes. Ils sont au service de problématiques auxquelles ils tentent d’apporter des réponses. C’est en ce sens que Jean-Pierre Astolfi et Michel Develay (1989) évoquent la fonction explicative des concepts. Cependant, si les concepts ne trouvent leur pertinence et leur légitimité que dans leur strict champ de référence, ils n’ont pas prétention non plus à pouvoir être efficaces et à opérer hors de leur périmètre explicatif. Leur champ de validité doit être scrupuleusement borné (id.) parce qu’ils ne valent qu’à l’intérieur de certaines limites. Un concept ne peut s’étendre hors de celles-ci qu’en réduisant le nombre de caractères qui le définissent (en compréhension). Un champ de validité délimite la zone dans laquelle le concept, son niveau de formulation, reste opérationnel. Ce qui conduit à penser qu’un concept n’est pas vrai en

soi, mais relativement à son champ de validité, ou champ d’application (G. de Vecchi et N.

Carmona-Magnaldi, 1996).

Dans la mesure où cette démarche conduit à l’élaboration de modèles explicatifs des phénomènes observés, il est dès lors possible de prendre en compte la fonction prédictive, prévisionnelle des concepts, inséparable de la précédente (J.-P. Astolfi, 1986 ; J.-P. Astolfi et M. Develay, 1989). Ainsi la connaissance conceptuelle des principes de l’indexation, associée à sa modalité automatique dans les moteurs de recherche permet de prévoir les résultats, au sens d’une réduction de l’incertitude et du bruit documentaire.

223. La définition pragmatique du concept, selon G. Vergnaud

La fonction explicative du concept l’inscrit de fait à l’intérieur de situations et de problèmes pour lesquels il fournit un outil de résolution. Pour G. Vergnaud (1990), un concept ne saurait ainsi être réduit à sa définition, mais plutôt devoir être pris en tant que processus d’élaboration pragmatique finalisé par ces situations et ces problèmes, et à partir desquels l’élève peut construire des significations. Le concept est alors saisi comme l’ensemble des invariants utilisables dans l’action, et composant les schèmes organisateurs de la conduite pour une classe de situations données. Ces invariants opératoires peuvent être rapprochés des attributs caractérisant le concept chez B.-M. Barth, à cela près qu’ils sont ici des concepts-en-acte, c’est-à-dire qu’ils interviennent dans le traitement des informations et dans les choix opérés par le sujet.

La définition pragmatique d’un concept fait donc appel à « l’ensemble des situations

qui constituent la référence de ses différentes propriétés et à l’ensemble des schèmes mis en œuvre par les sujets dans ces situations ». Il s’ensuit qu’un concept peut être considéré

comme articulant les trois composantes suivantes (cf. fig. 6) : . (I) : l’ensemble des invariants opératoires (le signifié) ;

. (S) : l’ensemble des situations apportant du sens au concept (la référence) ;

. (S) : l’ensemble des formes langagières ou non langagières désignant le concept (le

signifiant)

fig. 6 : Les trois composantes du concept dans sa définition pragmatique, selon G. Vergnaud (1990)

Cette définition se distingue notamment de celle de B.-M. Barth dans le sens où elle constitue non seulement une approche subjective (les schèmes) plutôt qu’objective (les attributs) mais encore une approche centrée sur les situations plutôt que sur les

S

S

I

caractéristiques essentielles de l’objet. La référence, ainsi, ne sert pas à exemplifier ou à manifester la combinaison des attributs d’un concept, mais à définir une classe de situations pour lesquelles le concept est opératoire, et à travers lesquelles il ne peut qu’être construit, constituant ainsi ce que G. Vergnaud nomme champ conceptuel. Le champ conceptuel est à la fois l’ensemble des situations dont le traitement implique l’usage du concept et de ses invariants opératoires, et l’ensemble des concepts qui permettent d’analyser ces situations. La définition pragmatique du concept fait ainsi appel à une théorie psychologique du concept, réintroduisant le sujet dans le jeu didactique.

224. La dimension structurante du concept

Dans le domaine de la didactique de l’information-documentation, Muriel Frisch (2003), contrairement au courant majoritaire qui fait de notion un terme consensuel, a fait le choix délibéré (et courageux !) de concept. Elle justifie cet emploi au motif qu’un concept oblige à adopter une posture mentale rigoureuse, ne serait-ce que pour bien comprendre la complexité de son mécanisme, à mettre en relation des opérations intellectuelles, à entrer dans un processus de conceptualisation à partir de l’identification et de la combinaison de ses attributs ainsi qu’à ouvrir un certain nombre de questions et de problèmes.

Dans un court article paru en 1986, Jean-Pierre Astolfi récapitule la dimension structurante des concepts. Ce sont des outils mentaux disponibles, opérant dans une dynamique intellectuelle centrée sur les relations, permettant une prévision possible dans des situations nouvelles à partir d’un petit nombre de structures réinvestissables et de caractère abstrait, i.e. dépassant les exemples (J.-P. Astolfi, 1986). Ces structures conceptuelles, ou

contenus-structures, ne pouvant travailler à vide, nécessitent l’utilisation d’objets d’étude, ces

connaissances factuelles (cf. tableau n°12), ou contenus-supports - qui supportent la structure - avec lesquels elles interfèrent constamment. Il faut alors noter que cette interrelation est marquée par le mécanisme piagétien d’équilibration entre assimilation et accommodation, assimilation lorsque le sujet incorpore les propriétés de l’objet, accommodation lorsque l’organisme qui incorpore varie en conséquence (J. Piaget, 1976).

En d’autres termes, et dans le domaine conceptuel qui nous intéresse, l’information- documentation, le concept, en tant que structure facilitant la construction du savoir, peut fournir un outil intellectuel propre à se saisir des objets et des problèmes informationnels. Mais en retour, son appropriation, qui réclame son exercice et son déploiement tout au long du cursus scolaire, construit, modifie et fait évoluer les cadres intellectuels de l’élève. Le

concept est à la fois ce qui permet la compréhension des phénomènes du monde de l’information, en les contenant (conceptus) par la pensée, et à la fois ce qui discipline et structure cette pensée.