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MOTEUR DE RECHERCHE

23 Les niveaux de formulation conceptuelle

231. La construction des concepts

Cette double puissance structurante du concept que confère son appropriation s’acquiert justement lors de la construction de celui-ci par le sujet. Au travers de la construction du concept, donc, c’est un pouvoir d’explicitation qui s’élabore dans un double mouvement de préhension du monde et de soi (com-préhension). Pour G. de Vecchi, « la

construction du savoir scientifique passe par une suite de ruptures et de remodelages »

(1990). On comprendra que les assises théoriques de cette saisie épistémologique et constructiviste de la connaissance le doivent à Piaget pour ce qui est des remodelages, et à Bachelard s’agissant des ruptures successives.

La construction des concepts peut être perçue, de manière très schématique, comme combinant deux mouvements coordonnés, l’un assurant le passage de la connaissance factuelle à l’abstraction que constitue le concept, l’autre, qui en est à la fois la marque et la conséquence, assurant la réorganisation du savoir. Le premier mouvement s’effectue par une suite de mises en relation progressives et par la prise en compte d’un nombre de faits de plus en plus grand : « au fur et à mesure que le concept s’élaborera, les formulations deviendront

de plus en plus abstraites. Il s’agira en fait d’une approche inductive » (id.). Cette chaîne des formulations devra cependant être autant descendue que remontée, afin d’appliquer les outils

généraux en cours de formation à des situations concrètes (A. Giordan et al., 1983). Au bout du compte, ces avancées successives en viennent à remettre en cause les représentations, obligeant à une réorganisation des connaissances.

C’est le deuxième mouvement. Il ne s’agit pas d’accumulation, mais bien de restructuration, où les ajouts de connaissances viennent prendre la place, à partir de structures cognitives d’accueil, d’éléments déjà là. Ainsi un ancien modèle explicatif des phénomènes du monde est-il amené à changer lorsqu’un fait nouveau lui retire son pouvoir opératoire (J. D. Novak. et A. J. Cañas, 2006 ; cf. Annexe III. 4). Le rapport à la réalité, de plus en plus complexe et abstraite, est ainsi jalonné de ruptures entre des modèles explicatifs antérieurs et

les nouveaux. Le savoir a régulièrement besoin d’être réorganisé. En biologie par exemple, le concept de respiration se transforme au cours des âges des élèves. A la question « par quoi se manifeste la respiration ? », des élèves de maternelle répondront qu’il se manifeste par des mouvements observables ; des élèves de primaire par des échanges gazeux, et des collégiens par des réactions chimiques d’oxydation (G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996). Pour accompagner ces ruptures épistémologiques, ces passages d’un niveau de compréhension à un autre, que l’on souhaite plus opératoire, il convient d’aménager une construction progressive des concepts impliqués. Cet aménagement s’accompagne du repérage des niveaux de formulation.

C’est ce concept didactique qui va nous retenir ici, dans la mesure où il articule la réflexion épistémologique sur la structuration interne du concept et sa fonction opératoire à l’approche psychologique de son appropriation par l’élève.

232. Intérêt du concept de niveau de formulation

Les énoncés produits par les élèves constituent les indices du niveau d’abstraction auquel ils sont parvenus à propos d’un concept visé. L’enseignant peut leur venir en aide en balisant ces cheminements par des énoncés construits à partir de la définition opératoire de ce concept.

Philippe Meirieu (1987) inscrit cette préoccupation au tout début de la démarche didactique : « le premier temps de la démarche didactique, écrit-il, consiste à inventorier un

nombre limité de notions essentielles et à en déterminer le registre de formulation correspondant à un palier de compréhension chez les élèves dont on a la charge ». C’est ainsi

que l’élaboration d’un curriculum en information-documentation peut être facilitée par une réflexion poussée sur les différents niveaux de formulation des concepts qui lui sont constitutifs.

Lors de la définition des objectifs de savoirs notionnels d’une séquence, l’enseignant a tout intérêt à rédiger très précisément, sous la forme d’une ou de plusieurs phrases, ces idées générales qu’il souhaite voir aisément formuler par ses élèves en fin d’apprentissage. Il ne s’agit pas de vouloir les entendre restituées par cœur, mais de s’assurer qu’elles sont bien maîtrisées. Aussi faut-il bien avoir à l’esprit que le niveau linguistique atteint par l’élève peut masquer la perception de la structure sous-jacente au concept travaillé (A. Giordan et G. de Vecchi, 1987). L’énoncé produit par l’enseignant agit comme grille de compréhension des énoncés produits par les élèves.

Cet énoncé, correspondant au seuil d’abstraction visé pour un niveau de scolarité donné, est appelé tantôt niveau de complexité (B.-M. Barth, 1987), tantôt registre de

conceptualisation (M. Develay, 1992), tantôt encore registre de formulation (J.-P. Astolfi et

M. Develay, 1989) ou, plus généralement, niveau de formulation (G. de Vecchi, 1992 ; G. de Vecchi et N. Carmona-Magnaldi, 1996 ; A. Giordan et G. de Vecchi, 1987 ; F. Cornu et A. Vergnioux, 1992). C’est cette dernière terminologie que nous retenons pour notre part.

L’édification du concept par l’élève, dont rendent compte les niveaux de formulation explicitement déterminés, s’opère par l’augmentation progressive du nombre des attributs qui déterminent le concept (définition en compréhension). Cela permet ainsi de réduire, tout en le précisant, le champ de validité du concept et de le spécialiser en réduisant de même son extension, i.e. le nombre des objets auxquels il s’applique. La construction des concepts avance ainsi par paliers successifs vers davantage d’abstraction (G. de Vecchi, 1992).

Le nombre des attributs retenus pour chaque niveau de formulation détermine le niveau de complexité, ou d’abstraction relatif au point d’entrée dans le concept (B.-M. Barth, 1987, 1993). Britt-Mari Barth (1993) propose ainsi à l’enseignant de se poser les questions suivantes : « Quels sont les attributs essentiels ? Quels sont les attributs secondaires ? Quel

est le niveau de compréhension recherché ? Pour qui ? »

233. Application du concept de niveau de formulation

Florence Cornu et Alain Vergnioux (1992) incitent de même l’enseignant à établir une typologie des niveaux de formulation d’un concept, en commençant par « faire l’inventaire

des énoncés possibles pour une même notion, en fonction des niveaux scolaires, et les organiser dans la progression d’un cursus ».

Une réflexion de ce type a été récemment concrétisée dans les académies de Caen et de Rouen (cf. Annexe III. 2), et envisagée par le groupe de travail de la FADBEN. La première initiative réunit de jeunes enseignants documentalistes autour d’une équipe de formateurs des deux IUFM40. Elle propose, dans le cadre d’un atelier de terminologie, quelques exemples éclairants. A partir de la définition savante d’un concept sont définis trois niveaux de formulation : 6ème, 5ème (niveau 1), 4ème, 3ème, 2nde (niveau 2) et 1ère, terminale (niveau 3). Dans ce contexte précis, la définition savante renvoie au savoir savant, tandis que les différents niveaux correspondent aux savoirs à enseigner à tel moment de la scolarité. A

40

titre d’exemple, nous restituons le travail réalisé à partir du concept de support (Dupart et al., 2005) :

SUPPORT

Définition savante

(sic)

Élément matériel de stockage destiné à la mise en mémoire de données qui y seront transcrites (généralement de façon permanente). Il combine un matériau, un procédé de codage et une technique d’inscription. On distingue différents types de supports :

naturel : papier, argile, pierre, bois, tissu, peau... magnétique : bande magnétique, cartouche... chimique photosensible : pellicule...

optique : disque opto-numérique...

Niveau 1 Le support permet d’inscrire des informations sur un matériau pour les