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« Un travail préalable ayant pour objet d’approcher

la nature, les contenus et l’organisation d’un savoir qu’on prétend enseigner »

A. Giordan et al.,

Introduction

Le processus d’objectivation des contenus déclaratifs de l’Information-documentation a été jusque là analysé au travers de la production de listes de notions proposées comme savoirs à enseigner. Une lecture épistémologique appliquée à ce corpus, dans le cadre choisi de la didactique, a permis de tester notre questionnement initial et de resserrer celui-ci autour de trois préoccupations essentielles : la référence des savoirs à enseigner, leur identification et leur structuration en système organisé. Cependant, faute d’éléments paratextuels sur les conditions d’émergence et sur la définition des notions, certaines questions cruciales portant sur le statut épistémologique, la référence et la fonction opératoire de ces contenus n’ont pas trouvé suffisamment de réponses. L’investigation demande ainsi à être poursuivie à partir de concepts outils ayant fait leur preuve dans d’autres disciplines instituées.

La question de la référence nous retiendra en un premier temps, tant sa corrélation aux idées d’origine des savoirs scolarisables et de source où les puiser est forte. La position affichée par les auteurs des listes est globalement la même : elle pointe vers les savoirs universitaires des Sciences de l’information. C’est une position qui, instaurant implicitement l’image d’une descente des savoirs savants vers des savoirs à enseigner, repose sur l’idée classique que nous aurions affaire ici au schéma de la transposition didactique restreinte, selon l’expression que J.-L. Martinand (2001) consacre au modèle présenté par M. Verret et Y. Chevallard. Cependant, si la référence, en tant qu’horizon désigné, est ainsi nettement pointée, le chemin pour l’atteindre n’est jamais indiqué dans ces textes. Par quels procédés ces savoirs sont-ils repérés, sélectionnés, extraits et apprêtés pour constituer une éventuelle matière d’enseignement ? La question de la référence demande ainsi à être décomposée. N’y aurait-il pas un dédoublement de la fonction référentielle à effectuer, l’une apportant sa part de légitimation, l’autre sa puissance heuristique ?

La filiation présentée par les textes n’étant pas suffisamment démontrée, notre recherche des origines possibles des notions info-documentaires nous conduira à sortir quelque peu de ce schéma à sens unique, pour nous intéresser à d’autres modalités du processus transpositionnel. Nous examinerons ainsi les bénéfices que peut tirer la détermination des savoirs à enseigner de modèles différents, tels ceux de transposition

Pour aller plus avant sur la question de l’identification de ces savoirs, sans doute faudra-t-il au préalable aborder celle de leur identité. C’est à une analyse logique et épistémologique que nous soumettrons donc les constituants de la matière dont nous disposons. L’imprécision dont ceux-ci pâtissent s’agissant de leur appellation générique, entre

notion et concept, appelle à s’interroger sur les éventuels degrés qu’ils pourraient déployer en

tant qu’abstractions. Par ailleurs, et du même point de vue critique, voire suspicieux, qui nous fera rechercher les raisons qui consistent à privilégier les Sciences de l’information comme seule source de référence, nous faisons l’hypothèse que cette imprécision terminologique recouvre un enjeu épistémologique d’importance que nous tenterons d’élucider. Il sera dès lors procédé à une investigation de la structure interne de ces abstractions. Pour ce faire, nous utiliserons les apports de la logique des termes avant de considérer le profit qu’en a tiré B.-M. Barth dans sa proposition d’une définition opératoire des concepts. La réception que montre la didactique des sciences de cette théorie fonde ce qu’on pourrait appeler une approche par le

concept, laquelle saisit ce dernier comme un outil intellectuel capable de structurer les

schèmes cognitifs des apprenants. Nous basant sur la théorie constructiviste de la connaissance, nous appliquerons à la matière qui nous intéresse l’un des outils relatif à cette approche particulière, en l’occurrence l’idée de niveaux de formulation conceptuelle. Il sera ainsi possible de mesurer, d’une part, la plasticité opératoire des concepts info-documentaires, et d’autre part, de voir comment peuvent être aménagés pour l’élève des points d’entrée à ces abstractions, considérées ici comme entités discontinues.

Le projet consistant à structurer la matière, quant à lui, concourt à celui de sa rationalisation, projet qui reste l’une des priorités au développement du processus de professionnalisation de la profession, ainsi qu’il a été présenté plus haut. Quelques unes des listes examinées témoignaient ainsi de cette intention d’organiser le domaine en projetant dans celui-ci des armatures verticales et inclusives. Ces choix révèlent sans doute une vision hiérarchique du savoir. Ils nous livrent cependant l’image de configurations unifiées, fédérées par quelques concepts intégrateurs susceptibles de fournir une représentation simplifiée mais fonctionnelle de la discipline. Nous reprendrons tout d’abord cette notion de concept intégrateur pour l’administrer au domaine concerné par cette étude et procéder au relevé des propositions émises. Nous explorerons ensuite une autre modalité possible d’organisation, qui appréhende les contenus non pas de manière hiérarchique, mais de manière systémique et réticulaire. Pour comprendre l’intérêt que révèle notamment l’expression graphique de ces réseaux, donnant lieu à une véritable cartographie conceptuelle, il faudra discerner entre les

approches psychologiques et épistémologiques. La première permet au sujet de structurer ses connaissances dans des configurations faisant l’objet d’un processus d’apprentissage. La seconde offre au didacticien la possibilité d’organiser la matière, non pas du point de vue surplombant ou panoramique des concepts intégrateurs, mais d’une multiplicité de points de vue particuliers susceptibles d’éclairer des zones spécifiques du domaine.

La question centrale à laquelle tentera de répondre de manière opératoire cette troisième partie, par un transfert d’outils didactiques, est celle de l’émergence d’un domaine de connaissances déclaratives à enseigner. Autrement dit : comment, d’une pratique sociale connue, la Documentation, faire surgir une matière scolarisable ? Les outils rassemblés pour cette entreprise devraient ainsi permettre d’effectuer un certain nombre d’opérations relatives ressortissant au processus de transposition, telles l’établissement de références, la définition opératoire des contenus de cette matière, et leur organisation rationnelle en un système cohérent, lisible et fonctionnel.

1 La référence des savoirs documentaires : entre légitimation,