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Délimitation d’un champ de savoirs à enseigner

13. Problématisation : la question de la mise en forme scolaire

L’approche épistémologique des savoirs à enseigner consiste donc à prendre ceux-ci comme objets d’étude, et à les soumettre à un certain nombre de questions. Nous retiendrons en un premier temps celles qu’a proposées l’équipe interdisciplinaire réunie par Louis

Legrand dans le cadre des activités de la section Sciences et Environnement de l’INRP et dont les travaux ont été réunis sous la direction de André Giordan (1983).

Ces auteurs, dans leur avant-propos, présentent en effet « une approche reposant sur

un corpus d’hypothèses pédagogiques, étayées par des approches épistémologiques et institutionnelles du savoir ». Insistant sur l’importance d’une analyse du contenu conceptuel

dans le but d’aider les professeurs de sciences à ne pas se satisfaire de représentations issues d’une imagerie, ils préconisent de développer une approche épistémologique sur les concepts concernés à partir du questionnement suivant :

1- Historiquement, comment ces concepts se sont-ils constitués ? 2- Comment évoluent-ils dans le cadre des recherches actuelles ?

3- Comment est-on passé d’une formulation à une autre, en fonction de quels types de problèmes à résoudre, de quelles modifications de paradigmes, ou d’intérêts idéologiques ?

4- Dans quelles structures ou champs prennent-ils leur signification ?

5- Existe-t-il une hiérarchisation des concepts dans le cadre d’une discipline ? 6- Sont-ils des instruments de recherche ou des produits terminaux ?

Le champ d’investigation ouvert par ces quelques questions est vaste puisqu’il consiste à se saisir du concept dans ses réalités multidimensionnelle et fonctionnelle en le reliant d’une part à son histoire (1, 3), à une (ou des) référence(s) scientifique(s) (2, 3), au sujet cognitif (6) et même aux autres concepts appartenant au même champ (5), et d’autre part, en éprouvant son potentiel opératoire (4) et sa plasticité (3). Transparaissent alors, au travers de ce questionnement, quelques unes des lignes directrices qui sous-tendent le projet didactique d’élaboration des savoirs scolaires : l’humanisation, la relativité et l’ « instrumentalisation » des concepts. On peut en effet inférer des premières questions le dessein de recontextualiser, voire de (re)personnaliser le concept, en retissant autour de lui toute une culture scientifique faite d’histoire et d’évolutions sociale et politique. Il s’agit d’un processus d’humanisation des concepts, et au-delà, des sciences, au motif que ceux-ci sont avant toute chose des œuvres issues d’un projet humain. Le souci de relativiser la portée du concept scientifique, ensuite, se révèle dans les notions d’évolution et de transformation d’une part, de champ d’application et de hiérarchisation d’autre part. Tout savoir n’est pas une vérité en soi, mais doit être appréhendé comme une construction continuée, dépendant d’un contexte donné pour éprouver sa validité. Enfin, apparaît la préoccupation qui consiste à faire d’un

concept un instrument au service de la résolution de problèmes et de projets : le savoir est à la fois l’horizon et le chemin pour y parvenir.

Les perspectives tracées par ce questionnement d’inspiration épistémologique sont toutes de nature à délimiter, à structurer et à intégrer le champ d’une matière d’enseignement dans une écologie des connaissances. Nous ne conserverons de celles-ci cependant, dans le cadre restreint de cette étude, que les trois dernières, pour la raison qu’elles pourraient permettre une structuration des contenus ainsi qu’une définition du statut des concepts retenus. Nous les ferons nôtres en les reprenant sous la forme suivante :

- Qu’est-ce qu’un concept ? Comment distinguer un concept d’une notion ?

- Y aurait-il un parti à tirer de cette distinction pour mieux comprendre les savoirs ? - Quels seraient les concepts organisateurs de l’Information-documentation ? - Comment regrouper certains concepts dans des champs de signification qui soient opératoires pour le maître et pour l’élève ?

Afin de compléter ce questionnement, nous nous intéresserons aux propositions de J.- P. Astolfi et de M. Develay telles qu’elles sont livrées dans le chapitre dédié aux réflexions épistémologiques de La didactique des sciences (1989). Pour ces auteurs, qui faisaient partie du groupe de chercheurs animé par A. Giordan six ans plus tôt, la réflexion pédagogique, en proposant « un examen de la structure du savoir enseigné », permet de :

1- repérer les principaux concepts qui fonctionnent dans la discipline ; 2- analyser leurs relations ;

3- identifier les rectifications respectives de sens qui se sont produites dans l’histoire de ces concepts, et les obstacles qui ont été levés dans leur construction ;

4- rendre compte des modalités de leur introduction dans l’enseignement ; 5- examiner le fonctionnement social de ces concepts ;

6- étudier les notions de trame conceptuelle, de niveaux de formulation, de transposition didactique, de pratiques sociales de référence.

Certaines idées s’inscrivent dans le prolongement du faisceau de questions précédentes, telles le recours à l’enquête historique pour comprendre l’évolution des formes des concepts dans leur enchaînement logique (3), ou leur inscription dans le champ social (5), ou encore l’invitation à considérer la nature des relations que ces concepts entretiennent (1, 2).

On relèvera par contre la marque prononcée de l’influence de Gaston Bachelard (3), avec la reprise de concepts tels que ceux d’obstacle épistémologique et de rectification continuée, ou bien dans la reprise de cette idée de relativité d’un savoir pris dans le mouvement de la pensée humaine et qui fait écrire à M. Fabre (1992) qu’ « une notion n’est

pas le substitut d’une chose, [mais] un moment de l’évolution d’une pensée ».

Enfin, apparaissent des outils conceptuels de la didactique, livrés ici avec l’énoncé de la tâche à accomplir. Ils peuvent être soit donnés explicitement, tels ceux de trame

conceptuelle, de niveaux de formulation, de transposition didactique ou de pratiques sociales de référence, soit figurer de manière implicite, tels ceux de concept intégrateur (1), de réseaux conceptuels (2) ou de transposition didactique (4). Une énumération aussi précise

témoigne sans doute, comme le prétendent les auteurs dans cet ouvrage, de l’affirmation de la didactique comme discipline particulière, équipée de concepts qui lui sont propres. Rappelons que l’ouvrage date de 1989.

Quoi qu’il en soit, nous retirerons de ces dernières propositions deux nouvelles questions ainsi que l’assurance de pouvoir disposer d’outils spécifiques à la didactique des disciplines pour envisager des réponses à des questions qui ont déjà émergé du questionnement précédent. Les questions nouvelles que nous retiendrons sont celles-ci :

- A quelles sources puiser les savoirs de référence de l’Information-documentation ? - Comment aménager des points d’entrée à ces concepts pour les élèves ?

Quant aux outils conceptuels, nous nous saisirons plus particulièrement de ceux de :

faciliter leur sélection et apprendre à les manipuler ;

- transposition didactique, pour répondre à la question de la référence des concepts info-documentaires ;

- concept intégrateur, en lien avec l’idée d’une possible structuration verticale des

concepts ;

- réseau conceptuel, pour questionner la pertinence de leur structuration horizontale ; - niveau de formulation, pour tester la capacité de ces concepts à fournir des accès au

processus d’appropriation progressive des élèves.

Ainsi le questionnement proposé prendra trois directions distinctes et complémentaires :

1. la question de la référence, pour ce qu’elle nous conduit à l’origine des savoirs à