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Enrichissement conceptuel : sans qu’il y ait cette fois-ci des problèmes dus à la synonymie des termes, des apports inédits au niveau 0 apparaissent à deux endroits :

Etiquettes Attributs Exemples Contre-exemples

Niveau 2 Le support est un élément matériel où les informations peuvent être transcrites au moyen d’un codage (alphabétique, analogique, numérique) Le support

3. Enrichissement conceptuel : sans qu’il y ait cette fois-ci des problèmes dus à la synonymie des termes, des apports inédits au niveau 0 apparaissent à deux endroits :

. des précisions sont apportées à l’attribut [codage] (2b) . idem pour l’attribut [support physique] (3c)

2331. Types d’opérations appliquées à l’énoncé de référence

- ajouts successifs d’attributs : l’énoncé d’origine comprend cinq attributs essentiels distincts (de a à e). L’énoncé 1 n’en comporte plus que trois. Les attributs manquants viennent s’ajouter progressivement dans les niveaux 2 et 3. Ce procédé par ajouts successifs d’attributs est conforme à l’idée énoncée au § III. 214 selon laquelle plus le nombre d’attributs d’un concept augmente et plus tend à se stabiliser son statut de concept (fig. 7). Le processus va donc dans le sens d’une moindre à une plus grande spécification.

fig. 7 Stabilisation du concept par ajouts successifs d’attributs

- ajout d’attributs accessoires : comme il a été remarqué plus haut, un enrichissement conceptuel inédit, i.e. non prévu dans l’énoncé de référence, s’est produit en 2b et 3c. Ces apports ne s’ajoutent cependant pas à la liste des attributs mais viennent en complément aux attributs essentiels (cf. § III. 214). Ils correspondent à des attributs accessoires. Il est cependant remarquable que cet enrichissement ne soit pas transféré au niveau supérieur (3b) s’agissant de [codage].

- introduction d’attributs de types différents : dans les deux cas précédemment repérés (2b et 3c), les attributs accessoires ne sont pas cumulatifs mais s’excluent mutuellement. Ils sont appelés disjonctifs par B.-M. Barth (1987) qui établit ainsi une typologie, empruntée à Jérôme Bruner, où l’accent est à présent porté sur le type de relation existant entre les attributs qui composent les concepts.

23311. Classement des concepts par type de relation entre leurs attributs

Trois types de concepts sont ainsi dégagés : conjonctifs, disjonctifs ou relationnels. Il y a conjonction d’attributs lorsque ceux-ci doivent être impérativement présents dans chaque exemple (un carré est une figure fermée et comportant 4 segments de droite et de longueur égale et formant 4 angles droits). Le concept est en revanche disjonctif lorsque certains attributs s’excluent (un verbe peut être soit d’action soit d’état). Enfin, le concept est dit

relationnel lorsqu’il a besoin d’autres concepts pour être défini (grand, lourd). Reprenant cette

[stockage] 3 [codage] 2 [information] [conservation] [support physique] 1

classification, Gérard de Vecchi (1992) y ajoute les concepts subjectifs, dont la définition, personnelle, n’est pas partagée par tous (beauté, liberté). Mais ne nous rapprochons-nous pas ici un peu trop de la notion ? Nous présentons donc les trois types proposés par Britt-Mary Barth sous forme d’un tableau, et tâchons de leur adjoindre des exemples tirés de l’information-documentation :

Types exemples généraux

(Barth, 1987)

exemples tirés du domaine info-documentaire Concepts conjonctifs rectangle

insecte adjectif

document

répertoire de sites ressource

Concepts disjonctifs nationalité (soit le fait d’être né dans un pays, soit le fait d’avoir été naturalisé)

- support (un élément soit

matériel soit immatériel)

- outil de recherche en ligne

(soit un répertoire de sites, soit un moteur de recherche soit un métamoteur)

- moteur de recherche

(présente les résultats soit par rang soit par catégories) Concepts relationnels petit

masse analogie contraire notoriété pertinence validité temporelle variabilité du temps de conservation

15. Classement des concepts par type de relation entre les attributs du concept (B.-M. Barth, 1987)

Ce type de classement révèle son utilité non pas pour structurer la discipline mais plutôt pour aider à la détermination des concepts et à la rédaction des niveaux de formulation.

2332. Procédés mis en œuvre pour l’aménagement de points d’entrée aux élèves

Les procédés repérés dans l’exemple donné et relatifs à l’aménagement de points d’entrée progressifs dans l’abstraction peuvent ainsi être présentés :

- l’augmentation progressive du nombre d’attributs essentiels (cf. III. § 214 et fig. 7) ; - l’ajout progressif d’attributs accessoires (2b, 3c) ;

- la priorité accordée aux concepts relatifs à des référents empiriques : dans le cas présent, [codage] et [stockage] sont plus abstraits que [matériau], [information] et [conservation]

- l’enrichissement progressif du lexique : inscrire précède transcrire, matériau précède élément matériel, etc. (axe paradigmatique) ;

- la complexification croissante de la syntaxe, et notamment l’apparition de groupes nominaux : inscrire précède technique d’inscription ; codage précède procédé de

codage ;

matériau précède élément matériel. L’enrichissement se manifeste encore par des énumérations (2) (axe syntagmatique)

En conclusion :

Ce simple exemple donne une idée des écueils à éviter dans l’élaboration d’énoncés des niveaux de formulation, s’agissant pour le moins de la cohérence terminologique et conceptuelle.

Nous avons observé que le mode général de fonctionnement procédait par accumulation d’éléments successifs, aussi bien conceptuels (attributs) que formels (lexique, syntaxe) à partir d’un état initial, du niveau inférieur aux niveaux supérieurs. Le modèle observé ici semble ainsi traduire une logique de déclinaison, de réduction, voire d’édulcoration du savoir savant. On peut se demander jusqu’à quel point cette vision adultocentriste reste pertinente au regard des stratégies cognitives élaborées par les apprenants à la recherche de points d’entrée dans ces abstractions. Aussi peut-on encore interroger la pertinence qu’il y aurait à vouloir faire correspondre, comme dans l’exemple donné, des niveaux de formulation (niveau 1, niveau 2, etc.) et des niveaux formalisés par le cursus (6ème, 2nde, etc.). A ce propos, l’approche par l’idée de réseaux et d’auras conceptuels peut s’avérer complémentaire (voir infra).

A. Giordan (1983) propose alors de multiplier les énoncés, afin de « détacher les

concepts des situations concrètes » et de les affranchir de recettes. Les moments de

structuration offerts à l’élève lui permettent ainsi de produire des énoncés intermédiaires lui assurant des approches différenciées.

24. Bilan

La différence entre notion et concept est de nature épistémologique : elle engage des rapports particuliers à la vérité. D’un bout à l’autre du spectre se déploient les possibles de

l’abstraction, mais tandis que d’un côté, celui de la notion, l’aire recouverte est étendue et se satisfait de l’expérience et de l’entendu, de l’autre côté, celui du concept, le domaine de validité est étroit et soumis à des critères stricts et mesurés. D’un côté donc le donné, de l’autre le construit.

C’est sur l’orientation spécifique que prend une discipline à cette production de contraintes qu’elle trouve son identité, ainsi que sur le choix des objets d’étude sur lesquels ces contraintes s’exercent.

A ce titre, les objets info-documentaires restent encore à construire. Certains d’entre eux ont vocation à devenir des concepts de ce type, tels information, documentation, support,

indexation, source, etc. De nombreux autres candidats doivent encore faire leurs preuves. Il

s’agit en premier lieu d’effectuer une conversion à l’intérieur du régime des connaissances, aller du factuel au conceptuel, en passant par le notionnel. Cette traversée s’engage dès lors que ces abstractions en viennent à être définies en compréhension et en extension. Le chemin parcouru entre les extrémités représentées par ces différents rapports à la connaissance sont toute l’ambition d’une entreprise didactique.

En second lieu, les concepts info-documentaires doivent encore faire la preuve de leur pouvoir d’explicitation des problématiques et des phénomènes sociaux et culturels liés à l’information et à la documentation. Ont-ils, in fine, ces vertus apodictiques des modèles explicatifs d’une science ? Nous avons pu vérifier, à partir d’exemples, l’intégration effective de fonctions opératoires requises, relatives aux pouvoirs d’agrégation, d’investigation, d’explication et de prédiction. Peut-on encore penser l’élaboration des concepts, en tant que schèmes organisateurs de la conduite, au travers des invariants qui les rendent opératoires à l’intérieur de classes de situations données ?

Ces concepts, dans leur dimension structurante, doivent être considérés comme bifrons, regardant et organisant simultanément d’un côté le monde et ses manifestations, de l’autre le sujet et sa structure cognitive.

La production d’énoncés rendant compte du niveau d’abstraction - ou niveau de formulation conceptuelle - atteint par, ou bien attendu de l’élève, peut servir de témoin dans le premier cas, ou de balise dans le second. S’agissant de ce dernier emploi, il revient à l’enseignant de prévoir et d’aménager, à partir de ce qu’il sait des attributs essentiels des concepts visés, des points d’entrée, sous la forme de repères, dans ces abstractions selon le niveau de maturation cognitive présumé. Sur ce chemin, il lui faudra cependant apprendre à tenir compte des énoncés produits par les élèves et à les estimer à l’aune des énoncés attendus,

afin que soient repérés les moments où les éléments ont des chances d’être intégrés dans leur structure cognitive.

Des travaux d’observation de situations didactiques au cours desquelles des énoncés prenant en compte les niveaux de formulation relatifs aux objets info-documentaires seraient analysés au regard des niveaux d’attente ne sont pas encore inscrits à l’ordre du jour. A ce point de la discussion cependant, la définition en compréhension des concepts semble devoir tenir compte des capacités de structuration effective des élèves.

La détermination des savoirs à enseigner devrait pouvoir être articulée à l’étude des niveaux de formulation. Ce processus particulier d’élaboration de la matière documentaire se situe à cheval sur les dimensions épistémologique et psychologique de la didactique. La première permet un travail sur la décomposition analytique du concept et sur la hiérarchisation des attributs qui le composent, tandis que la seconde cherche à tirer des passerelles cognitives entre ceux-ci et les structures d’accueil des apprenants.