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1.1.2 LA QUESTION DU LOGEMENT EST AVANT TOUT CELLE DU LOGEMENT SOCIAL

1.1 LA QUESTION DU LOGEMENT SOCIAL ET DES GRANDS ENSEMBLES DEPUIS 1950 EN FRANCE ET DANS LES PAYS DE

1.1.2 LA QUESTION DU LOGEMENT EST AVANT TOUT CELLE DU LOGEMENT SOCIAL

On n'évoque le thème du logement que de manière problématique, et on préfère souvent d'ailleurs parler de "LA question du logement" tant il est vrai qu'elle intègre une multitude de notions, renvoie à plusieurs champs disciplinaires et surtout traduit une grande variation de positions idéologiques. Cette question est complexe car elle mêle des registres très différents, démographiques, politiques et financiers, économiques et sociaux, urbanistiques, perceptifs et symboliques. Enfin, la question du logement est problématique parce que marquée par des crises successives. Pour Christian Topalov, après la grande crise immobilière de 1880, les réformateurs sociaux, observant la pénurie croissante de logements ouvriers, la dégradation des conditions de l'habitat populaire et la persistance ou même l'aggravation du surpeuplement, commencent à véritablement prendre la mesure du problème que pose le logement en France (TOPALOV-1987). Le logement des ouvriers est la préoccupation du XIXème siècle.

Ce sont les médecins qui ont lancé les premiers cris d'alarme contre les risques d'épidémies dans les quartiers ouvriers. Ils sont les initiateurs d'un mouvement qu'on a appelé l'hygiénisme, non dénué de moralisme. Pour les hygiénistes, en effet, le milieu urbain possède la faculté de dégrader les hommes à la fois dans leur corps et dans leur âme. Les réformateurs sociaux prendront rapidement le relais des hygiénistes et, à la fin du XIXème siècle, l'intervention de l'Etat en matière de logement social s'imposera alors comme une nécessité. Cette intervention s'est traduite dans une dizaine de pays par l'apparition de législations inédites, en 1889 en Belgique, en 1890 en Grande-Bretagne, en 1894 en France. Ces dispositifs législatifs, rudimentaires, connaîtront de nombreux compléments et améliorations au cours de la première moitié du XXème siècle.

En 1850 une loi incite les conseils municipaux à surveiller l'état du parc de logements; il s'agit de la première du genre (QUESNE-1994). Elle officialise la volonté de lutter contre l'insalubrité des taudis et les épidémies, dénoncées par les hygiénistes. Jusque-là, les travaux d'amélioration des logements, et la construction, restaient subordonnés à l'initiative privée et à celle des Sociétés Immobilières à préoccupations sociales.

Le cinq mars 1892, Jules Siegfried et Georges Picot déposent un projet de loi en faveur des habitations ouvrières; elle est votée en 1894. Leur objectif est de faire se multiplier le nombre des petits propriétaires. La construction s'oriente plutôt vers le pavillon individuel. Elle est encouragée par peur des concentrations ouvrières, foyer d'un socialisme potentiel, dangereuses pour les libéraux; la question du logement revêt une dimension politique fortement signifiante. Dans la dernière décennie du XIXème siècle, des opérations pavillonnaires fleurissent sur tout le territoire. La France apparaît alors à l'avant garde des idées en la matière mais demeurera longtemps en retard au niveau des réalisations (QUILLIOT-

1989). L'ouverture pour la première fois des crédits de l'Etat destinés à favoriser le logement des catégories ouvrières s'appuie sur ce texte de 1894. Cette loi représente le socle législatif sur lequel va reposer toute la politique du logement social en France (Cf: Repère N°2). Dès

1906, la première enquête sur le logement est publiée. Elle révèlera que la France est constituée de taudis et enregistre un retard important par rapport aux autres pays européens.

En 1912, la loi Bonnevay, votée à l'unanimité donne naissance aux Offices Publics d'HBM (OPHBM). Le terme d'HBM qui a remplacé celui d'habitation ouvrière sera utilisé jusqu'en 1950. La seconde guerre mondiale correspond à une rupture, marque un coup d'arrêt dans la construction. La reconstruction d'après-guerre détermine le passage à un stade de réalisations de masse. En fait, il faudra vraiment attendre dix ans pour que la reconstruction démarre sérieusement et qu'une législation complète se mette en place. Alors seulement, les OPHBM, puis le mouvement HLM, apparaîtront comme de grands constructeurs18, les grands bâtisseurs du moment (QUILLIOT-1989). Avec les HBM19 sont apparues d'autres conceptions de l'environnement et de l'habitat des travailleurs, moins paternalistes que les cités ouvrières (symboles puissants de la politique patronale), mais en 1954, un ouvrier sur dix est encore logé par son employeur (BROWAEYS & CHATELAIN-1984).

Au cours des années 50, le patronat abandonne le financement de l'habitat individuel, et l'Etat prendra le relais. En 1953, la Confédération Nationale du Patronat Français (CNPF) accepte cependant le principe d'une généralisation de la contribution du 1% logement. Car, après 1945, la France a fait les comptes, 500 000 logements détruits et 1,5 million endommagés sur l'ensemble du territoire, la tâche est considérable. La pénurie de logements s'est durcie après- guerre (FLAMAND-1989), et le parc logement se caractérise après la guerre 39-45 par son mauvais état d'entretien. Malgré les efforts de reconstruction, le parc est toujours au milieu des années 50 quantitativement insuffisant et qualitativement médiocre, en ce qui concerne les éléments de confort notamment. En Janvier 1953, la proposition de loi-cadre de Pierre Courant (qui a pris la direction du Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme -MRU-) constitue la première tentative sérieuse de définition d'une politique globale du logement prenant en compte les éléments financiers, fonciers et techniques du problème. Il a donc fallu attendre 1953-1954 pour que se mettent réellement en place les dispositifs financiers et institutionnels qui vont permettre le développement rapide de la promotion publique.

La carte du logement ouvrier en 1962met en évidence l'opposition de deux France. Celle des ouvriers logés par leur entreprise à titre gracieux ou onéreux dans le nord et l'est de la France surtout (COUPLEUX-1994), et celle des ouvriers propriétaires de leur logement dans l'ouest de la France (BROWAEYS & CHATELAIN-1984). Plus tard, avec les grands ensembles, le principe d'une concentration ouvrière demeure, mais la cité de maisons individuelles, la cité-jardin, fait figure d'héritage d'une période révolue. Les cités d'HBM sont restées plus spectaculaires par leur spécificité architecturale que par leur volume, en raison surtout de contraintes foncières. En région parisienne, on recense environ quinze cités-jardins (au Plessis Robinson, à Châtenay-Malabry ou à Drancy par exemple), représentant 20 000 logements.

18 Cf: "Un siècle d'habitat social. Cent ans de progrès", N° Hors série, supplément au N° 13 de la revue HLM Aujourd'hui,

mai 1989, 112 pages.

19 J.P. Flamand indique dans son essai sur l'habitat HLM que vers 1936, "à ce moment de leur histoire, les HBM relèvent du

1.1.3- LES GRANDS ENSEMBLES: UN TYPE D'HABITAT IMPOSE PAR LA