• Aucun résultat trouvé

2.1 LES QUARTIERS DE GRANDS ENSEMBLES MANCEAUX ET ANGEVINS: ELEMENTS GEOGRAPHIQUES ET SOCIAU

2.1.3 LES SABLONS: SPLENDEUR ET DECADENCE DES ZUP

La ZUP des Sablons a représenté pour Le Mans tout à la fois une opération d'urbanisme de grande envergure menée par la SEM, un moyen de rationaliser l'extension de la ville, et un outil de contrôle des constructions nouvelles et des équipements. Elle a été construite, essentiellement, sur des terrains maraîchers, où les habitations détruites étaient souvent antérieures à 1871.

77 Sources: Actes du colloque des 18 et 19 décembre 1986, Réhabilitation des Grands Ensembles, Institut National

Les Sablons, avec l'installation de populations nouvelles, a connu une poussée démographique impressionnante. Les populations y possèdent les mêmes caractéristiques que l'ensemble des populations HLM des années 70: plus de la moitié de la population a moins de vingt ans, les plus de soixante ans sont rares et le poids des jeunes adultes actifs employés (35%) ou ouvriers (45%) est très important (DELPRETTI-1975).

LES SABLONS: depuis l'île aux sports

En 1975, l'un des principaux objectifs était de "doter les ensembles d'habitation de tous les

équipements d'intérêt collectif nécessaires à la fonction et à l'ambiance urbaine"; celle-là

même qui fait défaut aujourd'hui. La ZUP des Sablons est le quartier le mieux équipé du Mans pour les structures sportives; elles répondent parfaitement à la demande de la population. "L'île aux sports" notamment est une chance fabuleuse pour ses habitants: aucun habitant de centre-ville ne peut se vanter de disposer de l'équivalent en qualité et niveau d'équipement, ni en proximité. La ZUP des Sablons est également un des rares quartiers du Mans à bénéficier d'une aussi grande superficie réservée aux espaces verts:

Enfin, aux Sablons, les logements sont récents et confortables, en tout cas plus confortables que dans bien des quartiers anciens moins populaires, voire bourgeois (LACAZE-1993)78. Beaucoup d'études géographiques soulignent que l'on a vu en Les Sablons seulement un secteur à vocation sociale, c'est-à-dire constitué de logements aidés par l'Etat. C'est pourquoi la ZUP des Sablons a vite été reléguée au rang de "banlieue à problèmes", sous-entendant qu'elle n'était en rien un véritable quartier de la ville. On a mal exploité les atouts des Sablons et abouti à une véritable ségrégation socio-spatiale.

2.1.3.1- Les Sablons: premier quartier d'habitat social du Mans

Les Sablons comptent 5 825 résidences principales. Moins d'un habitant sur cinq est propriétaire de son logement et parmi les 81% de locataires, les neuf dixièmes sont logés dans le parc HLM. La mobilité-logement est importante mais variable suivant les groupes sociaux79; ainsi les familles étrangères sont les plus stables, les chômeurs les plus mobiles. 78 Sur le rôle des représentations mentales dans la détermination de la valeur de l'habitat, voir la contribution de J.P

LACAZE, In L'articulation du foncier et de l'immobilier (LACAZE-1993).

CARTE N°20:

En 1990, Les Sablons représentent 10,6% de la population mancelle soit 15 480 habitants (en baisse de 8% par rapport à 1982). A l'exception des segments PSR, le parc des Sablons est occupé par une population jeune. Au dernier recensement, la classe d'âge 0/19 ans avait cependant enregistré la plus forte évolution négative; mais elle représente malgré tout encore un tiers de l'ensemble (41% en 1982):

0 5 10 15 20 25 30 35 40 0/19 ans 20/39 ans 40/59 ans 60/74 ans PLus de 75 ans Le Mans Les Sablons Sources: RGP/INSEE-1990.

Aux Sablons, les familles nombreuses (12,1%) sont beaucoup plus importantes qu'au niveau de l'ensemble de la ville, où elles ne représentent que 7% des familles. Les familles monoparentales elles, représentent 27,7% des familles. Ce chiffre indique que les familles économiquement faibles, ou potentiellement en difficulté, représentent des fractions importantes de la population. D'ailleurs, les familles allocataires représentent les trois quarts des ménages. En 1990, un tiers des étrangers habitant Le Mans sont installés aux Sablons. Cette population est particulièrement jeune puisque la moitié d'entre elle a moins de quinze ans. Mais, il s'agit là d'un phénomène général à l'échelle de la région, la concentration de population étrangère dans les quartiers prioritaires est frappante. La moitié de la population étrangère des Pays de la Loire vit en effet dans les quartiers en convention (INSEE-1997).

En 1990, une forte proportion d'actifs ne se positionne dans aucune CSP classique. Une part importante de ces actifs (23,5%) est constituée de personnes occupant un emploi précaire. Les ouvriers représentent un tiers de l'ensemble des actifs et les employés un quart; leur poids reste donc important même s'il a accusé une diminution par rapport à 1982. Aujourd'hui, la part des ouvriers est toujours plus importante que pour l'ensemble du Mans, le caractère ouvrier des Sablons perdure.

Le chômage est devenu un facteur aggravant de tout premier ordre, mais pas uniquement aux Sablons; à Allonnes notamment, le chômage a également des allures assez inquiétantes. Il a fini par toucher toutes les catégories de population et est à l'origine d'un nombre important de dysfonctionnements sociaux. La ZUP des Sablons regroupe 19,9% des chômeurs de la ville (alors que sa population regroupe 11% de la population mancelle). Ces chômeurs sont, pour la plupart, en fin de droit. Les jeunes sont les plus touchés et les femmes sont également plus concernées que les hommes. Le chômage touche en effet une femme sur trois en âge de travailler, contre un homme sur six. Au Mans, 48,5% des chômeurs sont des chômeurs de longue durée (un an et plus), ce taux est égal à 50% aux Sablons (il s'élève à 44,9% pour la France entière). Aux Sablons, un tiers des 15/24 ans au chômage le sont depuis plus d'un an, c'est le cas pour la moitié des chômeurs ayant entre 25 et 49 ans et 81% des chômeurs ayant plus de 50 ans. Le pourcentage d'emplois précaires, CDD, apprentissages, intérim, est élevé: il atteint là 19% (8,7% pour la France entière) contre 12,3% au Mans. Enfin, la moitié des 15/24

ans occupent un emploi précaire contre 37,6% pour la France entière. Dans le quartier des Sablons, le taux de chômage qui affecte les étrangers (41,5%) est beaucoup plus élevé que celui des français (22,3%).

2.1.3.2- Le développement social des Sablons ou la volonté de revaloriser un territoire

Les Sablons sont indissociables des DSQ et de la politique de la ville menée au Mans. Le récent Contrat de Ville a fait de l'insertion économique une priorité pour le développement des Sablons. La mise en Zone Franche Urbaine (ZFU) du quartier est une conséquence et un prolongement logique des actions antérieures. Ces procédures font suite aux actions de Développement Social du Quartier, entreprises dès la fin des années 80. Conforter et développer l'emploi sont les deux priorités pour la ZFU des Sablons: développement de zones d'activités, restructuration du commerce, accueil de nouvelles entreprises. Le bilan à l'issue du premier semestre 1997, premier semestre d'application, fait état d'une douzaine d'entreprises totalisant trente emplois. L'objectif à moyen terme est fixé à deux cent cinquante emplois.

Comme de très nombreux grands ensembles, le quartier des Sablons a une image négative, celle d'un espace social où les difficultés sont plus concentrées qu'ailleurs. Mais à l'échelle du quartier, les enquêtes montrent que l'opinion des habitants ne peut en aucun cas être unanime ou généralisable; elle varie en fonction de la catégorie de résidents et selon la localisation géographique de leur logement. Il existe ça et là des îlots de stabilité. Ils traduisent l'existence de solidarités, de bonnes relations internes au quartier, et de bonne opinion des habitants des Sablons pour leur quartier.

Les habitants ont tendance à ne considérer que leur environnement immédiat et ne font pas toujours l'effort d'une réflexion globale. Pourtant, selon qu'on se place dans les îlots situés le long de l'Huisne ou ceux très dévalorisés des Monts d'Arrée, l'enquêté peut avoir des perceptions radicalement opposées. Malgré tout, c'est bien le rejet qui prévaut généralement (GOUHIER-1987), surtout de l'extérieur. Finalement, le quartier des Sablons, malgré sa grande diversité continue d'incarner le grand ensemble caricatural: pauvreté, dégradation, marginalisation. On ne retient, quels que soient les efforts d'amélioration fournis, que les aspects négatifs.

Grâce à l'analyse des composantes socio-démographiques, résidentielles et économiques à une échelle plus fine que celle du quartier, il est possible de caractériser les différentes populations du parc des Sablons par segment territorial, et donc identifier les éventuelles ségrégations. L'îlot Artois-Monts d'Arrée renvoie une image parmi les plus négatives, il est perçu comme un espace fermé "où la vue est bouchée", où la présence minérale et de la ligne droite sont dominantes et où règnent la "simplicité et la répétition des

formes construites" (QUESNE-1987).

LES SABLONS: tours Artois

L'analyse de la composition sociale du groupe Artois a révélé un marquage social important sur des blocs territoriaux précis. Ainsi, les grandes tours semblent loger plus de ménages cumulant un maximum de "critères handicapants". Ces tours abritent des ménages de quatre à cinq et même six à huit enfants. Parmi cette population, les deux tiers ont des situations

professionnelles instables; c'est également ici que se concentrent les plus faibles revenus. Ces groupes logent de nombreuses familles en situation de précarité économique: le chômage y varie de 20 à 25% en fonction des secteurs; il frappe prioritairement les jeunes. Ces positions économiquement dégradées, et souvent dégradantes pour les individus qui les vivent, sont responsables de leur exclusion, et par voie de conséquence de leur marginalisation. La marginalisation des enfants et des adolescents, elle, est plus à mettre en relation avec les formes de parcours scolaire. Plus de la moitié des enfants du quartier ont un retard à leur entrée en sixième. Par ailleurs, les taux de redoublement atteignent des niveaux très élevés.