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Cette présentation détaillée des grands ensembles permet de conclure à une relative cohésion de certains quartiers en un même groupe. Relative, car chacun possède un certain nombre de spécificités qui en font des modèles atypiques, allant quelquefois à contre-courant des représentations les plus communément partagées; Monplaisir est un exemple à retenir. Verneau, Ronceray-Glonnières et Trélazé possèdent un certain nombre de critères communs. Ce sont tous des quartiers anciens, fortement dévalorisés et possédant un parc individuel important. Par ailleurs, ils possèdent tous la particularité d'avoir une identité ouvrière, bien qu'atténuée, encore vivace néanmoins. La population de ces trois quartiers a amorcé un processus de vieillissement. La pauvreté et le dénuement concernent une part de plus en plus importante de leur population. Enfin, Trélazé, Verneau et Ronceray-Glonnières ont tous trois bénéficié très précocement d'interventions socio-urbaines, les responsables locaux ayant pris le parti d'amorcer dès les années 70 des procédures de requalification et de revalorisation urbaine, qu'on connaît bien sous le sigle d'HVS. Trélazé, Verneau et Ronceray-Glonnières se caractérisent par leur très grande hétérogénéité morphologique. Plusieurs types d'habitat s'y côtoient, et on y relève une grande pluralité des opinions et des perceptions à l'intérieur même des quartiers. En dépit de cette grande diversité, tous ces grands ensembles possèdent, à l'échelle de la ville, une image uniforme d'espaces dégradés.

Le quartier des Sablons est un grand ensemble très différent. Cette ZUP est fortement connotée. La connotation négative s'accompagne d'un cortège de clichés: gigantisme des constructions (8 000 logements, tours de dix huit étages), image d'un urbanisme "bâclé" mais équipements et infrastructures lourdes importants, jeunesse de la population, forte présence de population étrangère (dans le quartier, on fête le Ramadan). Par rapport au groupe Trélazé/Verneau/Ronceray-Glonnières, le quartier des Sablons est beaucoup plus important et couvre une superficie plus vaste. Il a bénéficié de dispositifs socio-urbains dans le cadre de la politique de la ville plus tardivement. Mis en place à la fin des années 80, ils ont pris la forme d'un DSQ. Enfin, le quartier des Sablons est beaucoup plus récent, pour lui, le rejet de la forme, la densité, l'impression d'enfermement et le sentiment d'uniformité ont un poids et un sens beaucoup plus significatifs dans son déclassement. Le quartier des Sablons a une image négative parce qu'il est une ZUP, et que les ZUP sont des édifices d'un autre âge, hérités d'un passé récent et déjà obsolètes. Pour Les Sablons, l'environnement au sens général du terme n'est pas véritablement en cause; en revanche, la forme d'habitat est souvent jugée inadaptée à l'individu et à ses besoins. Car, le cadre extérieur et la place laissée aux espaces verts sont ici exceptionnels. Enfin, Les Sablons comme tous les grands ensembles n'a pas été conçu pour fixer des emplois et encore moins pour offrir une activité sur place aux résidents. Là, grand ensemble et migrations pendulaires sont strictement liés (BRUN & RONCAYOLO-1985). On peut donc voir dans l'institution d'une zone franche la remise en question de ce principe d'unifonctionnalité (exclusivement résidentielle). Mais quel sens donner à ce changement de conception, et quelles retombées en attendre ?

Bellevue (Coulaines/Le Mans) et Chaoué-Les Perrières (Allonnes) se singularisent par leur identité spécifique de communes-ZUP. Cette identité a contribué à renforcer, et à faire

perdurer encore aujourd'hui, leur image de cité-dortoir: communes économiquement sinistrées et dépendantes du Mans, migrations pendulaires de leurs actifs, marginalisation progressive des populations professionnellement exclues (jeunes, chômeurs, non-diplômés et non- qualifiés). L'urbanisation s'est traduite ici d'une part, par une succession de records quantitatifs en matière de constructions, d'autre part, par une perte d'urbanité (BURGEL-1985).

En terme d'images et de représentations, Bellevue, Allonnes et Monplaisir sont souvent perçus négativement. Sans doute ce constat n'est pas étranger au fait que ces quartiers ont connu un processus de dégradation au cours des vingt dernières années, directement lié à la crise économique et à ses retombées sur l'emploi. Pourtant, de tous les quartiers étudiés, le grand ensemble de Monplaisir est sans doute celui qui répond le mieux à la définition de quartier: une identité commune. Monplaisir possède une forte empreinte populaire et ouvrière, une vie sociale et des pratiques sociales partagées (animation et équipements socioculturels importants). En somme, parce qu'il s'agit d'un grand ensemble, Monplaisir est de l'extérieur assez dénigré, mais de fait ce quartier abrite une population qui possède une image positive de son quartier. Dans notre enquête, nous retrouvons ce facteur favorable.

Le grand ensemble Belle-Beille se singularise pour sa plus grande ancienneté: son édification s'est déroulée immédiatement après-guerre. Elle a eu lieu dans les années 60-70 pour Allonnes, Monplaisir et Bellevue et 70-80 pour La Roseraie. Cette chronologie explique sans doute en partie le caractère un peu particulier de Belle-Beille à Angers et dans l'histoire, la généalogie résidentielle des angevins. Belle-Beille est différent également, car en plus d'être un quartier plus vieux, au bâti très diversifié et surtout au cadre naturel privilégié connu dans toute la ville, Belle-Beille est avant tout un grand ensemble qui fait voisiner des mondes diamétralement opposés. La présence du campus et l'empreinte très étudiante de Belle-Beille en font un quartier composé d'îlots fort dissemblables. Le quartier abrite des groupes sociaux très différents.

L'autre cas, un peu à part tout de même ou en marge de ces modèles, est représenté par La Roseraie. Ce grand ensemble est plus récent, mais surtout possède une identité très différente. Son édification était fondée sur la volonté de parvenir à une sorte de cité idéale, à un idéal de vie communautaire (comme à la Villeneuve de Grenoble). Son édification était basée également sur l'idée que ce grand ensemble-là serait le contre-modèle de la cité-dortoir, Mai 68 étant passé par là. De fait, on y lit dans l'espace la prise en compte, assez réussie, d'un équilibre dans la structuration d'ensemble. La population résidante est entrée dans une phase de paupérisation au cours des dernières années, quelques îlots sont révélateurs de cette dégradation des positions sociales, l'îlot Dumont d'Urville notamment. En dépit de ces transformations, le grand ensemble de La Roseraie reste empreint de son identité socioprofessionnelle de type classes moyennes/fonctionnaires qui le distingue des autres.

Les quartiers n'ont pas bénéficié également des dispositifs socio-urbains. Des moyens importants ont été mobilisés à Allonnes et Belle-Beille (HVS, DSQ, ZEP, Contrat de Ville) par rapport à Bellevue, Monplaisir ou La Roseraie. Ces grands ensembles sont décidément bien dissemblables. Il n'est pas apparu possible de dégager une définition simple et universelle du grand ensemble dans les villes d'Angers et du Mans. Alors plutôt que de se contenter d'une formule discutable, ne convenant qu'à une catégorie de grands ensembles, nous avons préféré prendre en compte cette diversité. Elle est étroitement liée à des déterminants socio- démographiques et socio-économiques plutôt qu'à un effet d'appartenance au site.