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Les grands ensembles manceaux et angevins ont constitué le cadre de nos investigations de terrain. Les matériaux d'enquêtes ont été recueillis sur plusieurs îlots résidentiels appartenant à des grands ensembles différents: Ronceray-Glonnières, Les Sablons et Bellevue au Mans, Belle-Beille, Verneau, Monplaisir, La Roseraie à Angers, plus Trélazé et Allonnes. L'analyse de ces unités, par enquête directe, a permis une étude fine des habitants. Mais le problème de la représentativité de la population analysée est sous-jacent et implicitement posé. La validité de l'échantillon et la production du discours appellent un commentaire.

Notre échantillon n'est ni stratifié rigoureusement, ni totalement aléatoire. Les personnes interrogées l'ont été sans autre raison que leur inscription dans les espaces considérés et leur disponibilité, premières conditions de l'échange (FERREOL & DEUBEL- 1993). Notre échantillon ne présente pas exactement les mêmes caractéristiques que l'ensemble de la population-mère. Mais dans la plupart des recherches, on est loin des méthodes aléatoires rigoureuses, au sens statistique du terme; au mieux on contourne les difficultés grâce à la méthode dite d'échantillonnage par quota. Il s'agit d'obtenir une représentativité suffisante en cherchant à reproduire la distribution de certaines variables comme l'âge, le sexe ou la CSP. Les quotas sont alors fixés de manière à corriger les distorsions qui découlent du fait que certaines catégories de populations sont plus accessibles que d'autres; mais les distorsions de l'échantillon dues aux absences ou aux refus sont toujours fréquentes. Elles ne facilitent pas la prise en compte des caractéristiques de sous-populations numériquement plus faibles (dans notre enquête les ménages étrangers par exemple). Mais les cas de non-réponses peuvent dépendre également des questions posées, du niveau d'implication des personnes interrogées et de leurs caractéristiques socioculturelles. Dans ces conditions et tenant compte de l'ensemble de ces difficultés, on peut s'interroger sur l'existence d'échantillons parfaitement représentatifs ? Ainsi, vouloir à tout prix un échantillon parfaitement représentatif, c'est s'imposer une contrainte difficile à satisfaire et souvent inutile. A la représentativité nous avons préferé la notion d'adéquation de l'échantillon aux objectifs recherchés. Avant tout qualitative, notre étude justifie bien que ce soit moins la représentativité statistique et la rigueur mathématique qui prévalent que la capacité à saisir la signification du mode d'habiter à partir des perceptions et du discours sur les pratiques.

La constitution de cette "matière première", à l'inverse de ce que l'on peut penser, n'est pas nécessairement "objective" mais bien le fruit, le produit d'une relation particulière enquêté/enquêteur au moment de la passation (GHIGLIONE & MATALON-1991). L'interprétation de nos résultats a tenu compte de ces spécificités. Car en plus d'une prise de conscience de ce que peut impliquer fondamentalement cette relation enquêté/enquêteur, et notamment sur son influence sur la production du discours, nous avons contourné autant que possible les propos stéréotypés. Bien entendu, on ne dispose que de ce qu'a su, ou pu, ou voulu nous dire l'enquêté, et qui ressemble quelquefois étrangement, dans les termes au moins, aux communiqués des médias sur le sujet (FERREOL-1993), notre approche du disours a donc quelquefois nécessité un effort de reformulation.

Les populations des grands ensembles manceaux ont été interrogées entre décembre 1993 et février 1994, à Angers, entre décembre 1994 et février 1995. Au total au Mans, un peu plus d'un millier d'habitants ont répondu; à Angers l'enquête a permis de consulter près de 700 personnes. Lors de la passation, l'enquêteur a posé des questions précises, libellées d'avance et suivant un ordre prévu qu'il a pu prendre la liberté d'inverser en fonction du déroulement du discours. Dans le cas de questions ouvertes (précodées ou non), l'enquêté a été libre de répondre comme il le désirait, mais toujours dans le cadre de la question posée. Dans le cas de questions fermées, l'enquêté a pu répondre par un choix limité (oui ou non, favorable ou défavorable). La constitution de questions fermées exige un choix préalable et arbitraire de facteurs explicatifs. Les questions ouvertes n'imposent pas de classement à priori des éléments déterminants. Ce sont elles qui révèlent des corrélations nouvelles, des nouveaux rapports de cause à effet ou des principes discriminants. Ce classement s'est fait à postériori pendant la phase de traitement. Notre enquête, par la place donnée aux questions ouvertes, fait appel à de l'information biographique (BOURDIEU-1993), sans être assortie d'une charge idéologique. Il nous semble que, d'une manière générale, notre approche qualitative est particulièrement pertinente lorsqu'on veut analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques, aux évènements dont ils sont les témoins actifs, à leur système de valeurs et aux repères normatifs à partir desquels ils fonctionnent (GRAWITZ-1994), même s'ils ne les pensent ni ne les traduisent comme tels. N'est-ce pas là la vocation des sciences humaines et sociales ? Notre enquête, par le nombre d'habitants interrogés, près de 1 700 sur les deux villes, peut être considérée comme scientifiquement fondée. L'analyse des fichiers HLM, et le complément exhaustif qu'elle apporte au profil social de la population, doivent être interprétés comme une garantie supplémentaire de rigueur scientifique.

Au Mans, l'enquête comporte quatre orientations qui découlent des quatre grandes parties du questionnaire: la première cerne les caractéristiques du ménage par série d'indicateurs socio-démographiques, la deuxième fait le bilan des caractéristiques du logement et de son occupation, la troisième regroupe des données liées au parcours résidentiel des individus, la dernière sonde l'opinion des habitants à l'égard de leur environnement et de leur cadre de vie113. Dans le texte, les différentes têtes de chapitre sont inspirées de ces quatre familles de questions. Nous nous sommes en effet attachés à présenter les différents indicateurs dans l'ordre du questionnaire, aussi fidèlement que possible car la structure du questionnaire favorise une connaissance thématique des populations interrogées. La collecte d'informations s'est faite de manière aléatoire, en porte à porte, et chaque entretien a duré en moyenne une demi-heure à trois quarts d'heure, mais quelquefois davantage. Après passation des enquêtes, l'ensemble des questionnaires a été traité sous logiciel SAS114. Les habitants ont été interrogés dans quatre quartiers différents: 266 enquêtes, soit 26,1% du total dans le quartier de Ronceray-Glonnières, 228 enquêtes, soit 22,4% à Bellevue, 201 enquêtes, soit 19,7% dans le grand ensemble Chaoué/LesPérrières à Allonnes et 324 enquêtes, soit 31,8% aux Sablons.

113 Cf: questionnaire-type en annexe.

114 Opérations impossibles sans le précieux concours et l'aide généreuse de Maurice Hérin (Université du Maine).

VOLUME DES ENQUETES REALISEES AU MANS: Nombre d'enquêtes en % Ronceray-G 266 26,1% Bellevue 228 22,4 Allonnes 201 19,7 Les Sablons 324 31,8 Total Le Mans: 1 019 100

A Angers, le questionnaire était le même qu'au Mans. La collecte des informations s'est également faite en porte à porte; chaque entretien a duré un peu moins d'une heure en général. Après passation des enquêtes, les questionnaires ont été traités sous le logiciel informatique de traitement d'enquête du nom de Sphinx115, beaucoup plus convivial et accessible que le gros système SAS. Comme au Mans, on a souhaité une grande souplesse dans le déroulement d'ensemble. On doit souligner la très grande qualité des entretiens et des réponses apportées par les personnes interrogées, qui se sont pliées de très bon gré aux impératifs de l'enquête: 149 ont été collectées à Belle Beille soit 22,4% de l'ensemble des enquêtes, 157 à Monplaisir soit 23,6%, 228 à La Roseraie soit 34,2%, 56 dans le quartier des

Plaines à Trélazé soit 8,4% et 76 à Verneau soit 11,4% des questionnaires recueillis.

VOLUME DES ENQUETES REALISEES A ANGERS: Nombre d'enquêtes en % Belle-B 149 22,4% Monplaisir 157 23,6 La Roseraie 228 34,2 Trélazé 56 8,4 Verneau 76 11,4 Total Angers: 666 100

Notre objectif est maintenant de confronter les enseignements tirés de nos enquêtes et ceux que fournit l'analyse des données des OHLM quant aux profils sociaux dans les grands ensembles. En effet, on a souhaité compléter le propos par une analyse statistique exhaustive de la composition sociale des grands ensembles. Les OHLM grâce à des enquêtes régulières (notamment surloyer) possèdent une connaissance exacte de l'ensemble des populations qu'ils

logent. L'observation des données et la classification des quartiers qui en découle permettent donc de confronter les types issus de notre enquête à ceux des données des HLM, concernant les variables quantitatives.

CHAPITRE 1