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Quelques éléments d'histoire selon Dunkling

2. Terminologie

2.2. Quelques éléments d'histoire selon Dunkling

Dans l'un de ses ouvrages consacré aux termes d'adresse15, Dunkling, d'origine anglaise, livre ses réflexions sur la question de ces termes si particuliers. Son livre, dont l'intérêt pédagogique est évident, est destiné à permettre aux apprenants d'en comprendre toutes les subtilités. Sa classification des termes d'adresse en neuf catégories abonde dans ce sens (cf. 3.2.). Ce dictionnaire se veut être accessible à différentes catégories de personnes. Pour l'auteur, seule compte la langue et toute sa complexité, et en aucun cas l'avis d'une personne sur les divers aspects de son emploi. Dunkling (1990 : 18-20) consacre une partie de son livre aux diverses façons de s'adresser à autrui au cours des siècles passés. On apprend ainsi qu'autrefois, un locuteur pouvait indiquer s'il s'adressait à une ou à plusieurs personnes grâce à l'emploi d'un pronom personnel approprié : « thou » pour une personne, « yit » pour

14. Diplômé en anglais et en linguistique, Dunkling s'est pris de passion pour l'onomastique à laquelle il consacra plusieurs de ses ouvrages. Co-fondateur de la « Names Society » dont il fut le président pendant de nombreuses années, il s'intéresse également à la toponymie, thème central de plusieurs de ses publications. Les premières publications de Dunkling sur l’onomastique remontent aux début des années soixante-dix – vingt-quatre titres entre 1972 et 2004. L’élargissement de ce champ d’intérêt aux termes d’adresse semble alors inévitable. En 1969, Dunkling soutient une thèse intitulée : « A Preliminary Survey of English Vocatives » dans laquelle il examine chaque terme d'adresse dans cinquante romans, soit au total 17.240 termes d'adresse. Depuis cette date, l'auteur n'a cessé de collecter des exemples de termes d'adresse, tout en produisant pour la BBC des émissions de radio et de télévision visant à apprendre l'anglais. Il a lu pendant cette période au moins quatre-cent cinquante romans, soit environ vingt-quatre millions de mots, utilisés comme corpus dans cet ouvrage. A Dictionary of Epithets and Terms of Address, publié en 1990, fait partie de ces études portant sur les noms propres (incluant prénoms, noms de maisons, de pubs de commerces, etc.). L'écriture de cet ouvrage a été motivé par l'envie d'aider les personnes apprenant l'anglais. En effet, grammaires et dictionnaires ne font que passer en revue les termes d'adresse.

deux personnes et « ye » pour plus de deux personnes. L'emploi de la forme « yit » diminua progressivement entre le XIème et le XIVème siècles, à savoir lorsque le moyen anglais était en usage. L'utilisation de la forme « you » se fit de plus en plus courante jusqu'à devenir le seul pronom de deuxième personne à partir du XIVème siècle. C'est à peu près à cette période, avec le développement progressif d'une société anglaise plus civilisée et d'une hiérarchie sociale, qu'il devint nécessaire pour les anglophones d'exprimer leur déférence pour leur(s) allocutaire(s).

Avant eux, les Romains avaient trouvé la solution en ayant recours à la forme plurielle de « you » pour s'adresser à une seule personne. Une telle pratique, d'abord destinée aux empereurs romains, trouvait sa justification dans le fait qu'un empereur était à la fois un être humain et un dieu, une pluralité comprise dans une seule entité. Par la suite, l'emploi de la forme plurielle « you » en latin pour désigner une seule personne impliquait qu'il s'agissait d'un empereur ou d'une personne très respectée. Avec le temps, son emploi se généralisa pour finir par désigner toute personne, quel que soit son statut.

Dunkling explique ensuite que les anglophones commencèrent à imiter les Romains, suivis par les francophones et les hispanophones. La forme plurielle de « you » fut sans doute utilisée en premier lieu pour désigner une seule personne ayant un statut social élevé, puis elle s'appliqua à tout le monde, sans distinction de rang social. « You » était alors une forme polie, et « thou » pouvait être considéré comme indiquant un manque de respect, impliquant une certaine forme de condescendance ou de mépris.

Dans les pièces de Shakespeare, « thou » continue à être utilisé en même temps que « you » d'une façon défiant toute explication. L'emploi de « thou » diminua rapidement. À la fin du XVIIème siècle, « thou » avait disparu de la langue anglaise. De nos jours, dans le milieu ouvrier du nord-est de l'Angleterre, « thou » et ses formes fléchies sont toujours employés dans certains dialectes.

Néanmoins, d'après Dunkling, il semble plus prudent de dire que la disparition de « thou » s'est faite en anglais standard car cette forme n'était pas indispensable, ce qui reviendrait à dire que :

(1) les anglophones n'ont plus besoin de spécifier le nombre en adresse directe ;

(2) ils n'ont plus besoin de marquer la déférence (« you », désormais le seul pronom employé, pour désigner tout le monde, ne confère aucun statut particulier à l'allocutaire) ;

(3) il ne leur est plus utile d'exprimer un sentiment de condescendance à l'allocutaire, comme ils le faisaient avec l'emploi de « thou » ; (4) ils n'ont plus besoin de montrer un quelconque sentiment d'intimité

à l'allocutaire, comme l'emploi de « thou » leur permettait de le faire. Mais en réalité, pour Dunkling, tous ces besoins sont encore bien présents. Les fonctions qui viennent d'être mentionnées ne relèvent plus des pronoms personnels mais, désormais, des termes d'adresse. En d'autres termes, les fonctions attribuées aux formes pronominales d'adresse ont été transférées aux autres formes d'adresse, et notamment aux formes nominales.

Concernant la spécification du nombre en adresse directe, l'anglais, certes, n'a recours qu'à un seul pronom de deuxième personne « you », utilisé indifféremment pour désigner un ou plusieurs allocutaires, mais l'emploi de certaines autres formes peuvent permettre de remédier à cette difficulté. C'est ainsi que, pour s'adresser à un ensemble d'individus, on peut dire : « all of you » (« vous tous »), « you two » (« vous deux »), « both of you » (« vous deux »), « the five of you » (« vous cinq »), etc. Ces expressions restent néanmoins toutes pronominales. Comment spécifier le nombre, en adresse directe, sans avoir recours à une forme pronominale ? Le pronom « you » étant le seul pronom de deuxième personne utilisé en anglais standard, il ne peut exprimer la déférence. Le recours à d'autres expressions semble donc inévitable. On dira alors : « Madam Chairman » (« Madame la Présidente »), « Mister Mayor » (« Monsieur le Maire »), etc. Pour exprimer la condescendance, un locuteur peut employer : « my dear » (« mon petit », terme affectueux mais aussi condescendant selon le contexte). Enfin, pour marquer une certaine relation d'intimité avec une personne, on peut tout simplement avoir recours à des termes affectueux, du type « my darling » (« mon/ma chéri(e) »), « sweetheart » (« chéri(e) »), « angel » (« mon ange »), « my love » (« mon amour »), etc.

Il semblerait donc que les diverses fonctions énoncées par Dunkling ne soient plus explicites dans le recours aux formes pronominales au bénéfice des formes nominales, exception faite de la spécification du nombre. Comment faire pour évoquer le nombre sans faire appel à une forme numérale (un adjectif cardinal) ?