• Aucun résultat trouvé

Austin ou le fondateur de la théorie

4. Pragmatique

4.2. La théorie des actes de langage

4.2.1. Austin ou le fondateur de la théorie

La théorie des actes de langage est sans aucun doute l'un des piliers de la pragmatique. Elle repose sur l'idée que la fonction du langage ne se résume pas à la seule description du monde ; elle consiste également à accomplir des actions. Elle a été créée par le philosophe britannique J. L. Austin qui en fait toute la démonstration dans son ouvrage How To Do Things With Words, reprenant l'ensemble de ses conférences sur le sujet. Ce livre, traduit en français par « Quand dire c'est faire », pourrait être traduit littéralement par « Comment faire des choses avec des mots ». Il

28. Traduction personnelle. Texte original :

“Consider what effects that might conceivably have practical bearings you conceive the object of your conception to have. Then your conception of those effects is the Whole of your conception of the object.”

constituerait alors une sorte d'allusion aux ouvrages ayant pour but de donner des conseils pratiques sur divers sujets29. Cette théorie s'oppose à l'idée que le langage serait seulement descriptif, qu'il viserait uniquement à décrire la réalité, à nommer les objets du monde, et que les énoncés déclaratifs seraient vrais ou faux. Pour Austin, le langage a également pour but d'agir sur la réalité. Les énoncés ne sont pas vrais ou faux mais réussis ou non : ils ne sont donc plus envisagés sous l'angle de leur véracité mais sous celui de leur réussite. Le philosophe distingue les énoncés constatifs (vrais ou faux) décrivant le monde et les énoncés performatifs (réussis ou non) accomplissant une action. Un énoncé performatif ne peut être réussi que s'il s'adresse à quelqu'un et s'il est compris par l'allocutaire.

Austin arrive à la conclusion qu'il est difficile d'opposer strictement ces deux types d'énoncés. En effet, un énoncé peut être implicitement performatif. C'est le cas par exemple de : je viendrai demain. Un énoncé constatif est la plupart du temps un acte de langage implicite : l'assertion (je dis la vérité quand je dis que le soleil brille).

La théorie des actes du langage considère que le langage a pour fonction de réaliser des actions, et d'agir sur le monde en agissant sur l'allocutaire. Pour Austin (1975 : 109), l'acte de langage est l'unité fondamentale de la communication et il distingue trois types d'actes :

1) l'acte locutoire ( « act of saying something », acte de dire quelque chose) : renvoie à une production d'une suite de sons ayant un sens dans une langue donnée ; il s'agit donc simplement de l'acte de dire quelque chose à l'aide d'une phrase ou d'un énoncé ;

2) l'acte illocutoire (acte effectué en disant quelque chose) : est la production d'un énoncé possédant un contenu propositionnel et une certaine force. La force envisagée ici correspond à l'intention qu'a le locuteur d'accomplir un acte illocutoire : par exemple, une force d'interdiction correspond à une intention d'interdire, une force de conseil correspond à une intention de

29 Par exemple, Comment se faire des amis (Dale Carnegie) ; Comment gagner vite aux échecs (Simon Williams) ; Comment ne plus avoir peur en avion (Marie-Claude Dentan) ; Comment devenir une rock star (Anne Percin) ; Comment jouer (et gagner) au poker (Simon Young) ; etc.

conseiller, etc. Le contenu propositionnel renvoie au sens de l'énoncé. Il semble important de noter que tout acte illocutoire se construit toujours à partir d'un acte locutoire. De plus, un acte illocutoire peut permettre l'accomplissement d'actes locutoires différents selon le contexte et et les conditions de la communication, même si l'énoncé en question possède la même référence et la même signification. Par exemple, il est possible de dire « Elle travaille » pour donner une information ou un conseil (elle ne doit pas être dérangée), formuler une interdiction (tu ne peux pas lui parler), etc. ; 3) l'acte perlocutoire (acte tenant dans ses conséquences) : s'attache davantage

aux conséquences de la production de l'acte sur autrui. Pour Austin, si le simple fait de dire quelque chose peut permettre de persuader, de convaincre, etc., alors la perlocution doit être intentionnelle et conventionnelle. Searle différenciera plus tard les intentions préalables et les intentions en action. Le problème posé par les actes perlocutoires n'est pas sans importance. Tout acte perlocutoire n'est pas obligatoirement conventionnel. En effet, comme le remarque très justement Searle, l'énonciation de nombreuses expressions n'a pas pour objectif une réaction de la part de l'allocutaire. En attestent des formules du type « Bonjour » ou « Au revoir » qui ne visent que l'identification de l'énoncé.

Austin (1975, conférence 12) a proposé une classification des verbes illocutoires en fonction des actes qu'ils sont susceptibles de provoquer :

1) les verdictifs : verbes possédant une action juridique (acquitter, condamner, décréter, évaluer, prononcer, etc.) ;

2) les exercitifs : verbes vecteurs de décisions sur des façons d'agir (commander, conseiller, dégrader, ordonner, léguer, pardonner, etc.) ;

3) les promissifs : verbes qui engagent le locuteur à agir d'une certaine façon (convenir de, faire vœu de, garantir, promettre, etc.) ;

4) les comportatifs : verbes qui infèrent des comportements à adopter (approuver, blâmer, déplorer, féliciter, remercier, etc.) ;

5) les expositifs : verbes qui indiquent une façon de dire les choses (citer, formuler, mentionner, nier, postuler, etc.) ;

6) les représentatifs permettent au locuteur de s'engager sur le caractère authentique de ce qu'il exprime ;

7) les directifs visent à faire faire quelque chose à l'interlocuteur ;

8) les promissifs représentent l'engagement du locuteur à faire quelque chose ; 9) les expressifs informent sur l'état psychologique du locuteur ;

10) les déclaratifs correspondent aux verbes performatifs d'Austin.

Ces verbes n'ont qu'une valeur indicative. En effet, dans bien des cas, ils ne sont pas indispensables pour conférer une valeur illocutoire à un énoncé. Par exemple, je peux très bien promettre quelque chose sans avoir recours à un verbe promissif. Soit l'énoncé suivant : Je viendrai demain. La promesse peut, ici, être sous-entendue (Je promets de venir demain) et donc, ne pas être explicite. Certaines catégories d'actes de langage, comme les exclamations ou les interrogations, n'ont pas besoin d'un verbe pour être évidents : la ponctuation à l'écrit, et l'intonation à l'oral, peuvent permettre de les identifier. À l'analyse austinienne des actes illocutoires va succéder celle de Searle.