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2. Terminologie

2.1. Un flou terminologique

2.1.2. L'appellatif

Le mot « appellatif » est plus employé que le « désignatif » et il est plus aisé d'en trouver la définition dans les dictionnaires. Pour Furetière5, dans son dictionnaire datant de la fin du XVIIème siècle, le terme en question est, en grammaire, « un nom qu’on donne à une espèce, et qui est opposé à nom propre, qu’on donne à chaque individu ». Ainsi, « ange » et « homme » sont des noms appellatifs, alors que « Pierre » est un nom propre. Dans le Trésor de la Langue Française

Informatisé, le terme est défini comme « employé quelquefois par la grammaire

traditionnelle pour désigner le nom commun par opposition au nom propre, d'après une dénomination (…) que les grammairiens latins avaient traduit du grec ». Pour Le

Petit Robert 2014 (2013 : 119), un appellatif, terme apparu pour la première fois au

XIVème siècle (de appelare, « appeler »), est, en didactique, « un nom commun (opposé à nom propre) » et, dans la langue moderne, « tout mot permettant d'appeler qqn à qui l'on s'adresse (ex. Monsieur, maman, ma jolie) ». Si les définitions de Furetière et du

Trésor de la Langue Française Informatisé se rejoignent, puisque toutes deux opposent

l'appellatif, un nom commun, au nom propre, celle du Petit Robert 2014 diffère, dans le sens où, même si elle mentionne cette opposition, elle donne une tout autre définition du terme « appellatif » dans la langue moderne.

5. Antoine Furetière (1619-1688) est un homme d'Église, poète, romancier, fabuliste et lexicographe français. Il est notamment l'auteur du Dictionnaire universel (1690).

La recherche du mot « appellative » dans des dictionnaires anglais disponibles gratuitement sur Internet donne les résultats suivants. Pour les Oxford Dictionaries, ce terme peut être soit un adjectif soit un nom. Dans le second cas, il s'agit d'un nom commun, comme « doctor » (« docteur »), « mother » (« mère ») ou « sir » (« monsieur », employé comme vocatif. Le terme serait apparu dans la langue anglaise à la fin du XVème ou au début du XVIème siècle, et serait issu du latin appellativus, d'appellat (« addressed », « adressé »), du verbe appellare. On trouve, dans le Merriam Webster, qu' « appellative » est un adjectif renvoyant au nom commun ou au fait de nommer. Dans le Collins Dictionary, le terme est un adjectif renvoyant à un nom ou un titre, ou à un nom propre employé comme nom commun. En tant que nom, le même mot est un nom identifiant (une appellation), ou, en grammaire, un autre terme pour nom commun.

Ainsi, mise à part celle du Petit Robert 2014, toutes les définitions voient dans l'appellatif un nom commun, par opposition au nom propre. À l'exception du dictionnaire de Furetière assez ancien, les autres dictionnaires consultés ne recensent pas tous le terme en tant que nom commun, mais il apparaît dans tous les cas en tant qu'adjectif.

Selon Vanier6 (1836 : 51), le terme « appellatif », qui vient du latin appellare, appeler, est un adjectif que l'on associe au nom (« nom appellatif »), et qui est :

[…] un nom de genre, autrement dit, un nom commun, comme homme, cheval, chien,

chat, maison, etc. Il s'oppose à nom propre ou individuel qui désigne tel être vu en

lui-même, abstraction faite de tous les autres de son espèce. Les grammairiens ont voulu, par appellatif, désigner le mot qui rappèle sous la même dénomination l'idée de toute une classe d'êtres qui porte le même nom. Le nom est dit appellatif ou commun quand on s'en sert pour désigner le genre ou l'espèce.

Par exemple, dans : le cheval est utile à l'homme, les mots « cheval » et « homme » sont des appellatifs, car ils désignent l'espèce dans les deux cas. En revanche, dans :

un homme, des chevaux, cet homme, etc., ces termes ne sont plus appellatifs, car ils ne

6. Victor-Augustin Vanier (1769-1845) est un grammairien enseignant et un membre très actif de la Société Grammaticale de Paris, ayant publié de nombreux sur la grammaire française et sur le système éducatif. Parmi ses œuvres, on trouve : Grammaire pratique (1822), La clé des participes ou le

désignent plus une classe d'individus, mais un ou plusieurs individus pris dans une classe en particulier. Cette distinction n'est pas sans rappeler celle opérée par Guillaume dans son étude de l'article dans le système français7, où il divise le système de l'article en deux tensions : l'une particularisante, orientée de l'universel au singulier numérique (c'est le cinétisme8 anti-extensif de l'article un) ; l'autre généralisante, orientée du singulier numérique à l'universel (c'est le cinétisme extensif de l'article le). Il voit dans l'article un un signe vecteur de particularisation, l'esprit se portant de l'universel au particulier. Au contraire, l'article le est un signe vecteur de généralisation, l'esprit se portant du singulier à l'universel. Pour Vanier, le fait qu'un nom soit considéré comme appellatif ou non paraît dépendre du terme le précédant. Cela n'a donc aucun lien avec le nom commun en lui-même. Vanier semble donc avoir commis une erreur dans son interprétation des choses. Dubois et al. (1994 : 45) définissent les appellatifs comme :

[…] des termes de la langue utilisés dans la communication directe pour interpeller l'interlocuteur auquel on s'adresse en le dénommant ou en indiquant les relations sociales que le locuteur institue avec lui : Madame, êtes-vous prête ? Camarades, tous à la

manifestation ! Paul, viens ici. Les appellatifs sont des noms propres, des termes de

parenté ou des noms spécifiques (papa, maman, Sire, Monsieur, etc.). On trouve des termes dans l'énoncé indirect avec une syntaxe particulière : J'ai rencontré hier madame

Dupont.

Ici, l'appellatif peut être un nom commun (camarades, papa, Monsieur) mais aussi un nom propre (Paul). On le retrouve dans la communication directe (interpellation) ou indirecte (discours rapporté). Les auteurs ne parlent que des noms propres, des noms de parenté et des noms dits « spécifiques » (qui sont en fait des titres) et ils ne mentionnent pas les autres termes pouvant interpeller l'interlocuteur comme le pronom « toi » par exemple. Et puis, comme nous le verrons par la suite, il existe d'autres façons de s'adresser à autrui (on peut par exemple avoir recours à un terme affectueux ou à une insulte). Perret (1970 : 112) débute son article consacré aux appellatifs en donnant une définition assez longue de ces termes :

7. Cf. l'article de Stefanini, Approche du guillaumisme, 1967, p. 77-78.

8. Pour une définition du cinétisme et de la cinèse, voir le Dictionnaire terminologique de la systématique

Les appellatifs se définissent à la fois par une fonction et par une forme. Lorsqu'un terme du lexique est employé dans le discours pour mentionner une personne, in devient un appellatif. Toutefois n'importe quel terme ne se rencontre pas indifféremment dans cette fonction. Il existe des appellatifs usuels ; ce sont les pronoms personnels ; les noms propres ; certains noms communs : les titres (« monsieur », « mon général »), certains termes de relation (« camarade »), les termes de parenté, les termes qui désignent un être humain (« fillette »). D'autres termes, employés métaphoriquement pour désigner un être humain, constituent également des appellatifs usuels (« ma poule ») ; de même, certains adjectifs sont employés dans la même fonction (« mon vieux »). Toute désignation métaphorique d'un être humain n'en devient pas pour autant un appellatif usuel (ni « mon chiendent », ni « mon aboulique »). Les appellatifs sont utilisés comme la première, deuxième et troisième personne du verbe, pour désigner la personne qui parle : le locuteur ; celle à qui on parle : l'allocutaire ; et celle dont on parle : le délocuteur. Nous les appellerons dans ces cas respectivement locutifs, allocutifs (ou vocatifs), délocutifs.

Plus tard (Ibid., p. 115), l'auteur donne trois fonctions des appellatifs. Ils sont déictiques (ils permettent l'identification d'un référent), prédicatifs (le sens de l'appellatif permet d'effectuer une certaine prédication explicite) et ils rendent compte des relations sociales (il y a donc une seconde prédication, implicite cette fois-ci, établissant la relation sociale avec la personne désignée). Lehmann (2010) revient sur le flou terminologique entourant les termes d'adresse et explique que dans la littérature linguistique dans années 70 et 80, le terme « vocatif », faisant référence aux langues casuelles, tend à être remplacé par le terme « appellatif ». Elle n'en dit pas vraiment davantage.

Le terme « appellatif », bien que plus employé que le terme « désignatif », est un terme assez rare dans l'étude de ce que nous avons choisi d'appeler les termes d'adresse (ce choix sera expliqué plus tard, cf. 2.1.5.). Peut-être en raison de son opposition presque systématique au nom propre, alors qu'un terme d'adresse peut être un nom propre.

Le terme « appellatif » est souvent employé pour désigner l'adresse nominale (Perret 1970, Havu et Sutinen 2007). Mais ce terme, issu du verbe « appeler », peut aussi bien être utilisé pour nommer (emploi délocutif) que pour interpeller (emploi allocutif). C'est pourquoi, comme seuls les termes en adresse directe sont étudiés dans ce travail, cette dénomination n'a pas été retenue.