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Quelle stratégie adopter en présence de bruiteurs ?

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Section 2. Un modèle de comportement avec bruit

VI. Quelle stratégie adopter en présence de bruiteurs ?

La présence de bruiteurs dont l'action est totalement imprévisible et d'investisseurs parfaitement informés dont l'action tend à rapprocher le prix de la valeur fondamentale est créatrice d'évolutions particulières du prix. Les bruiteurs guidés par exemple par un fort optimisme génèrent un marché haussier dont ils profitent. Cependant les investisseurs rationnels agissent en pensant que le prix va à plus ou moins long terme retourner à sa valeur fondamentale. La stratégie ne consiste plus alors simplement à diversifier son portefeuille mais à agir a contrario des bruiteurs (market timing strategy). Les investisseurs informés vont acheter lorsque les prix ont fortement baissé (et inversement après une forte hausse) espérant un retournement prochain de situation. C'est typiquement la stratégie prônée dès le début du siècle par les fondamentalistes. A long terme une telle stratégie rapportera à son initiateur. Cependant les faits (notés par DSSW) ont

montré dans un passé récent qu'un tel retournement de situation pouvait se faire attendre et remettre en cause l'intérêt d'une telle stratégie pour les investisseurs informés. L'exemple du dollar dans le milieu des années quatre-vingt est le plus marquant. Le problème est que si le prix d'un actif semble surévalué aujourd'hui, rien ne prouve qu'il ne sera pas encore plus cher dans quelque temps. Si les investisseurs rationnels ont un horizon relativement limité, ils n'oseront pas prendre le risque d'agir à l'inverse des bruiteurs. Ils seront en revanche efficaces si leur horizon tend à l'infini, où le retour à la valeur fondamentale est obligé. Il semble que sur les marchés aujourd'hui l'horizon de la grande majorité des investisseurs soit limité à quelques mois, voire une ou deux années pour les plus rationnels d'entre eux.

Une autre manière de tenir compte des bruiteurs dans l'élaboration d'une stratégie est d'utiliser les mêmes sources d'information qu'eux (chartisme, études des volumes d'échange...) ou de les utiliser pour discerner leur caractère moutonnier. SHLEIFER et VISHNY (1990) montrent qu'une telle attitude sera plus bénéfique que d'attendre le retour à la valeur fondamentale. Cependant, à l'inverse de DSSW, nous pensons que si les investisseurs informés utilisent le bruit créé par les bruiteurs pour éliminer cette distorsion, ils risquent au contraire de contribuer à la renforcer. Car même si leur stratégie est d'éviter de suivre aveuglément les bruiteurs, ils font cela en étudiant le bruit comme information. Certes ils sont conscients que ce n'est que du bruit et non de l'information, mais ils l'utilisent dans l'élaboration de leur stratégie. Il semble donc qu'une attitude rationnelle à long terme serait de profiter du retour inévitable du prix vers la valeur fondamentale, mais que l'horizon limité de nombreux investisseurs empêche que cette stratégie soit appliquée.

Le modèle de DSSW est un des exemples les plus complets de ce que l'introduction des bruiteurs dans la modélisation des prix des actifs financiers permet. Dans ce modèle la présence des bruiteurs explique notamment la forte volatilité constatée plusieurs fois empiriquement. L'introduction d'une mauvaise utilisation de l'information va amener le prix à s'écarter durablement de sa valeur fondamentale ce qui contredit la vision du marché efficient selon les quantitativistes et les fondamentalistes. Le modèle de DSSW intègre dans le processus de

génération du prix de l'actif risqué des variables telles que la proportion de bruiteurs parmi les acteurs du marché, la nature de leur croyance en général (et à une époque t particulière) ainsi que la volatilité induite par leur présence. Il permet également de mesurer sous quelles conditions les bruiteurs réaliseront des bénéfices substantiels leur évitant d'être éliminés du marché. Cela est expliqué par plusieurs propriétés comme la création de leur propre espace de risque ou le fait de posséder plus d'actifs risqués. En contrepartie leur action est limitée par l'effet Friedman et l'effet pression des prix qui minore leur performance. Ces quatre particularités de l'action des bruiteurs apparaissent clairement dans le modèle.

Cependant le modèle de DSSW ne permet aucune explication quant à la nature de l'autocorrélation présente dans le résidu et sa provenance (bruiteurs ou investisseurs irrationnels) ce qui est une gêne importante dans le cas d'une étude empirique sur les marchés boursiers. De plus, il ne permet pas une analyse de la volatilité et de son évolution dans le temps.

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté une avancée importante dans l'étude et la modélisation des comportements des agents financiers. Avant l'article de BLACK (1986) seul le comportement de l'investisseur rationnel diversifiant son portefeuille pour l'adapter au risque était conceptualisé. En face de cela il n'existait que le comportement “non rationnel” dont les contours n'étaient pas clairement définis. Le test de l'efficience des marchés amenait les financiers à s'interroger uniquement sur l'existence ou non de ce marché idéal. Le spéculateur a été introduit dans les travaux financiers afin d'expliquer la forte volatilité des marchés par l'horizon limité des spéculateurs notamment et pour être plus réaliste dans la description des marchés. Rien n'est réellement spécifié quant à la manière dont ces investisseurs collectent et utilisent l'information. SUMMERS (1986), par exemple, définit les spéculateurs comme des individus ne se souciant pas des réalités économiques. Le spéculateur est donc une personne qui privilégie l'action à très

court terme. La question majeure est alors de chercher à savoir si cela est nuisible au marché. ANG et SCHWARZ (1985) répondent par la négative. La spéculation permet une convergence plus rapide vers le prix d'équilibre et une meilleure allocation des ressources. Une fois encore, un bon fonctionnement du marché est obtenu, et ce malgré la forte volatilité induite par les spéculateurs. Il semble donc que des anomalies soient régulièrement constatées sur les marchés boursiers et que les spéculateurs n'en soient finalement pas les auteurs.

La notion de bruiteurs, introduite par BLACK (1986), permet de formaliser un comportement rationnel mais caractérisant des agents mal informés et d'étudier son impact sur les prix des actifs financiers. Le bruiteur, comme le spéculateur, agit à court terme et sans intégrer toutes les informations dans sa stratégie. Mais à la différence de ce dernier, il le fait par méconnaissance des lois réelles du marché et en croyant utiliser de l'information alors que ce n'est que du bruit. Le bruit peut être défini comme l'ensemble des fausses informations qui apparaissent à divers moments. Ce peut être la lecture trop rapide d'un ouvrage de vulgarisation, la conviction personnelle, le “tuyau” d'un ami, une étude économétrique, économique ou chartiste mal réalisée et sur laquelle le bruiteur fonde trop de certitudes. Ce sera aussi et surtout le comportement des autres agents qui semblent posséder une bonne information. Cette recherche de l'information par l'étude du comportement des autres conduit à un comportement dit moutonnier. Si plusieurs bruiteurs croient posséder une information permettant, à leurs yeux, de battre le marché, ils agiront rapidement et surtout seront suivis ou accompagnés par d'autres bruiteurs. Donc en plus d'agir sur du bruit, ils créent eux mêmes du bruit sous la forme d'une forte volatilité jusqu'alors imputée aux spéculateurs uniquement. Or il semble que les bruiteurs sont les responsables de cette forte volatilité observée sur les marchés.

Le modèle de DSSW montre que les bruiteurs peuvent être les principaux bénéficiaires des distorsions qu'ils créent car la risquophobie des investisseurs sophistiqués (bien informés) les empêche de réagir plus fermement. Les bruiteurs profitent donc de la forte rentabilité qu'offre un actif dont ils ont participé à augmenter le risque, donc la rentabilité. Il est maintenant possible de modéliser de tels comportements et de les intégrer dans une étude générale des mouvements

boursiers. Ceci laisse présager un intérêt croissant pour les travaux prenant en compte des investisseurs de bien différente nature.

Cependant la non nullité du cœfficient d'autocorrélation d'ordre un de l'innovation du processus résultant du modèle de DSSW ne permet pas de différencier la présence des bruiteurs de celle d'agents irrationnels. Pour cette raison il nous semble nécessaire de présenter d'autres outils économétriques qui vont permettre de mieux isoler l'effet des bruiteurs de l'effet des agents irrationnels. Dans le cadre du paradigme probabiliste, les modèles de type ARCH et la dépendance de long terme nous paraissent les mieux à même d'ouvrir une voie vers une modélisation particulière de la présence des bruiteurs sur un marché boursier. Pour cette raison, ces deux groupes de phénomènes probabilistes font l'objet du troisième chapitre de cette partie.

CHAPITRE 3 : DE NOUVELLES VOIES STATISTIQUES DE

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