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Le spéculateur

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Section 1. Une grande diversité de comportements

II. Le spéculateur

La définition du spéculateur repose moins sur la nature de l'information qu'il utilise que sur son horizon et sa stratégie d'investissement. Supposons un marché composé uniquement d'investisseurs très informés et agissant dans le long terme.

Les échanges seraient assez rares et causés simplement par un besoin d'adapter son portefeuille au risque créé par la nature informative du marché. HARRISON et KREPS (1978) définissent alors le comportement spéculatif par le fait d'être prêt à payer plus cher le droit de posséder un actif pour avoir le droit de le revendre au moment voulu. Le spéculateur agit donc à court terme dans le but de réaliser, après revente de l'actif, un profit immédiat.

Dans la définition que nous donnons du spéculateur, l'information utilisée dans l'élaboration de la stratégie n'est pas ici le critère discriminant. En effet, un spéculateur désire surtout un gain rapide. Surtout, s'il dispose de la même information que les spécialistes, il l'utilisera de manière différente car son objectif est de court terme. Il ne cherche pas à minimiser le risque encouru pour une espérance future désirée, il souhaite simplement maximiser l'espérance de rentabilité à court terme de son portefeuille. Une des stratégies traditionnellement évoquée en matière de spéculation est la stratégie des contraires. Le spéculateur agit sur le marché de manière opposée à celle de l'ensemble du marché. Il est vendeur net sur un marché haussier et inversement acheteur net sur un marché baissier.

Cette vision quelque peu caricaturale met cependant en avant le caractère de franc-tireur attribué généralement au spéculateur. Il n'agit pas en conformité avec

l'ensemble des investisseurs. L'attente du spéculateur est celle d'un rendement élevé à court terme.

A priori un tel investisseur déstabilise le marché par ses opérations à court terme dans lesquelles le lien économie-marché financier importe peu. Il est rationnel au sens de la maximisation de son espérance d'utilité mais avec une approche du marché différente de celle des investisseurs informés et risquophobes agissant à long terme par diversification du portefeuille.

SUMMERS (1986) explique que la différence entre le prix d'un actif et sa valeur fondamentale peut être durable sans que cette inefficience soit discernable par l'usage de tests économétriques classiques (autocorrélations...). Il impute cet écart à la présence de spéculateurs sur le marché qui agissent sans attendre obligatoirement que le prix se rapproche de la valeur qu'ils savent déterminer. La présence de spéculateurs sur un marché pourrait expliquer l'apparition de bulles spéculatives qui proviennent d'un écart durable entre prix et valeur d'un actif. Sur la base de cet article FAMA et FRENCH (1988b) établissent la notion de “mean reversion”. Il serait alors possible de repérer la présence de spéculateurs par les autocorrélations des taux de rentabilité de long terme. Cependant, cette manière de démasquer la présence de spéculateurs sur un marché est très incertaine du fait de la difficulté d'estimer la valeur intrinsèque d'un actif et plus encore lorsqu'il s'agit d'un groupe d'actifs (portefeuilles, indices boursiers).

Un autre effet supposé de la présence de spéculateurs sur un marché financier est l'augmentation de la volatilité, donc du risque encouru par tous les investisseurs. SHILLER (1981) notamment constate que la volatilité présente sur les marchés financiers est trop forte pour provenir uniquement de l'arrivée de nouvelles informations affectant les dividendes futurs (par le biais de la valeur de la firme et de l'environnement économique). Pour cela, SHILLER utilise le test de martingale par la variance bornée. Il vérifie la trop forte volatilité qu'il impute aux spéculateurs. Cependant les problèmes liés à l'emploi du test de la variance bornée limitent les conclusions portées à l'encontre des spéculateurs.

Mais la trop importante volatilité des marchés peut être imputée à d'autres agents que les spéculateurs. LEROY et LACIVITA (1981) imputent cette volatilité

aux agents risquophobes qui demandent un supplément important de rentabilité pour compenser le risque qu'ils prennent. Dans leurs simulations GROSSMAN et SHILLER (1981) confortent cette idée. D'après leur modèle il faudrait une très forte aversion au risque des investisseurs pour expliquer la volatilité constatée sur les marchés financiers de 1889 à 1979.

D'un autre côté, certains défendent l'idée que c'est justement la présence de spéculateurs qui explique la forte volatilité des différentes places boursières mondiales. Les investisseurs neutres au risque, et agissant sans lien avec les réalités économiques, provoquent et profitent d'une évolution erratique des cours. S'ils sont très présents sur le marché, ils causent cette forte volatilité car leurs actions ne tendent en rien à rapprocher le prix de la valeur intrinsèque. De plus la recherche de profits à court terme amène un fort volume d'échange qui amplifie les mouvements du prix éventuellement autour de la valeur fondamentale. La question est donc de savoir s'il existe une différence entre un marché dominé par des spéculateurs et un marché dominé par des investisseurs risquophobes. ANG et SCHWARZ (1985) utilisent une méthode expérimentale pour y répondre considérant qu'une étude empirique des cours ne peut aider à connaître les responsables de la survolatilité constatée car elle oblige simultanément à 30:

- Estimer l'attitude des investisseurs face au risque - Vérifier le bien-fondé du modèle d'évaluation utilisé - Tester l'efficience

- Mesurer le niveau de volatilité jugé comme correcte

Pour répondre à cela, ils réalisent une expérience de laboratoire. Ils sélectionnent 70 étudiants de la Florida State University. Leur attitude face au risque se détermine sur la base de tests psychologiques31. De ce groupe initial, deux groupes sont créés en fonction du niveau d'aversion au risque dont les étudiants ont fait preuve. ANG et SCHWARZ définissent le groupe des spéculateurs comme étant composé des éléments très faiblement averses au risque, voir neutres face au risque. Les participants reçoivent de l'information sous forme de cartes qu'ils sont seuls à connaître. Il se peut que rien n'apparaisse sur aucune carte à une certaine

30 Contrairement à ANG et SCHWARZ nous pensons qu'il est possible d'intégrer cela dans une même étude en définissant un modèle complet de comportement.

31 Les tests sont le “Jackson Personality Inventory” et le “Jackson, Houyrnay and Vidmar test”.

période, mais la distribution de cartes créé chez chacun l'illusion que les autres sont peut-être plus informés. Le marché des spéculateurs apparaît effectivement plus volatil que le marché des risquophobes pour quatorze des vingt périodes que dure l'expérience : et ceci même avec la prime de risque demandée par les risquophobes.

Ces derniers sont d'ailleurs très sensibles à l'état passé du marché puisqu'ils demandent une plus forte prime de risque consécutivement à un mauvais état du marché. Leur mémoire est plus longue que celle des spéculateurs qui réagissent, en termes de prime de risque, indifféremment à l'état passé du marché. Enfin, tout cela n'est aucunement lié aux volumes traités qui sont très proches sur les deux marchés.

Si la plus grande volatilité induite par les spéculateurs paraît logique, une nouvelle question se pose alors. Cette survolatilité de nature spéculative est-elle néfaste au marché? Il ressort de l'étude de ANG et SCHWARZ que plus les investisseurs sont informés plus ils possèdent d'actions à la fin des vingt périodes. Il ressort également que sur le marché spéculatif la répartition de la richesse se fait mieux que sur l'autre marché. En effet, sur le marché spéculatif, les détenteurs d'information arrivent à posséder plus d'actions que sur le marché des risquophobes c'est à dire qu'à la fin ils sont plus riches pour une dotation initiale identique. Le marché des agents risquophobes permet donc une moins bonne allocation des ressources. Le modèle de BEJA et GOLDMAN (1980) conforte cela en montrant qu'une convergence plus rapide du prix vers la valeur d'équilibre correspond à la présence de spéculateurs sur le marché.

Il existe, depuis le début des années quatre-vingts, un courant qui accorde aux spéculateurs la possibilité d'exister sur un marché sans que cela crée des dysfonctionnements comme ceux prévus par SUMMERS (1986). Les investisseurs neutres face au risque et dont la stratégie est élaborée à court terme ne nuisent pas obligatoirement au marché même si les fondamentalistes préfèrent imaginer un marché au sein duquel les échanges ont lieu entre personnes “rationnelles” fondant leur stratégie sur le long terme et dont l'action ramène le prix de l'actif à sa valeur d'équilibre. Il faut donc tenir compte de ces comportements qui peuvent tout à fait se fondre dans un marché efficient au sens de l'allocation des ressources. La spéculation a un aspect péjoratif depuis la crise de 1929 à Wall Street. Il ne faut pourtant pas oublier qu'étymologiquement spéculer signifie “observer” et que

l'observation de toute information susceptible de présenter un quelconque intérêt est un des fondements de la représentation du comportement de l'investisseur rationnel sur un marché efficient.

Enfin, une dernière catégorie d'agents rationnels mais à information plus limitée prend une part de plus en plus importante dans la littérature financière. Il s'agit des bruiteurs qui, comme nous allons le voir, ont un comportement excluant a priori toute possibilité de marché efficient à cause de leur manque d'information et de leur incapacité à maîtriser l'information qu'ils possèdent.

Dans le document Td corrigé intro géné - TEL (thèses pdf (Page 93-97)