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Chaos déterministe et attracteurs étranges

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Section 2. Le chaos déterministe

II. Chaos déterministe et attracteurs étranges

Le chaos déterministe est fortement lié à la notion d'attracteur étrange. Nous allons montrer comment ce lien est fait à partir d'une définition issue entre autres de BERGE, POMEAU et VIDAL (1988). Trois critères fondamentaux de détermination du chaos ressortent, dont l'un nous servira à présenter ensuite les attracteurs étranges, outil ayant permis de mettre à jour le chaos déterministe à faible degré de liberté.

1. Définition du chaos.

Il n'existe pas de définition formelle unique du chaos déterministe, mais de multiples notions qui découlent du chaos sont mises en avant tour à tour. Nous

avons relevé dans l'ouvrage de GLEICK (1987, traduction 1989) l'idée que différents scientifiques voulaient privilégier dans le chaos déterministe :

“une forme d'ordre sans périodicité” (BAI-LIN).

“un comportement récurrent apparemment aléatoire dans un système déterministe (de type mécanique) élémentaire” (STEWART).

“un comportement imprévisible, irrégulier de systèmes dynamiques déterministes, non linéaires” (JENSEN)

“une dynamique à entropie métrique positive mais finie. La traduction dans le langage naturel de cette formulation mathématique est : comportement générant de l'information [...] sans être totalement prévisible” (CRUTCHFIELD).

Toutes ces définitions, plus ou moins intuitives, insistent sur l'impossibilité de prévoir, sur la création d'information, sur l'ordre latent du système. Nous avons choisi une présentation formelle du chaos déterministe issue de l'ouvrage de BERGE, POMEAU, VIDAL (1988).

Un système défini par une application F sera dit chaotique si :

(1) la fonction d'autocorrélation s'annule pour un retard très court (2) il y a Sensibilité aux Conditions Initiales (SCI)

(3) l'attracteur du système dans l'espace des phases est un attracteur étrange (ou objet fractal)

La condition (1) reprend l'hypothèse d'entropie positive du système qui, malgré son caractère déterministe, présente alors un aspect désordonné gênant la prévision. L'intérêt du chaos est justement ce caractère désordonné obtenu à partir de systèmes d'équations très simples.

La condition (2) démontre la difficulté de prévoir en présence du chaos. En effet, la SCI traduit le fait qu'en présence d'un attracteur étrange, deux trajectoires presque confondues à un temps t=0 vont diverger exponentiellement quand t augmente. Cette propriété de SCI est d'autant plus importante qu'elle a été présente dès la création de l'univers au moment du Big Bang. En effet si la densité originelle de l'univers s'était écartée de son niveau de l'ordre de 10-40, l'univers tel que nous le connaissons n'aurait jamais existé (GUITTON, 1991). La prévision s'avère alors presque impossible car elle dépend beaucoup trop de la valeur donnée à

l'observation initiale qui peut difficilement être connue à la perfection. La météorologie s'intéresse de plus en plus au chaos déterministe (surtout depuis les travaux de LORENZ en 1963 qui découvre le premier attracteur étrange en météorologie). Pour illustrer la SCI, une anecdote bien connue raconte que le bruissement des ailes d'un papillon dans la baie de Sidney peut faire se tromper les météorologues de l'ouest des États-Unis. Plus techniquement, des simulations numériques ont montré qu'une erreur à la troisième décimale dans l'évaluation de la condition initiale peut faire échouer toute tentative de prévision (BAUMOL et BENHABIB 1989 et LI et YORKE, 1975). Dans un régime apériodique, la fonction d'autocorrélation s'annule pour un retard assez court. Il y a perte de la mémoire des conditions initiales, et même perte de mémoire pour un temps donné par rapport à une période précédente peu éloignée dans le temps. Ceci semble caractériser les phénomènes aléatoires ne possédant pas d'attracteur. Il y a contraction des aires (perte de mémoire) et en conséquence un appauvrissement de l'information. Mais, à la différence d'autres processus apériodiques, le chaos déterministe - dont la fonction d'autocorrélation s'annule rapidement - conserve l'information. Cela provient de la propriété de Sensibilité aux Conditions Initiales qui conduit des trajectoires voisines à diverger de manière exponentielle ; par ailleurs, le fait que le système possède un attracteur, amène deux trajectoires voisines à converger. Ce paradoxe entre l'attraction (destructrice d'information) et la divergence (créatrice d'information) est, en effet, résolu avec l'apparition du chaos déterministe et à travers le concept d'hyperbolicité définissable uniquement dans un espace de phases de taille au moins égale à 352.

La condition (3) définit l'attracteur d'un processus chaotique comme ayant des caractéristiques topologiques particulières et contribuant pour beaucoup à l'explication du chaos. De tels attracteurs ont été introduits par RUELLE et TAKENS53. Une de leurs implications majeures est de pouvoir créer du désordre à partir d'un système déterministe à seulement trois conditions initiales indépendantes, donc une représentation simple, ce qui semblait impossible

52 En effet l'hyperbolicité est le phénomène qui amène une contraction des trajectoires dans un sens (vertical par exemple) ainsi qu'une divergence dans un autre sens (horizontal), plus le temps comme troisème dimension.

53 En réalité LORENZ (1963) avait déjà introduit cette notion, mais ses travaux sont longtemps restés ignorés.

jusqu'alors. Une autre implication est la possibilité de prendre en compte à la fois l'effet Joseph (qui correspond à la persistance d'un système) que nous avons abordé dans la première partie de ce travail mais également l'effet Noé. Ce dernier résume les fortes discontinuités qui peuvent exister dans certains systèmes, par analogie au déluge (Genèse, chapitre 7). Ce dernier symbolise la discontinuité. Un système, même déterministe, peut être soumis à de très fortes variations. MANDELBROT (1963), travaillant alors sur l'étude probabiliste des phénomènes économiques, souligne la possibilité de la présence d'un effet Noé qui expliquerait le caractère leptokurtique de nombreuses séries financières.

La théorie du chaos va, par le biais de la caractérisation des séries en termes d'attracteurs fractals, prendre en compte ces effets Joseph et Noé. C'est pour cela qu'il nous semble impossible de présenter le chaos sans accorder une part importante à l'étude des attracteurs étranges et de leur caractère fractal.

2. Les attracteurs apériodiques.

Nous avons vu les attracteurs de systèmes périodiques (point fixe, cycle limite) et quasi-périodique (Tore). Ces attracteurs, comme tout attracteur A d'une série X, possèdent les propriétés suivantes définies dans l'espace des phases :

- compacité de A dans l'espace des phases - invariance de A par action de la trajectoire - volume nul de A

- inclusion de A dans B qui est son bassin d'attraction. B est de volume non nul et attire toute trajectoire issue de A lorsque t tend vers l'infini.

L'attracteur étant de dimension nulle dans l'espace des phases, sa dimension d, doit être strictement inférieure à celle de cet espace des phases. Un flot chaotique évoluant dans un espace des phases tridimensionnel aura donc un attracteur de dimension strictement inférieure à 3. Pour qu'il y ait un processus chaotique déterministe, la trajectoire doit évoluer dans un espace de dimension strictement

supérieure à 2 afin de permettre l'hyperbolicité et donc la Sensibilité aux Conditions Initiales (BERGE, POMEAU, VIDAL, 1988). Donc :

Pour représenter un régime chaotique avec trois degrés de liberté, la dimension n de l'attracteur doit être telle que :

2 < n < 3

Il n'existe aucune forme topologique de cette dimension en métrique euclidienne. C'est pour cela que l'attracteur d'un régime chaotique doit être un objet fractal. RUELLE et TAKENS ont défini un tel attracteur comme étant un attracteur étrange. La découverte de cette notion amène une quasi révolution méthodologique car elle va de pair avec celles de fractal et d'objet à dimension non entière, définies en 1975, par MANDELBROT.

Dans la section suivante de ce chapitre nous développons la notion d'objet fractal et les différentes manières de mesurer la dimension d'un tel objet. Ceci nous permettra alors de caractériser l'attracteur d'une série et de discerner parmi les systèmes à entropie positive, ceux qui possèdent un attracteur à dimension non entière et qui sont donc des systèmes chaotiques déterministes.

Dans le document Td corrigé intro géné - TEL (thèses pdf (Page 176-180)