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Que lisent et qu’écrivent les étudiants ?

développementale transversale

Chapitre 5. L’analyse des questionnaires

5.3. La lecture-écriture à l’université

5.3.1. Que lisent et qu’écrivent les étudiants ?

Pour pouvoir décrire le rapport à l’écrit universitaire des étudiants, il est nécessaire de s’interroger sur la nature des textes qu’ils lisent et écrivent. A la différence de l’écrit général, les lectures effectuées dans le contexte universitaire ne sont pas forcément volontaires.

173 Les questions, qui visent cet objectif précis, ont fait l’objet d’une double analyse : tout d’abord il a été question d’une analyse globale, où les réponses ont été analysées d’une manière générale, sans prise en considération du niveau d’étude des étudiants. Ensuite, nous les avons traitées dans une approche comparative suivant les trois niveaux d’étude auxquels appartiennent les enquêtés en vue de repérer de quelconques changements dans les types de textes lus et rédigés. Dit autrement, nous avons tenté de vérifier l’impact du niveau d’étude sur l’activité de lecture-écriture des étudiants. Cependant, nous n’exposerons ici que les résultats où les différences sont quantitativement significatives.

D’une manière générale, les réponses aux questions font état d’une diversité des genres lus par les étudiants (graphique 15). Ces genres appartiennent à des catégories discursives différentes plus ou moins proches des écrits de recherche. Nous pouvons distinguer des discours didactiques (polycopiés de cours), des discours scientifiques (articles scientifiques), des discours de vulgarisation scientifiques (articles de Wikipédia) et des discours littéraires (romans, recueils poétiques, nouvelles, etc.).

Graphique 15. Les textes lus par les étudiants dans le cadre des études Articles

scientifiques

Genres littéraires Ouvrages de référence Polycopiés de cours Comptes rendus de livres Articles de Wikipédia

174 Dans cette panoplie de textes, ce sont les polycopiés de cours qui semblent les plus lus par les étudiants dans le cadre des études (graphique 15), avec 55,7% de réponses « toujours » et 29,6% de réponses « souvent ». Les polycopiés de cours, qui sont fournis par les enseignants, constituent le double du cours magistral, qu’il peut substituer comme complémenter, et qui, pour l’étudiant, est « un discours didactique neutre, étroitement fonctionnel » (Bouchard, R., Parpette, C. et Pochard J-C., 2005 :95).

Les étudiants interrogés disent aussi lire régulièrement des articles de Wikipédia, que nous pourrons définir comme des textes de vulgarisation scientifique. Plus de 25% d’entre eux disent lire constamment ce genre de documents et 35,4% affirment le faire souvent. Seuls 10 étudiants sur les 117 interrogés ne semblent jamais lire des articles sur Wikipédia. Hormis le manque de véracité des informations fournies par cette encyclopédie, elle est caractérisée par des jeux de références qui peuvent être intéressants dans l’initiation des étudiants à l’écriture de recherche.

Les genres littéraires, quant à eux, obtiennent 37,2% de réponses souvent et 10,6 de toujours. Si les étudiants affirment ne pas trop lire des textes littéraires en dehors de leurs études, ils le font souvent à l’université, sauf pour les 14,2% qui avouent ne jamais lire ce genre de textes.

Les ouvrages de référence figurent aussi dans la liste des lectures faites à l’université. Les étudiants qui affirment ne jamais lire ces ouvrages sont très peu nombreux. Ils ne représentent que 6,3%. A l’inverse, ils sont très nombreux à affirmer recourir constamment à des ouvrages de référence (plus de 21%) et encore plus nombreux à le faire souvent (soit 38,7%).

Les articles scientifiques sont les discours les moins lus par les étudiants des trois niveaux. Plus de la moitié des étudiants attestent ne lire des articles scientifiques que rarement dans le cadre de leurs études. Ce constat reste négatif à nos yeux car

175 la lecture des articles scientifiques est un atout très important dans la conscientisation des étudiants des enjeux des discours de la science.

Nous pouvons lire dans les commentaires des étudiants quelques réflexions sur les écrits de recherche qui oscillent entre une surestimation de ces écrits et un manque d’intérêt. Un étudiant de L3 affirme :« les textes scientifiques, nous sommes pas concernés vu notre niveau ». Ou son camarade de M1 de dire : « je lis pour me cultiver assoiffer ma curiosité d’étudiant et par obligation afin d’avoir de bons résultats universitaires, pour ce qui est des articles scientifiques je trouve que ce n’est pas nécessaire de les lire ».

Il est clair à présent que les lectures des étudiants sont dominées par les polycopiés de cours et les articles de Wikipédia. Nous avons remarqué néanmoins que les enseignants du département dans lequel nous avons mené notre enquête recommandent à leurs étudiants mémorants de ne pas recourir à ces deux genres d’écrits, qui ne doivent donc pas figurer dans la bibliographie des mémoires. Mais la question qui reste posée à cette étape de la recherche est de savoir si les étudiants des différents niveaux lisent les mêmes genres de discours. Une autre question nous semble aussi intéressante : l’intérêt porté aux articles scientifiques et aux ouvrages de référence évolue-t-il de la L3 au M2 ?

Le croisement des données avec la variable niveau d’étude ne montre des variations significatives qu’avec les textes littéraires, dont l’intérêt semble décroitre entre la licence et le master (tableau 16). Nous remarquons que nous passons de 24,2% des étudiants de licence qui affirment lire constamment des textes littéraires à 3,7%, pour les M1 et 5,2% pour les M2. La différence est encore plus importante s’agissant de l’item souvent : de 60,6% pour L3 à 22,8% pour les M2. Pour l’item jamais, il va de 0% pour les étudiants de L3 à 21% des répondants de M2, passant par 14,8% pour M1.

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Q16. Dans le cadre de vos études, lisez-vous des textes littéraires

Item Licence 3 Master 1 Master 2 Grand Total

Jamais 0% 14,8% 21% 13,6%

Parfois 15,1% 44,4% 45,6% 36,7%

Souvent 60,6% 33,3% 22,8% 35,8%

Toujours 24,2% 3,7% 5,2% 10,2%

Tableau 16. La lecture du texte littéraire entre la licence et le master

En dépit de ce changement dû forcément à la spécialisation en master, où on n’oblige plus les étudiants inscrits en master Sciences du langage à lire des textes littéraires, nous pouvons conclure donc que les étudiants lisent pratiquement les mêmes genres de discours et quasiment à la même fréquence.

Du côté de l’écriture, ce sont les écrits universitaires qui dominent les autres genres scripturaux, et c’est la dissertation qui figure en tête. Comme le graphique 16 le montrent, les étudiants écrivent beaucoup de dissertations. Près de la moitié des répondants admettent en écrire assidûment dans le cadre de leurs études et plus de 36% d’entre eux disent en rédiger souvent. Cette pratique scripturale est dominante et peut être à l’origine des représentations sur la linéarité de l’écriture, qui est loin de favoriser la logique constructive des connaissances nécessaire dans l’entreprise de la recherche scientifique.

Juste après la dissertation, le compte-rendu de lecture semble être également une pratique largement fréquente chez les étudiants. En effet, 38,7% des répondants affirment rédiger souvent des comptes rendus et 18,9% le font constamment. Par ailleurs, les fiches de lecture et les commentaires de citations obtiennent des résultats presque identiques. Les réponses des étudiants tournent autour de 35% pour l’item souvent et autour de 40% pour l’item parfois. C‘est nettement moins que la dissertation, faut-il noter.

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Graphique 16. Les écrits produits par les étudiants

Nous tenons à souligner ici que deux genres discursifs, pratiqués assez souvent par les étudiants, peuvent être particulièrement exploités dans les cours d’initiation aux discours de recherche parce qu’ils présentent des enjeux énonciatifs et intertextuels intéressants : le compte-rendu de lecture et le commentaire de citations.

Premièrement, le compte-rendu de lecture, contrairement au résumé, exige une prise en considération des éléments énonciatifs du discours. En résumant un texte, l’étudiant se met à la place de l’auteur. Dans le cas d’un compte-rendu, l’étudiant assume sa propre position, ce qui le rend propice à l’enseignement des enjeux de la polyphonie et de la prise en charge énonciative, qui sont deux dimensions constitutives de l’écriture de recherche.

Deuxièmement, les commentaires de citations présentent également un intérêt particulier à l’enseignement qui nous intéresse. Si nous nous référons à C. Fitnz et M. Rispail (1997), cet exercice exige un va-et-vient permanent entre la citation à commenter et le texte à produire et nécessite « une mise en forme ordonnée et argumentée de votre propos qui, selon le cas, peut aller jusqu’à une

178 interprétation, une discussion sur ses insuffisances, voire à une évaluation » (1997 :149). Cet enjeu particulier est intéressant pour l’écriture de recherche à laquelle nous tentons d’acculturer les étudiants, du fait qu’elle est régie par une activité de référencement d’une grande complexité.

Ceci étant, comme pour la lecture, nous ne constatons pas vraiment ce que nous pourrions appeler une évolution des pratiques à ce niveau de la recherche. Si une modification –en plus régressive- est remarquable, elle reste maigre et ne touche qu’une seule pratique discursive, qui est la fiche de lecture. Comme le montre le tableau 17, les étudiants, qui disent rédiger toujours des fiches de lecture, représentent 30,3% des répondants de L3 contre 7,4%, pour le M1, et seulement 7% pour le M2.

Q19. Dans le cadre de vos études, rédigez-vous des fiches de lecture

Item Licence 3 Master 1 Master 2 Grand Total

Jamais 6% 11,1% 14% 11,1%

Parfois 27,2% 33,3% 47,3% 38,4%

Souvent 33,3% 48,1% 29,8% 35%

Toujours 30,3% 7,4% 7% 13,6%

Tableau 17. La fiche de lecture entre la licence et le master

L’intérêt de nous interroger sur les genres de lecture-écriture les plus pratiqués par les étudiants dans le cadre de leurs études, et sur une possible variation entre les niveaux d’étude, est de nous permettre de repérer les discours auxquels les étudiants sont le plus habitués et qui sont susceptibles de constituer des passerelles vers l’écriture de recherche. En revanche, nous sommes bien conscients que le fait qu’ils soient habitués à ces discours n’implique pas forcément une aisance dans leurs pratiques.