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Le discours universitaire comme objet de la didactique

Chapitre 2. Assises théoriques pour l’analyse didactique en littératie avancée

2.2. Le discours universitaire : un objet pluridisciplinaire

2.2.2. Le discours universitaire comme objet de la didactique

On pourra dire que l’intérêt porté par les didacticiens aux discours universitaires est plus ancien que celui des linguistes. Aussitôt que l’université s’est ouverte au grand public la question de l’accompagnement linguistique et méthodologique des nouveaux bacheliers s’est posée. Les réflexions sont cependant restées durant

35 longtemps tributaires à la première année de licence et se sont trouvées fort éparpillées, peinant à s’organiser dans un cadre de recherche unifié.

L’examen attentif des travaux de didacticiens (en Algérie ou ailleurs) qui portent sur les discours universitaires montre leur concentration sur la première année Licence et sur la question de la rupture (ou des ruptures) qu’entraine le passage du lycée à l’université. Ils mobilisent quasiment tous la notion de « métier d’étudiant » développée par A. Coulon (2005), qui propose d’appréhender l’entrée à l’université comme un « un processus d’affiliation » à un nouveau métier, celui de l’étudiant. Ce qui signifie que le nouveau bachelier entre dans un processus intensif d’adaptation de ses représentations et de ses comportements au monde universitaire.

La réussite de cette affiliation est garante du succès des études. Ou comme l’écrit A. Coulon (2005 :2) :

Si les échecs et les abandons sont nombreux au cours de la première année, c’est précisément parce que l’adéquation entre les exigences universitaires, en termes de contenus intellectuels, de méthodes d’exposition du savoir et des connaissances, et les habitus des étudiants, qui sont encore des élèves, n’est pas réalisée.

Si l’entrée dans le monde universitaire est délicate, c’est parce que la transition lycée-université génère des ruptures simultanées de plusieurs natures. Ces modifications touchent l’étudiant, non seulement dans ses rapports au temps, à l’espace, mais aussi, et surtout, son rapport aux normes et aux savoirs (Coulon A., 2005 :5). En effet, au-delà du changement des modalités d’enseignement (la découverte des CM et TD, principalement), c’est tout le rapport au savoir des étudiants qui se trouve chamboulé. Du fait de leur spécialisation certes mais aussi de la fonction scientifique de l’université, les représentations du lycéen se trouvent bien souvent inadéquates.

Or, la réflexion, voire même la pensée, n’existe pas en dehors des mots, en dehors du discours qui la crée et la porte. La science se crée et se transforme dans la

36 pratique langagière. Le savoir scientifique est avant tout un discours, et est souvent écrit. Il ne s’agit pas ici de reprendre le débat classique qui opposa les métaphysiciens antiques, ou plus récemment encore les philosophes du langage (Searle, Austin, Chomsky, Wittgenstein, etc.), sur le langage et la pensée. Nous voulons seulement souligner que la science est indissociable de son écriture. De fait, l’affiliation des nouveaux bacheliers à leur métier d’étudiant passe nécessairement par une acculturation aux modes de communication circulant au supérieur. Il s’agit pour eux de développer de nouvelles stratégies langagières, «d’autres manières d’envisager la compréhension et la production de savoirs » (Delhaxhe M., Houart M. et Pollet M-Ch., 2011 :61). C’est dans ce sens que A. Coulon (2005) propose de mettre en œuvre dès la première année des cours de méthodologie documentaire. Il sera question, dans ces cours, de mettre à jour « des règles de travail intellectuel, des règles de classement des discours et des pratiques universitaires, des règles de lecture, d’écriture, des règles linguistiques, de communication, etc. » (Ibid. : 225-226).

De ce constat caractérisé de ruptures et d’une indispensable initiation des nouveaux entrants au supérieur aux discours spécifiques de celui-ci, est née une perspective qui s’appuie largement sur les travaux de la linguistique des discours universitaires, la didactique des discours universitaires. En effet, si la nécessité d’un tel enseignement est bien présente, il reste l’objet et la manière à inventer, ou disons-le autrement, toute une didactique à construire.

Dans son livre paru en 2001, et qui sera par la suite considéré comme un ouvrage de référence en la matière, M-Ch. Pollet (2001) appelle de vive voix l’élaboration d’une didactique qui s’occuperait d’initier lesdits étudiants aux spécificités de la communication universitaire, comme l’indique ouvertement l’intitulé de son ouvrage (« Pour une didactique des discours universitaires. Etudiants et système de communication à l’université »). Il s’agissait pour l’auteur (Ibid.)

37 d’« envisager une perspective didactique tenant compte des paramètres communicationnels dans lesquels elle devra s’inscrire ».

Cette didactique se caractérise par un ensemble de principes qui régulent à la fois la recherche et la pratique enseignante. Pour ce qui est de la recherche, compte tenu des avancées de la didactique des langues d’une manière générale, l’analyse de la pratique passe obligatoirement par un effort de compréhension du terrain : déterminer les spécificités du contexte institutionnel et analyser les difficultés de l’étudiant, ses pratiques et ses représentations, et celles de l’enseignant.

Quant à la pratique enseignante, les discours universitaires ne peuvent être bien appropriés que par le bais d’une approche pragmatique. Prônée par l’ensemble des didacticiens qui s’intéressent à l’enseignement de ces discours, l’approche pragmatique s’appuie sur les avancées des sciences du langage (particulièrement de la linguistique de l’énonciation et de la pragmatique) et des sciences de l’éducation. Elle se résume, comme l’indique sa dénomination, à enseigner les discours dans leur aspect pragmatique, ce qui implique un ensemble de principes, que nous pouvons regrouper dans cinq points :

1. La contextualisation des pratiques : suppose, non seulement, de fonder