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Chapitre 2. Assises théoriques pour l’analyse didactique en littératie avancée

4- Analyse (identification des parties constituantes d’un tout pour en

2.8.4. La logique de la séquence didactique

La séquence didactique correspond à un modèle d’organisation de l’enseignement, qui s’oppose aux traditionnelles leçons de langue juxtaposées qui posaient un problème de progression (Dolz J. et Schneuwley B., 1998 :93). On entend par séquence didactique cet « ensemble de périodes organisées de manière systématique autour d’une activité langagière » ou « d’une tâche langagière précise proche de la vie courante qui entraîne des problèmes spécifiques » (Dolz-Mestre J., Rosat M-C., et Schneuwly B., 1991 : 37).

La séquence didactique trouve rapidement un grand essor en didactique du FLE car en plus de la socialisation de ses enseignements, elle permet une articulation logique des éléments à enseigner. Pour M. Cavanagh (2010 :83), « le travail par séquence est particulièrement fructueux car il évite le morcellement en permettant d’intégrer plusieurs habiletés langagières et de générer des activités reliées autour d’un objectif commun ». En effet, comme l’expliquent J. Dolz-Mestre, M-C. Rosat et B. Schneuwly (1991 : 37), les séquences, elles aussi, s’imbriquent dans un projet plus global, « ayant un sens pour les élèves et comportant toute une série articulée d’excercices collectifs et individuels d’observation, de manipulation et de production de textes ».

97 L’implication des apprenants dans cette perspective est primordiale, car non seulement ils occupent la place centrale dans l’action didactique, comme nous allons le montrer, mais prennent également part aux négociations des objectifs d’apprentissage (Dolz-Mestre J., Rosat M-C, et Schneuwly B., 1991 : 37).

Nous voyons bien que l’influence des théories socioconstructivistes d’un côté et de l’analyse du discours de l’autre sur la séquence didactique est indéniable. D’ailleurs, les défenseurs de ce modèle font souvent référence aux travaux de Vygotsky et mobilisent quasiment toujours le concept de zones proximale de développement. Il faudra également mentionner la dette de ce modèle didactique aux avancées remarquables qu’a connues l’analyse du discours à partir des années 1980, notamment sur le développement et la modélisation de la notion de genre discursif.

De tous les arguments avancés, le point fort de cette logique d’enseignement reste sa capacité à organiser les enseignements d’une manière particulièrement structurée. Optant pour une progression dite spiralaire, s’opposant ainsi aux enseignements traditionnels linéaires, elle se réalise en deux mouvements (Dolz J. et Schneuwley B.,1998 :95). Le premier consiste à aller

du complexe au simple, c’est-à-dire de la production initiale, lors de laquelle les élèves sont impliqués dans une activité langagière avec ses multiples facettes, au simple travail pas à pas de ses dimensions essentielles du genre en fonction des problèmes rencontrés par les élèves dans la réalisation de l’activité (Ibid.).

Cependant, l’autre mouvement suit une logique inverse : du simple, à savoir des simples dimensions qui constituent le genre, au complexe, c’est-à-dire la production du genre discursif dont il est question (Ibid.).

Pour mieux comprendre ces deux mouvements, appuyons-nous sur le schéma suivant, qui représente les différentes étapes composant une séquence didactique selon J. Dolz et B. Schneuwley (1998) :

98

Figure 4. La séquence didactique selon J. Dolz et B. Schneuwley, 1998

Dans l’étape de la mise en situation, qui, comme nous pouvons le constater dans la figure 4, est isolé des autres éléments, l’enseignant présente la séquence aux apprenants et discute avec eux des objectifs d’apprentissage, les motive et les prépare à la production initiale (J. Dolz et B. Schneuwley, 1998 : 93).

L’évaluation diagnostique correspond à la première étape de la séquence didactique. Elle vise, selon J. Dolz et B. Schneuwley (Ibid.) à confronter les apprenants au genre discursif sur lequel porte la séquence pour faire ressortir leurs difficultés. A cet égard, elle correspond à une évaluation diagnostique, qui permet de prendre « une décision d’ajustement, intermédiaire entre une acceptation sans réticences et un rejet pur et simple » (De-Ketele et Al., 2007 : 118). Ainsi, même si les contenus d’enseignement sont prédéterminés, ils peuvent subir des modifications considérables.

Suivront un ensemble d’ateliers, qui porteront, comme indiqués plus haut, sur les caractéristiques constitutives d’un genre discursif particulier. En se confrontant aux situations-problèmes, les apprenants s’approprient progressivement des savoirs, savoir-faire et savoir-être nécessaires à la production du genre discursif. En effet, comme le constate J. Courtillon (2003 : 74), « produire un texte suppose que l’on connaisse les étapes d’organisation du genre de texte produit ».

L’évaluation finale consiste à mettre les apprenants dans une situation de « réalisation de l’activité langagière dans sa totalité » (Dolz J. et Schneuwley B.,

Production initiale La mise en

situation

Atelier 1. Atelier 2. Atelier 3. Production initiale Atelier 4.

99 1998 : 94) où ils auront à réinvestir toutes les compétences qu’ils sont censés avoir acquises durant les ateliers. Si cette production ne fait pas forcément objet d’une évaluation certificative, comme le notent J. Dolz et B. Schneuwley (Ibid.), elle est l’occasion de mesurer le degré d’assimilation des contenus enseignés.

Cependant, la nature et les caractéristiques du mémoire (dans ce présent travail, le mémoire est compris, d’un côté, comme un genre intermédiaire entre l’écriture académique et l’écriture de recherche et, d’un autre côté, comme une écriture longue s’étalant sur plusieurs mois et comme un écrit particulièrement complexe sollicitant de nombreuses compétences) empêchent que soit respectée la totalité des principes du modèle de la séquence didactique. C’est pour cette raison que nos propositions, hormis leur structure générale, se sont vues régulées et adaptées aux exigences du genre de mémoire de master et aux objectifs de notre intervention.

Le premier principe à transgresser est la circonscription d’une séquence à un seul genre discursif. Notre objectif étant de favoriser le passage des étudiants de la littératie académique à la littératie de recherche, il semble évident de vouloir faire appel à des genres discursifs appartenant aux deux littératies. L’idée consiste en effet à faire écrire les étudiants dans les genres discursifs académiques qui leur sont habituels en insistant graduellement sur leurs éléments de rupture avec l’écriture de recherche.

De même, à cause de la longueur inhabituelle de l’écriture du mémoire de master et sa complexité, l’évaluation diagnostique, qui survient avant les ateliers, sera menée d’une manière spécifique qui nous permettra d’évaluer les besoins des étudiants par rapport à la dimension scripturale qui nous intéresse. Il serait illusoire en effet de vouloir demander aux étudiants d’écrire, lors de la production initiale, un mémoire.

In fine, nous pouvons affirmer que même si le modèle de la séquence didactique nous est d’une grande utilité en nous donnant les moyens de structurer les

100 enseignements que nous proposons, la limitation de notre étude à la seule dimension énonciative des discours de recherche et sa centration sur le développement de l’ethos des apprenants appréhendés comme sujets-écrivants, justifie également, d’une manière assez convaincante, toutes ces transgressions et nous contraint à scruter du côté des ateliers d’écriture créative, qui offrent comme nous allons le montrer, des pistes didactiques intéressantes pour atteindre l’objectif que nous nous sommes donné au début de ce travail.