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CHAPITRE I. La puissance: perspectives historiques et théoriques

1.2. La puissance selon les politistes

Machiavel, parfois considéré comme l’un des précurseurs de la science politique, donne une importance particulière à la notion de puissance, bien qu’il ne la définisse pas de manière concrète. Pour lui, la puissance est l’élément essentiel pour pouvoir gouverner le pays et assurer sa sécurité. Dans son maitre ouvrage “Le Prince”64, Machiavel précise que le prince sur qui repose la survie de l’Etat doit être doté d’un pouvoir absolu. Pourtant, ce pouvoir ne le libère pas de toute morale, même si Machiavel défend la nature “obligatoirement méchante des hommes” car la liberté accordée au Prince doit être placée au service d’une finalité précise, servant les intérêts de l’Etat.

Il souligne que la puissance militaire est la condition primordiale pour conquérir d'autres territoires, pour assurer la sécurité du pays et mettre sur pied une société harmonieuse et stable. Au chapitre XVIII du Prince, Machiavel signale « qu’il y a deux manières de combattre, l’une par les lois, l’autre par la force: la première est propre aux hommes, la seconde propre aux bêtes; mais comme la première, bien souvent, ne suffit pas, il faut recourir à la seconde »65. Par cette représentation imagée, il suggère que le prince doit être est à la fois lion et renard. Le lion symbolise la force brutale et le renard représentant l’intelligence et la ruse.

L’ouvrage de Machiavel a beaucoup inspiré les approches sur la puissance au cours du XVIIIe siècle où la puissance a été mesurée par certains facteurs définis comme la population, la territoire, la richesse et la force armée.66 Au XIXe siècle, cette approche a évolué vers celle des “éléments de la puissance nationale” reflétée dans l’ouvrage Politics Among Nations: the

Struggle for Power and Peace d’Hans Morgenthau, publié en 1948. Il définit la puissance de

l’Etat-nation non seulement par la géographie, la population, les ressources naturelles et la force militaire mais aussi par le caractère national, le moral national et l’efficacité de la diplomatie. Morgenthau affirme que “la politique internationale, comme toute politique, est

      

64 Nicolas MACHIAVEL, Le Prince, Paris, Le Livre de Poche, 2000 65 Ibid., p.84

une lutte pour la puissance”67 et il ajoute qu“en politique étrangère, un État ne connaît qu'un seul impératif catégorique, un seul critère de raisonnement, un seul principe d’action, l’intérêt national égoїste défini en termes de puissance: quel que soit le but ultime de la politique extérieure d’un État, quels que soient les termes dans lesquels ce but est défini, la recherche de la puissance est toujours son but immédiat”68. La puissance est donc pour Morgenthau à la fois une finalité et un moyen. Dans ce cadre, la politique internationale doit être considérée comme un mécanisme permanent et empirique d’ajustement entre les moyens et les objectifs de tous les Etats, la finalité ultime étant la survie et la préservation.69

Cette approche de “puissance en tant que ressources” a cédé sa place à l’approche de “puissance relationnelle” au cours de la dernière moitié du XXe siècle. En s’inspirant de Max Weber, sociologue et économiste allemand, la plupart des politistes contemporains s’accordent pour admettre que la puissance s’apprécie dans le cadre d’une relation dynamique entre les unités politiques. C’est pourquoi il est nécessaire de traiter le concept weberien de puissance. Max Weber définit la puissance (Macht) comme étant “toute chance de faire triompher, au sein d’une relation sociale, sa propre volonté, même contre des résistances”70. L’utilisation de la puissance conduit à un résultat, mais implique aussi une volonté ou une intention, donc une stratégie d’acteur possédant une rationalité minimale.71 Pour Weber, en tant que notion relationnelle, la puissance nécessite une interaction spécifique pour pouvoir être exercée. Cette interaction s’exerce par des moyens divers tels que la persuasion, l’incitation, la coercition, les sanctions ou le recours à la force.

Les politistes américains Harold Lasswell et Abraham Kaplan définissent le pouvoir comme un ensemble de relations dans lesquelles “des sanctions sévères sont prévues ou appliquées pour soutenir une politique contre l’opposition”.72 La puissance relationnelle explique la puissance par le principe de causalité, c’est-à-dire, le comportement d’un acteur A cause un changement dans le comportement de B.

       67 Hans J. MORGENTHAU, op. cit., p.29

68 Dario BATISTELLA, Théories des Relations Internationales, 4e Edition, Paris, Presses de Sciences Po, 2012,

p.134

69

 Jean Jacques ROCHE, Théories des Relations Internationales, 4e Edition, Paris, Montchrestien, 2001, p.42 

70 Max WEBER, Economie et Société, Tome I, Paris, Plon, 1971, p.95

71 Stéphane PAQUIN et Dany DESCHENES (dir.), Introduction aux relations internationales, Montréal,

Chenelière, 2009, p.29

72 Harold D. LASSWELL et Abraham KAPLAN, Power and Society: A framework for political inquiry, Yale,

Robert Dahl est un autre politiste qui met l’accent sur la conception relationnelle de la puissance. Il définit le pouvoir comme la capacité d’une personne A d’obtenir qu’une personne B fasse quelque chose qu’elle n’aurait pas fait sans l’intervention de A. Les relations de pouvoir, selon lui, peuvent être vues comme des relations de causalité d’une espèce particulière. La définiton la plus générale se formulera ainsi: le pouvoir renvoie à des sous- ensembles de relations entre des unités dépendant, en certaines circonstances, du comportement d’autres unités.73 On peut donc dire qu’il y a pouvoir quand des acteurs causent de quelque façon le comportement d’autres acteurs. Concernant l’approche de puissance relationnelle, Dahl affirme que “malgré l’origine ancienne de l’étude du pouvoir (donc de la puissance), l'étude empirique systématique des relations de pouvoir est remarquablement nouvelle”.74

Raymond Aron, philosophe, sociologue et politiste français, affirme qu“au sens le plus général, la puissance est la capacité de faire, produire ou détruire: un explosif a une puissance et, de même, une marée, le vent et un tremblement de terre. La puissance d’une personne ou d’une collectivité n’est pas mesurable rigoureusement en raison même de la diversité des buts qu’elle s’assigne et des moyens qu’elle emploie. […] La puissance d’un individu est la capacité de faire, mais avant tout, celle d’influencer sur la conduite ou les sentiments des autres individus. J’appelle puissance sur la scène internationale, la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités. En bref, la puissance politique n’est pas absolue mais une relation humaine.”75

Dans un autre ouvrage, il précise qu“en tant que concept politique, la puissance désigne un rapport entre les hommes mais comme, simultanément, il désigne un potentiel, non un acte, on peut définir la puissance comme le potentiel que possède un homme ou un groupe d’établir des rapports conformes à ses désirs avec d’autres hommes ou d’autres groupes.”76 On peut simplifier cette définition en disant que la puissance est la combinaison du potentiel et du passage à l’acte.

      

73 Robert A. DAHL, “Power”, dans David SILLS (ed.), International Encylopedia of the Social Sciences, vol.12,

New York, Macmillan Co and Free Press, 1968, p. 407

74Ibid., p.414

75Raymond ARON, Paix et Guerre entre les Nations, Paris, Calmann-Lévy, 1984, p.16-17

Aron se distingue de Machiavel et Morgenthau en refusant de voir dans la quête de la puissance l’essence de toute politique, en distinguant politique interne et extérieure, et aussi la puissance comme moyen et la puissance comme fin. Aron critique Morgenthau de ne pas définir la notion de puissance de manière univoque dans le champs des relations internationales et de ne pas clairement distinguer cette notion de la puissance politique dans l’univers intra-étatique (désignée en français par la notion de pouvoir)77.

Kalevi J. Holsti, politiste britannique, critique aussi Morgenthau lorsqu’il définit la puissance à la fois comme une fin et comme un moyen qui cause une ambiguité de sens. Selon Holsti, la puissance est la capacité d’obtenir d’un acteur qu’il fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait spontanément par la promesse de récompense, l’octroi de récompense, la menace de punition et la force.78

Kenneth Waltz, politiste américain et fondateur du néoréalisme, définit la puissance comme “l'idée, simple et ancienne, qu'un agent est d'autant plus puissant qu'il affecte les autres plus que ceux-ci ne l'affectent”79. La puissance est relative à la position de l'unité dans le système international. Il précise que « la première préoccupation des Etats n'est pas de maximiser leur puissance, mais plutôt de maintenir leur position relative dans le système »80.

En partant des travaux de Dahl, Steven Lukes, politiste et sociologue américain, propose une présentation tripartite du pouvoir. La première dimension renvoie à la définition de Dahl qui repose sur le principe d’intentionnalité. A a du pouvoir sur B quand il peut faire faire à B quelque chose que B n’aurait pas fait autrement, B étant conscient que cela vient de l’action de A. A peut utiliser la coercition pour changer la stratégie de B ou la persuasion pour changer la préférence de B. La deuxième dimension repose sur la définition de Peter Bachrach et Morton Baratz qui distinguent puissance intentionnelle et non-intentionnelle. Selon eux, l’attention ne doit pas porter uniquement sur les mécanismes de décisions formels, puisque les décisions peuvent revêtir des sens différents, et que certaines peuvent même ne jamais avoir lieu81. Il convient donc pour ces deux auteurs d’inclure les « non-décisions » dans l’analyse.

      

77 Raymond ARON, Paix et Guerre entre les Nations, op. cit., p.18

78 Kalevi J. HOLSTI, “The Concept of Power in the Study of International Relations”, Background, Vol.7, No.4,

February 1964, p.189-190

79 Kenneth N. WALTZ, Man, the State and War, New York, Columbia University Press, 1959, p. 192 80 Idem, Theory of International Politics, Reading, Addison Wesley, 1979, p.126 

81 Peter BACHRACH et Morton BARATZ, “Two Faces of Power”, American Political Science Review, No. 56,

La deuxième dimension concerne donc la non-décision. A contrôle l’agenda politique de façon qu’il limite le choix de stratégie de B.

La troisième dimension du pouvoir décrite par Steven Lukes renvoie au pouvoir invisible consistant à déterminer les préférences des acteurs. Tout l’art de la puissance persuasive consiste notamment, d’après Lukes, à conditionner les peuples en « conformant leurs perceptions, leurs cognitions et leurs préférences de manière à ce qu’ils acceptent leur rôle dans l’ordre existant des choses, ou bien parce qu’ils ne sont pas capables d’imaginer une alternative à celui-ci, ou bien parce qu’ils le considèrent naturel et inchangeable, ou encore parce qu’ils le pensent divinement ordonné…»82 En d’autres termes, A essaye de créer et de façonner les tendances, les perceptions et les préférences de B et B ne se rend pas compte souvent de cette influence. A côté de l’approche « unidimensionnelle béhaviouraliste » de Dahl et de l’« approche bidimensionnelle», propre à Bachrach et Baratz, Lukes vise à apporter une troisième dimension qui consiste par le biais du contrôle de l’information, des médias, ou des processus de socialisation, à «gagner son coeur et son esprit »83. Ce qui est également un élément de la “guerre psychologique” dont les effets ont été très limités. (La France en Algèrie, les Etats-Unis au Vietnam, etc.) En critiquant la dimension behavioriste des conceptions antérieures et soulignant l’importance des comportements structurés par la société et modelés par la culture et les institutions en terme de puissance, il a contribué à l’émergence de l’approche de “puissance structurelle”.

Une remise en cause similaire de la puissance relationnelle se retrouve chez Stephen Krasner, politiste américain, qui affirme dans International Regimes84, que le comportement des États est aussi influencé par des normes internationales (juridiques, morales, politiques, etc.), dites ou non dites, institutionalisées ou non.

Susan Strange, politiste britannique et l’une des fondatrices de l'économie politique internationale, distingue puissance relationnelle - la plus traditionnellement étudiée par les analystes des relations internationales - et puissance structurelle. Celle-ci correspond à la possibilité qu’a un acteur d’obliger un autre à agir suivant sa volonté, par la persuasion ou la coercition. Elle correspond à la capacité de fixer les règles du jeu et prend de plus en plus

      

82 Steven LUKES, Power. A Radical View, Londres, Palgrave, 1974, p.24

83 Idem, « On power and the battle for hearts and minds », Millennium Journal of International Studies, Londres,

vol. 33, n° 3, 2005, p. 477-495

d’importance. En d’autres termes, la puissance structurelle signifie la “capacité de façonner et de déterminer les structures de l’économie politique globale au sein desquelles les autres États, leurs institutions politiques, leurs entreprises économiques et leurs scientifiques et autres expertes doivent opérer”.85 Selon Strange, elle est la capacité de déterminer la façon dont sont satisfaits quatre besoins sociaux essentiels dans une économie moderne: la sécurité, le savoir, la production, la finance.

Joseph Nye, politiste américain élu comme l'un des dix professeurs les plus influents des relations internationales, expose que la puissance est comme le temps (météo), tout le monde en dépend et en parle, mais peu le comprenne. Il définit la puissance comme “la capacité d’atteindre le résultat espéré et d’être en mesure, si cela est nécessaire, de changer le comportement des autres afin d’y arriver”.86 Pour lui, la puissance ne découle pas nécessairement d’une forte capacité militaire. Pour être puissant, il faut maintenir la capacité de rallier autour de lui la plus grande coalition, de contrôler l’information et de déterminer l’ordre du jour. C’est pourquoi, il est primordial d’acquérir la puissance douce (soft power) qui désigne la capacité d'une nation à influencer les autres par son idéologie, son système de valeurs, sa culture à côté de la puissance dure (puissance militaire et économique).

Dans leur article “Power in International Politics”87, les politistes américains Michael Barnett et Raymond Duvall proposent de prendre en considération à la fois la puissance relationnelle et la puissance structurelle en soulignant la nécessité de développer une réflexion sur pourquoi, comment et quand certains acteurs ont un « pouvoir sur » les autres. Par conséquent, ils suggèrent quatre formes de puissance: la « puissance compulsive », ou coercitive, qui existe quand des relations d’interaction permettent à un acteur d’exercer un contrôle direct sur un autre, quitte à le menacer pour qu’il change de comportement ou de stratégie; la « puissance institutionnelle » qui se manifeste quand des acteurs exercent un contrôle indirect ou une influence ou tirent un avantage sur d’autres, par le biais d’institutions qu’ils ont mis ensemble sur pied; la « puissance structurelle » qui découle de la position de l’acteur dans la société mondiale et par conséquent de ses propres capacités stratégiques, de ses vulnérabilités et des intérêts qui le lient aux autres; la « puissance productive » qui signifie

      

85 Susan STRANGE, States and Markets: An Introduction to International Political Economy, 2e Edition,

London, F. Pinter, 1994, p.25

86 Joseph S. NYE, The Paradox of American Power: Why the World’s Only Superpower Can’t Go it Alone,

Oxford, Oxford University Press, 2002, p.4

87 Michael BARNETT et Raymond DUVALL, “Power in International Politics”, International Organization,

la capacité d’un acteur ou d’un groupe d’acteurs à suggérer et à diffuser des systèmes de pensée, ou à imposer une de ces « machineries conceptuelles » qui fixe la « connaissance partagée » ou qui formate la vision globale de tous les acteurs88.

Les points de vue des politistes sur la notion de puissance montre l’évolution de cette notion au cours du temps dans le cadre des changements structurels sur la scène internationale. On voit un passage de la puissance basée sur le territoire, la richesse et l’armée à la “puissance en tant que ressources” avec l’apparition des Etats modernes. Ensuite, on voit un autre passage vers la puissance relationnelle qui met l’accent sur la causalité dans les rapports de puissance et vers la puissance structurelle qui renvoie à la capacité de déterminer la façon dont seront satisfaits les quatre besoins de base d'une économie moderne: sécurité, savoir, production et finances. Les différentes formes de puissance proposées par les politistes sont plus ou moins dérivées de ces approches principales.

1.3.La puissance selon les juristes

Les juristes interprètent et utilisent le concept de puissance dans le cadre de sa relation avec le droit. Dans ce cadre, on peut généralement parler de deux principales approches: le droit comme moyen de puissance et le droit comme facteur limitatif de puissance. Adoptée plutôt par les réalistes, la première approche met le principe de souveraineté des Etats au centre du droit international. Selon Jean Bodin, juriste français, la souveraineté est une puissance absolue s’exerçant sur un territoire et une population. A l’intérieur de ses propres frontières, la souveraineté signifie que l’Etat est l’autorité suprême. A l’extérieur, c’est-à-dire dans ses relations internationales, la souveraineté de l’Etat signifie, non qu’il est supérieur aux autres Etats, mais seulement qu’il n’a d’ordre à recevoir d’aucune autre autorité, Etat ou organisation internationale.

Pour les réalistes, un des plus importantes caractéristiques de cette souverainété est la possesion du “monopole de l’exercice de la violence physique légitime” selon la formule de Max Weber. On peut donc dire qu’en raison de son monopole de la force armée et de la police organisée, le droit international émane nécessairement de l’État. L’Etat n’a aucune

      

88 Gérard DUSSOUY, Les Théories de la Mondialité: Traité de Relations Internationales, Tome III, Paris,

puissance au-dessus de lui, en principe, qui pourrait lui imposer sa volonté. Aucune autorité supérieure dont pourrait émaner le droit international qui régit les relations entre les sujets de ce système juridique. C’est pourquoi, seul l’Etat se limite lui-même. Le droit international est le résultat de la rencontre de volontés de plusieurs États qui acceptent de limiter leur souveraineté pour se lier.

Selon Erich Kaufmann, juriste allemand, l’Etat demeure le fait fondamental et indépassable des relations internationales, quand bien même il demeure soumis à des valeurs objectives qui s’imposent à lui.89 Il souligne que seul l’Etat, et non la communauté internationale elle-même, est capable de poser et de faire respecter les principes de justice car la communauté internationale est au fond d’ordre spirituelle.90

D’après Carl Schmitt, juriste allemand, «est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle».91 C’est l’exception qui donne corps à la règle ou, plutôt, qui oblige le titulaire du pouvoir exécutif à prendre une décision dont l’objet est l’existence de l’unité politique et, par voie de conséquence, qui fonde le droit.92 La légitimité de la décision ne tient pas à la nature de la norme élaborée (sa cohérence avec une norme supérieure ou son caractère). Dans Le Gardien de la Constitution, Schmitt insiste sur l’idée qu’une décision comprend toujours un « élément de décision pure non déductible du contenu d’une norme »93. Dès lors, la légitimité ne dépend que d’une volonté indépendante, celle du décideur: “Ce qui donne sa qualité spécifique au droit est d’abord une décision suprême qui la fonde. Une telle décision n’est pas explicable à partir de règles préexistantes, elle n’est pas juridiquement explicable du tout, c’est grâce à elle, au contraire, que des règles juridiques pourront exister.”94

Le thème dominant du droit international au XIXe siècle était la perspective positiviste de la puissance souveraine. Selon cette perspective, le droit international sert à justifier et préserver ce qui a été obtenu par l’exercice de puissance. Par exemple, les travaux de Hugo Grotius, fondateur du droit international, sur la liberté de la mer, publiés dès 1609, sont destinés à

      

89 Emmanuelle JOUANNET, “La communauté internationale vue par les juristes”, AFRI, Vol. VI, 2005, p.8