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CHAPITRE III. Une Union trop diversifiée pour l’Europe puissance?

2.2. La guerre d’Irak: avec les Etats-Unis ou contre les Etats-Unis?

2.2.1. Les partisans de la guerre

L’Etat européen qui a le plus soutenu la politique américaine face à l’Irak était le Royaume- Uni. Le premier ministre Tony Blair se basait sur les mêmes arguments que ceux avancés par les Etats-Unis afin de légitimer l’intervention en Irak. “Les renseignements sont clairs: Saddam Hussein continue de penser que son programme d’armes de destruction massive est indispensable, à la fois pour réprimer en interne et pour agresser à l’extérieur...”disait Tony

      

541 “Chronologie du monde arabe”, Le Monde Diplomatique, 1 Janvier 2007 

542 Catherine GOUESSET, “Chronologie de la guerre d’Irak”, L’express, 16 janvier 2009 543 Ibid.

Blair lors de son discours en février 2003.545 Donc, pour le Royaume-Uni, la possession des ADM et la mission de délivrer un peuple d’une dictature rendaient nécessaire une intervention militaire en Irak. Le document intitulé “A Vision for Irak and the Iraki people” publié par le gouvernement britannique en mars 2003 annonçait la volonté du Royaume-Uni pour aider et soutenir les Irakiens après la chute du régime546.

A part ses raisons officielles, il est impossible de nier ses relations privilégiées avec les Etats- Unis grâce à sa culture, sa langue et son histoire. Pendant la guerre contre le terrorisme, le Royaume-Uni a montré encore une fois l’importance qu’il donnait à ses relations avec l’Amérique. Selon le journaliste Jean-Michel Demetz, «Si Blair a réussi à tenir le premier rôle – au sujet de la guerre contre le terrorisme -, c’est parce qu’il ne s’est jamais départi d’une solidarité sans faille avec Washington. Car, il a compris, dès son accession au pouvoir, que cette loyauté anglo-saxonne était la condition nécessaire pour peser sur la superpuissance d’outre-Atlantique. Question de confiance.»547

Comme le Royaume-Uni, l’Espagne a rapidement rejoint la coalition conduite par les Etats- Unis. Ceci peut être expliqué par l’effort du premier ministre Jose Maria Aznar pour adopter une ligne de conduite offensive contre l’ETA548. D’autre part, en coopération avec le Royaume-Uni et l’Italie, l’Espagne désirait proposer une alternative au puissant axe franco- allemand vu comme voulant faire de l’Europe une « forteresse Europe.»549Quant aux intérêts économiques, puisque l’Espagne a beaucoup investi en Amérique latine, en prenant en compte l’influence américaine sur cette zone, elle devait avoir de bonnes relations avec les Etats-Unis.

Quant à l’Italie, puisque la population italienne était majoritairement opposée à la guerre et que le Vatican n’a pas donné son accord pour cette guerre, le gouvernement italien a hésité à prendre place à côté des Etats-Unis. Mais au début de l’année 2003, elle a commencé à soutenir les arguments américains plus explicitement. Puisque l’opération militaire n’était pas sous le commandement des Nations unies, l’Italie n’a pas envoyé des soldats spécifiquement

      

545 Le discours de Tony Blair du 25 février 2003,

www.publications.parliament.uk/pa/cm200203/cmhansrd/vo030225/debtext/30225-05.htm consulté le 23 Janvier 2013

546 “A Vision for Irak and the Iraki people”, www.globalsecurity.org/wmd/library/news/Irak/2003/Irak-030316-

usia04.htm consulté le 23 Janvier 2013

547 Jean-Michel DEMETZ, « Blair chef de guerre », L’express, 29 Novembre 2001

548 Paul M. HEYWOOD, « Desperately seeking influence: Spain and the war in Irak », European Political

Science, Vol.3, No.1, Fall 2003, pp.35-40.

pour se battre en Irak. Cependant, elle a proposé à la coalition l’utilisation de ses bases militaires et la contribution aux missions humanitaires pour qualifier au statut « allié et non belligérant»550.

On peut dire que la principale raison qui a incité le gouvernement de Silvio Berlusconi à soutenir Washington était d’acquérir une meilleure position au sein de la hiérarchie des puissances internationales en tant qu’alliée des Etats-Unis. En outre, pendant la reconstruction en Irak, elle pourrait profiter de la mine d’or économique, elle pourrait « exporter en Irak des biens et des services pour une valeur de 2 milliards d’euros par an »551.

D’autre part, Tony Blair, Jose Maria Aznar, Silvio Berlusconi étaient parmi les dirigeants qui ont signé le 30 janvier 2003 une Lettre dans laquelle les dirigeants de 8 pays d’Europe appelaient à l’unité avec les Etats-Unis face à l’Irak552. Cette Lettre, connu sous le nom de « Lettre des 8 », soulignait la nécessité d’une unité entre Européens et Américains en rappelant les valeurs communes partagées par ces pays et leur coopération permanente en matière de sécurité. Elle assimilait le gouvernement irakien aux mouvements terroristes qui ont été les auteurs des attentats du 11 septembre 2001.553

Une semaine plus tard, le 6 février 2003, les ministres des Affaires étrangères d’Albanie, de Bulgarie, de Croatie, d’Estonie, de Lettonie, de Lituanie, de Macédoine, de Roumanie, de Slovaquie et de Slovénie, les pays qualifiés « groupe de Vilnius » ont fait une déclaration dans laquelle ils apportaient leur soutien aux Etats-Unis pour combattre un pays qui maintient des liens avec des terroristes. Ils appelaient également le Conseil de sécurité de l’ONU à « prendre les mesures nécessaires » afin de faire en sorte que l’Irak ne soit plus une menace.554 Toutefois, on sait que cette lettre a été dictée par un lobbyiste du Pentagone, Bruce Jackson, lors d’une réception à l’ambassade de Slovaquie à Washington.555

On peut expliquer ce soutien des pays de l’Europe de l’Est par le désir d’être sous le parapluie

      

550 Gaelle BRIGUET, “Grands Etats européens dans la guerre d’Irak”, Euryopa, UNIGE, 2005, p. 42 551 Ibid., p. 43

552 Ces 8 dirigeants sont: Vaclav Havel (République Tchèque), Jose Maria Aznar (Espagne), José-Manuel Duro

Barroso (Portugal), Silvio Berlusconi (Italie), Tony Blair (Grande-Bretagne), Peter Medgyessy (Hongrie), Leszek Miller (Pologne), Anders Fogh Rasmussen (Danemark)

553 Pour la Lettre des 8, voir www.grip.org/bdg/g2026.html consulté le 23 Janvier 2013

554 Pour la déclaration des pays du groupe de Vilnius, voir www.novinite.com/view_news.php?id=19022

consulté le 23 Janvier 2013 

américain contre le danger russe. En tant que pays ex-communistes, ils pensent que seuls les Etats-Unis peuvent assurer leur sécurité en cas d’une agression russe, c’est pourquoi, ils sont toujours plus atlantistes. Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique, attire l’attention sur le lien entre l'adhésion de ces pays effective ou promise à l'OTAN et leur manifestation de soutien à la politique de Bush contre Saddam Hussein556. A part la Hongrie, la République Tchèque et la Pologne qui étaient membres de l’OTAN depuis 1999, tous les autres pays qui appartenaient au groupe de Vilnius sont devenus membres de l’OTAN en 2004.

Les réactions n’ont pas tardé à se faire sentir à la suite de la publication de ces deux textes. Le 14 février 2003, lors d’une réunion du Conseil de sécurité, Dominique de Villepin a noté que « premièrement, l'option des inspections n'a pas été conduite jusqu'à son terme et peut apporter une réponse efficace à l'impératif du désarmement de l'Irak; deuxièmement, c'est qu'un usage de la force serait si lourd de conséquences pour les hommes, pour la région et pour la stabilité internationale qu'il ne saurait être envisagé qu'en dernière extrémité [...] Il y a ceux qui pensent que dans leur principe, les inspections ne peuvent avoir aucune efficacité. Mais je rappelle que c'est le fondement même de la résolution 1441 et que les inspections donnent des résultats. On peut les juger insuffisantes mais elles sont là. Il y a ceux qui croient que la poursuite du processus d'inspection serait une sorte de manœuvre de retardement visant à empêcher une intervention militaire. Cela pose naturellement la question du temps imparti à l'Irak [...] L'option de la guerre peut apparaître a priori la plus rapide. Mais n'oublions pas qu'après avoir gagné la guerre, il faut construire la paix. Et ne nous voilons pas la face: cela sera long et difficile, car il faudra préserver l'unité de l'Irak, rétablir de manière durable la stabilité dans un pays et une région durement affectés par l'intrusion de la force”557. Cette déclaration du Ministre des Affaires étrangères français, vue comme l’une des plus importantes déclarations des opposants au conflit en Irak au début de l’année 2003, explique d’une façon claire les arguments des pays ayant refusé la politique des Etats-Unis.

Par ailleurs, la coalition qui planifiait d’attaquer l’Irak espérait encore le soutien des Nations Unies. Par conséquent, le 24 février 2003, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne ont

      

556 Pierre VERLUISE, “Chronologie des élargissements de l’UE et de l’OTAN”, Diploweb, 24 avril 2004,

www.diploweb.com/ue/chronologieelargissements.htm consulté le 23 Janvier 2013

557 Le discours de Dominique de Villepin du 14 février 2003, http://2villepin.free.fr/index.php/2007/02/14/305-

présenté au Conseil de sécurité un nouveau projet de résolution.558 Ce projet affirmait que la résolution 1441 donnait une dernière chance à l’Irak et ce pays n’a pas apporté toutes les informations qu’on lui demandait, l’Irak aurait ainsi violé la résolution. Donc, le Conseil de sécurité devrait agir pour assurer la sécurité internationale. Mais comme les opposants à la guerre se sont directement opposés à une telle résolution, elle n’a pas été soumise au vote en vue d’éviter un veto français et/ou russe.