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À propos de l'économie sociale

DÉFIS ET ENJEUX ÉCONOMIQUES

1. L'INSCRIPTION DANS L'ÉCONOMIE SOCIALE

1.1. À propos de l'économie sociale

L'économie sociale comme nous l'envisageons ici renvoie à celle qu'on nomme de plus en plus la nouvelle économie sociale, celle qui se présente comme un faisceau de pratiques nouvelles de production de biens et services, de solidarité et de sociabilité, celle qui ne concerne pas que l'emploi, mais aussi l'intégration sociale. Il nous apparaît important à ce moment-ci d'esquisser quelques éléments de clarification quant à l'économie sociale et aux réalités qu'elle recoupe afin de pouvoir mieux cerner la place que peuvent y occuper des organisations telles que les cuisines collectives.

Parce qu'elle joue à la fois sur le tableau de l'économie au sens pur et dur, univers des chiffres et de la rentabilité, et sur le tableau plus humaniste du lien social et du bien-être des populations, l'économie sociale, dans sa version renouvelée, offre des contours mouvants qui rendent sa définition difficile à délimiter. En nous référant à Favreau (1999), Bidet (1997), Laville (1994) et Defourny et Monzon Campos (1992), nous pouvons en arriver à dégager des traits communs des organisations dont on dit qu'elles font partie de l'économie sociale. Ces organisations se caractérisent d'abord et avant tout par leur alliance du social et de l'économique. Elles valorisent la production de biens et services, mais dans la perspective première de l'utilité sociale et de la lutte à la précarisation et à l'exclusion. Ces organisations sont créées par des gens du milieu où elles se déploient. Elles se présentent comme des organisations regroupant des personnes plutôt que des capitaux. Les membres sont partie prenante de l'organisation qui, à son tour, se caractérise en conséquence par son fonctionnement démocratique différent du fonctionnement basé sur une répartition variable du pouvoir comme c'est le cas pour l'entreprise fondée sur l'actionnariat. Finalement, lorsqu'elles génèrent des profits, ces organisations les réinvestissent pour le développement collectif L'OCDE (1999) rapporte une définition par Mertens et Simon de l'économie sociale en Belgique flamande, qui correspond en grande partie aux éléments du descriptif précédent.

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Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré : Entraide et services de proximité : l’expérience des cuisines collectives, Lucie Fréchette, ISBN 2-7605-1078-6 • D1078N

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L'économie sociale consiste en une diversité d'entreprises et d'initiatives qui mettent en avant dans leurs objectifs la réalisation de certaines plus-values sociales et qui respectent les principes suivants: priorité du travail sur le capital, processus de décision démocratique, implication sociale, transparence, qualité, durabilité. Une attention particulière est portée à la qualité des relations internes et externes. Ces organisations offrent des biens et services sur le marché et engagent leurs moyens économiques d'une manière efficace dans le but d'assurer leur continuité et leur rentabilité (Mertens et Simon, cité dans OCDE, 1999, p. 21).

Le registre de l'économie sociale couvre donc des formes plurielles d'organisations et d'interventions. Certaines se caractérisant plus par l'insertion par l'activité économique de personnes en difficulté en raison du chômage, de la sous-scolarisation ou de difficultés physiques, psychologiques ou sociales qui handicapent leur vie personnelle ou professionnelle. Ces organisations regroupent surtout des organismes de formation à l'emploi et des organismes dont la mission dominante est l'insertion socioprofessionnelle. Les carrefours jeunesse-emploi, aujourd'hui au nombre de 85 au Québec, sont un bon exemple de la formation à l'emploi, tout comme SOS Vélo est un exemple de l'insertion socioprofessionnelle active.

SOS vélo

SOS Vélo est un organisme à but non lucratif, créé en 1995 dans l'est de Montréal. L'organisme est centré sur la formation des jeunes adultes sous-scolarisés, la plupart ayant été des décrocheurs scolaires en début du secon-daire. Environ quinze à dix-huit jeunes y sont embauchés pour du recyclage de bicyclettes. L'entreprise fabrique trois modèles de vélos et les vend à des prix compétitifs sur le marché. Un article du journal Le Devoir (2/5/97) rapportait qu'environ 50 % des jeunes formés à SOS Vélo ont par la suite trouvé un emploi.

D'autres organisations ont pour dominante la solidarité entre les membres et la production de services aux personnes et aux familles. C'est la catégorie des services de proximité. Elles innovent en créant de nouveaux services pour reconquérir la dignité menacée par la précarisation et l'exclusion et reprendre du pouvoir d'abord sur le vécu quotidien afin d'enclencher ensuite une dynamique de développement local. La majorité des cuisines collectives se reconnaissent dans cette catégorie ou l'on

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retrouve des initiatives diverses comme les jardins communautaires, des restaurants populaires, des maisons de quartier, des maisons de la famille, des programmes de loisirs éducatifs, etc. La cuisine Les Tabliers en folie de Richmond fournit un bon exemple de service de proximité ciblant l'entraide et le développement communautaire.

Finalement, une troisième catégorie d'organisations de l'économie sociale sont dénommées « entreprises sociales », parce que la finalité sociale est arrimée principalement à une dynamique entrepreneuriale. On parle de réelles entreprises qui cherchent la viabilité, qui ne sont pas essentiellement centrées sur le profit, mais plutôt sur la satisfaction d'objectifs économiques et sociaux par la production de biens ou de services destinés au plus grand nombre, donc accessibles aux populations fragilisées ou démunies. Au Québec, les Corporations de développement économique communautaire (CDEC)1 sont un moteur de création de ce type d'entreprises sociales. La coopérative Bon Ménage Plus de Montréal est une entreprise où des jeunes en difficulté deviennent des travailleurs dans le domaine de l'entretien domiciliaire (ménage, réparations, peinture, etc.). La Corporation de développement communautaire (CDC) Bas-Richelieu est un exemple d'organisme de soutien qui a favorisé la transformation d'un groupe d'entraide traditionnel (distribution de vêtements, entraide personnalisée, etc.) en entreprise sociale. L'Atelier du Chômeur est maintenant une entreprise viable qui recycle des vêtements, des appareils ménagers et des ordinateurs (Beaudoin et Favreau, 2000).

1. La démarche des CDEC en milieu urbain met en partenariat local des groupes du secteur communautaire (organisations communautaires et coopératives, groupes de femmes et syndicats), du secteur privé (entreprises et institutions financières) et du secteur public (municipalités et gouvernements) pour favoriser les concertations et coordinations nécessaires à la revitalisation des quartiers. Si chacun y retrouve une partie de ses intérêts, des synergies se créent entre les différents acteurs, qui parviennent souvent à s'entendre autour de priorités de développement pour leur quartier. L'angle d'attaque des problèmes sociaux et économiques n'est pas que social. L'intervention est tout à la fois « économique» et « sociale », c'est-à-dire qu'elle vise à maximiser la circulation de l'argent et la création d'emplois par la production et l'échange de biens et de services dans les quartiers eux-mêmes, tout en cultivant chez les résidants le sentiment d'appartenance. Les CDC quant à elles regroupent les organismes communautaires le plus souvent sur une base infrarégionale (MRC) pour additionner leurs forces et gagner du pouvoir dans l'optique de la stimulation du développement de la communauté.

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La coopérative Bon Ménage-Plus

Démarrée à l'initiative de l'Auberge communautaire du Sud-Ouest, maison pour jeunes sans-abri, et appuyée par le RESO (Regroupement pour la relance sociale et économique du sud-ouest), Bon Ménage-Plus est devenue une coopérative qui emploie une vingtaine de jeunes. L'entreprise, qui a choisi le statut coopératif, vend des services d'entretien ménager, de répa-rations et de rénovation mineure sur le territoire sud-ouest de Montréal, principalement dans Ville-Émard et Saint-Henri2.

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