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Économie sociale et services de proximité

DÉFIS ET ENJEUX ÉCONOMIQUES

1. L'INSCRIPTION DANS L'ÉCONOMIE SOCIALE

1.2. Économie sociale et services de proximité

Au premier chapitre, il est fait mention du potentiel des cuisines collectives pour s'insérer dans une démarche d'économie sociale à partir de la conception de leur apport comme service de proximité. Les services de proximité renvoient à une expression française qui s'est répandue peu à peu depuis le début des années 1990 et qui nous semble mieux adaptée que la notion de services aux personnes.

Celle-ci donne en effet l'impression que l'intervention s'effectue auprès des individus en dehors de toute approche communautaire. La première tentative de définition des services de proximité est attribuée à Laville et Eme (Flipo, 1998) qui les cernent comme des activités marchandes ou partiellement marchandes, circonscrites à un espace local quotidien leur imprimant une fonction sociale relationnelle, qui répondent dans un délai assez court ou de façon périodique à des besoins non satisfaits des particuliers, besoins relevant de pratiques de la vie quotidienne ou renvoyant à une utilité sociale admise majoritairement.

La notion de proximité recouvre plus d'un sens. Blin et Rousselot (1998) mentionnent à cet effet la proximité géographique, la proximité sociale et la proximité institutionnelle, qui font que l'offre de services est envisagée selon une logique territoriale au carrefour des rapports à l'espace, à l'institution et aux autres. L'idée de proximité est de prime abord reliée à la localisation ; la proximité est géographique. Le service se développe dans le territoire habité par les usagers. De son côté, la proximité sociale réside dans le fait de cibler une catégorie de la population en situation de vulnérabilité sociale et économique qui a besoin d'une personnalisation des services.

Déjà atteints dans leur identité et leur dignité par la précarisation

2. Pour en savoir plus, on peut lire Laplante, Duguay et Favreau (1998), La coopérative Bon Ménage-Plus: une coopérative d'insertion de jeunes sur le marché du travail, Cahier de la CRDC, Hull, Université du Québec à Hull.

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Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré : Entraide et services de proximité : l’expérience des cuisines collectives, Lucie Fréchette, ISBN 2-7605-1078-6 • D1078N

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ou la pauvreté, ces gens ont besoin d'être reconnus comme personnes et interpellés comme participants du service. Les services de proximité, le plus souvent des organisations du secteur communautaire, les abordent comme des individus et des citoyens, et non comme des numéros ou des cas. Enfin, Blin et Rousselot mentionnent une proximité institutionnelle, celle qui favorise les relations avec les autres services locaux et les services spécialisés communautaires ou du secteur institutionnel. L'incontournable est toutefois la proximité relationnelle, celle qui crée le lien de confiance sans lequel le recours aux services demeure éphémère, sans lequel la réciprocité est évacuée, sans lequel la production du bien ne diffère que fort peu de celle de l'économie marchande ou du service public traditionnel traitant avec les populations plutôt qu'avec les personnes et leur micro-environnement.

Laville (1998) fait référence quant à lui à une proximité objective et à une proximité subjective. Par proximité objective, il entend l'ancrage dans le territoire local ou de voisinage; par proximité subjective, il met l'accent sur la dimension relationnelle qui fait que les usagers et les intervenants sont coproducteurs du service. La dimension subjective est celle qui rejoint la question de l'entraide comme fondement de plusieurs des services. En effet, l'utilité sociale du service de proximité prime sur sa viabilité économique dans le cas de plusieurs organisations communautaires qui valorisent l'entraide et l'empowerment comme marqueurs de la qualité des démarches de coproduction ou d'élaboration de services de proximité. Certains organismes maximisent la production de biens et services en raison de la conjoncture dans laquelle ils sont placés ou en raison du type de membres actifs au sein de l'organisme. Des groupes oeuvrant dans le domaine du maintien à domicile ou dans celui de la garde des enfants sont des exemples de services de proximité qui donnent maintenant lieu à la production de services dont les assises économiques et sociales sont solides et viables. Ce sont d'ailleurs les services les plus connus. D'autres types de services répondent plutôt à des besoins de populations plus fragilisées ou dont la nature des besoins fait que la réponse réside d'abord dans un parcours d'entraide et de valorisation des savoir-faire, renforçant l'estime de soi et ouvrant à l'acquisition de compétences nouvelles pour la vie en société et éventuellement à l'insertion socioprofessionnelle.

Les services de proximité, que Laville (1998) nomme aussi services solidaires, mettant ainsi en évidence le sous-entendu de la réciprocité et de l'entraide fondant ces services, sont multiples. Celui-ci rapporte que la Commission européenne (1995) les classe en quatre grandes catégories : les services de la vie quotidienne, les services d'amélioration du cadre de vie, les services culturels et de loisirs, les services d'environnement. Les services de proximité se distinguent des services sociaux publics en ce sens qu'ils

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sont conçus à partir d'une expression des besoins plus près des populations locales et qu'ils ont plus de chances ainsi de répondre à des demandes nouvelles en raison des changements conjoncturels liés à la crise de l'emploi et des dispositifs de socialisation tels que la famille et l'école. Ces services s'éloignent de l'assistancialisme et envisagent l'usager non seulement comme un acteur du changement de sa propre situation et de sa souffrance, mais encore comme un participant au développement de son quartier ou de son village. Les services de proximité s'engagent donc dans des trajectoires qui rejoignent des groupes dans leur projet parfois personnel, parfois familial, parfois professionnel et qui les invitent à participer à un projet social en expérimentant collectivement de nouveaux rôles sociaux.

Le développement de services de proximité dans des organismes à but non lucratif est souhaitable pour des raisons autres qu'économiques, notamment pour son apport à la démocratie et au maintien du lien social. La coproduction n'est pas qu'une simple transaction où prestataires et bénéficiaires ne font qu'interagir pour produire le service. La façon d'intervenir des animateurs des organisations communautaires fait que la production devient un terrain propice à l'élaboration de modalités spécifiques de participation dans le cadre desquelles se construisent des processus d'innovation sociale où les valeurs de citoyenneté, de civilité et de démocratie peuvent se renouveler et trouver de nouveaux modes d'expression. Le service de proximité est personnalisé, tout en inscrivant les populations dans une démarche de collectivisation des problèmes. « La "citoyenneté locale" peut s'exercer sur des objets qui concernent la vie de tous les jours, dossiers relativement accessibles et simples des équipements et services locaux, questions concrètes de fonctionnement concernant directement les usagers locaux, revendications pouvant recevoir une réponse dans le cadre d'une politique locale », écrit avec à-propos Gontcharoff (1999).

En ce qui concerne les cuisines collectives, on remarque toutefois qu'à ce stade-ci de leur développement elles génèrent encore peu de surplus en termes économiques et que peu d'entre elles envisagent un développement dans le sens de la mise sur pied d'une entreprise si modeste soit-elle. Il ne faut pas s'en étonner du fait de la difficulté à générer des profits en travaillant dans des milieux qu'on qualifie généralement de peu solvables. Il ne s'agit pas là de la seule explication. Il faut aussi considérer le fait que les intervenants y travaillent surtout avec des objectifs sociaux ou sociosanitaires, tout comme les institutions qui soutiennent les cuisines le font le plus souvent avec des intentions de soutien social des plus démunis. Finalement, le fonctionnement des cuisines est organisé en fonction du service aux familles, de façon prioritaire, et de l'ouverture à la production de biens et services qui rapportent des revenus, de façon secondaire.

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Il n'en demeure pas moins que les cuisines collectives les plus dynamiques s'inscrivent dans la lignée des organisations d'autoproduction et qu'elles constituent ainsi des organisations participant d'une économie même non monétaire. Ces cuisines, en plus d'agir en fonction de la socialisation de leurs membres, constituent des formes alternatives d'intégration dans la vie professionnelle. Même si certains décrient les services de proximité comme étant des activités à caractère occupationnel, il n'en demeure pas moins que les cuisines collectives, en intégrant des gens dans une collectivité de travail ou de production, contribuent à l'amélioration de leurs compétences personnelles, relationnelles et professionnelles. D'une part, les cuisines prédisposent à l'insertion professionnelle réelle des gens qui ne portent pas de handicaps sociaux ou culturels lourds et, d'autre part, elles outillent des gens fragilisés pour les aider à mieux rebondir en cas de coups durs sur le plan économique. Finalement, ces cuisines collectives contribuent à la revitalisation sociale et économique des communautés locales en s'inscrivant dans la foulée des organisations communautaires qui réactivent les réseaux de solidarité contrant les effets de l'appauvrissement et participant à l'effort de développement économique communautaire.

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