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Facteurs favorisant la portée des actions préventives

DANS UNE PERSPECTIVE DE PRÉVENTION SOCIALE

UNE DYNAMIQUE DE PRÉVENTION ET DE PROMOTION

1.2. Facteurs favorisant la portée des actions préventives

Des projets de prévention, même s'ils ne sont pas encore très nombreux, ont fait l'objet de recherche évaluative. De plus, par l'intermédiaire de devis de recherche qualitative, des chercheurs ont analysé des projets et des itinéraires d'intervenants en prévention et ont dégagé des conditions favorisant la portée la plus efficace possible des actions préventives. Geller (1986), sans faire une étude exhaustive de la réussite en prévention, indique que le choix des interventions en prévention au sens écologique du terme doit être précédé d'une analyse où entrent en considération des dimensions sociale, économique et environnementale. Ces interventions doivent impliquer des gens du terrain depuis la famille jusqu'à des membres de la communauté locale. Elles doivent se situer sur une longue période et comporter une évaluation de leurs retombées tant au niveau micro-social que macro-social. Au Québec, Blanchet et ses collaborateurs (1993) ont dégagé de leurs travaux des caractéristiques des programmes efficaces. De leur côté, Chamberland et ses collègues (1996) ont étudié les conditions favorisant la réussite des projets en prévention à partir de l'étude de 307 projets considérés comme des expériences positives en prévention et à partir de sondages auprès d'intervenants en prévention sociale.

On trouvera en encadré les cinq facteurs ou conditions favorisant la réussite les plus souvent choisis par les intervenants, choix qui correspondent à ceux effectués par 50 organisateurs communautaires de partout au Québec soumis à un sondage presque identique.

Si l'on relit l'expérience des cuisines collectives sous l'éclairage qu'ap-portent ces facteurs, on constate qu'on peut les appliquer par extrapolation à cette forme d'intervention lorsque celle-ci est envisagée dans la perspective de la prévention des problèmes sociaux liés à l'appauvrissement et à l'exclusion. Les résultats campent d'abord clairement le rapport positif avec la communauté locale. On voit la nécessité de miser sur les acquis et sur les

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Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré : Entraide et services de proximité : l’expérience des cuisines collectives, Lucie Fréchette, ISBN 2-7605-1078-6 • D1078N

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forces en présence, l'importance de la création des alliances et des complicités, de même que le rapport de partenariat. Il s'agit alors d'un réel partenariat où le pouvoir de décision est équitablement réparti. L'intervention doit d'ailleurs, selon les répondants, accroître les compétences et le pouvoir des gens et de la collectivité, référence on ne peut plus pertinente à l'empowerment dans son sens individuel et communautaire.

Facteurs favorisant la réussite des projets en prévention sociale selon les intervenants

1. Le projet mise sur les forces des gens et sur la valorisation des ressources et des acquis locaux.

2. Le projet possède une démarche planifiée d'intervention avec des objectifs clairs et atteignables.

3. Le projet établit des alliances avec la communauté locale, intervient en concertation et laisse un pouvoir de décision aux participants.

4. Le projet enrichit les compétences, l'autonomie et le pouvoir de décision dans la communauté locale ou le groupe concerné.

5. Le projet utilise différentes stratégies d'intervention et de multiples ressources d'aide à l'intérieur et à l'extérieur du projet.

Miser sur les forces des gens et sur la valorisation des acquis locaux s'avère généralement le point de départ des projets instaurés par les intervenants sociaux (organisateurs communautaires et autres intervenants sociaux) du secteur communautaire qui adhèrent à l'approche communautaire.

C'est aussi dans cet esprit que les animatrices des cuisines rassemblent les membres des cuisines. Elles le font bien sûr à partir d'un problème commun, mais aussi à partir des acquis et des motivations des personnes recrutées. On fait référence ici à la motivation pour mieux habiter cet espace domestique constitué par la cuisine, espace plus identifié aux femmes, les hommes intervenant surtout de façon occasionnelle dans les activités culinaires. Même dans une société où l'on cherche à contrer un partage sexué des tâches, les référents culturels associent encore les femmes à la cuisine.

Loin de nous l'idée de réduire l'expertise féminine à la cuisine. Il faut toutefois reconnaître qu'il s'agit là d'un domaine où il est possible de miser sur des acquis traditionnels et où il est possible de mobiliser des femmes.

Les cuisines collectives regroupent des femmes dont l'expérience domestique est variable. Les unes ont des trajectoires personnelles et familiales qui les ont bien outillées, d'autres ont plutôt vécu des situations qui ne leur ont

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pas permis d'acquérir une organisation domestique incluant des habiletés culinaires satisfaisantes. Les cuisines collectives dynamiques valorisent le potentiel des femmes dans plusieurs sphères de leur vie, dont celle de la gestion domestique en tant que soutien à un bon fonctionnement de la vie familiale.

Miser sur les forces en présence, c'est aussi rassembler les membres dans la perspective de faire profiter les uns les autres des compétences ou de la créativité de chacun. Les animatrices des cuisines créent des occasions pour mettre en valeur l'apport particulier des membres et en font l'assise de l'entraide. Miser sur ces forces, c'est transformer les aidés en aidants. C'est fournir des occasions où l'entraide est mise en branle non pas dans un rapport de dépendance envers des animatrices mais dans un rapport d'échange entre les membres. Chacun et chacune endossent à un moment ou l'autre un rôle de donateur ou d'aidant puis un rôle de donataire ou d'aidé. La relation prend alors peu à peu forme de solidarité.

Le deuxième facteur relevé renvoie à la qualité de la démarche d'intervention. Il est intéressant de noter qu'on n'associe pas la prévention à une intervention de l'ordre de la génération spontanée ni de l'improvisation. Ce n'est pas parce que la prévention est oeuvre de longue haleine et qu'elle emprunte des voies diverses qu'elle doit souffrir de carence d'organisation. Les réussites proviennent de projets où l'intervention possède une démarche planifiée, des objectifs clairs, un cheminement défini et une cible de l'ordre du possible. La prévention est affaire de souplesse, d'évaluation régulière et de rajustements ponctuels, le tout s'inscrivant dans un cadre de travail déterminé et soutenu par une démarche où les intervenants et les acteurs en cause savent dans quelle direction s'oriente l'intervention. Les cuisines dynamiques portent une attention particulière à l'énoncé d'objectifs clairs et à leur appropriation par les membres.

Dans les cuisines dynamiques, les animatrices savent que l'organisation des cuisines qui durent et engendrent des retombées chez les membres n'est pas affaire de spontanéité ni seulement de réaction aux premiers besoins exprimés par les membres. Ces cuisines affichent une démarche méthodique, organisée autour d'objectifs clairs, d'une programmation souple, de mécanismes d'évaluation de l'action et d'un effort constant pour s'assurer de la participation des membres à l'ensemble de la démarche d'intervention.

La question des objectifs d'intervention a été soulignée à juste titre par les répondants à nos sondages. Il importe que ces objectifs soient simplement énoncés, qu'ils soient précis et visent une cible atteignable. D'une part, il ne s'agit pas de transformer les animatrices en éteignoirs des rêves et des désirs de membres ou de bénévoles plus sensibilisés aux enjeux sociaux

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actuels et qui expriment des objectifs en termes plus larges. Des objectifs comme la redistribution équitable de la richesse collective ou le renforcement du lien social dans une communauté sont éminemment importants et doivent faire partie du panorama des cuisines collectives en tant qu'organisations luttant contre l'appauvrissement et l'exclusion. Dans le cas des cuisines collectives, des objectifs d'un tel calibre ont besoin d'être complétés par des objectifs spécifiques qui pourront faire l'objet dévaluation périodique de la part des membres. Réduire l'isolement social, élargir le registre des compétences dans tel ou tel domaine (alphabétisation, nutrition, budgétisation, animation, etc.) sont des objectifs habituellement plus proches de ce que souhaitent les membres, qui peuvent alors davantage participer au choix des activités pour atteindre ces objectifs.

La prévention s'inscrit sur un processus à long terme qui, dans la perspective écologique, exige différentes cibles d'action. Les organismes qui travaillent dans la perspective préventive ont généralement un spectre d'action assez large ou s'inscrivent dans des concertations et des partenariats qui prolongent la portée de leurs actions. La multidirectionnalité de l'action préventive et la souplesse des programmes qui y sont conçus traduisent la mouvance de la prévention sociale.

Celle-ci doit être arrimée à un milieu qui change à la faveur d'influences diverses, ce qui exige une intervention capable de pivoter sur son axe central de façon à se réajuster et se propulser toujours en avant. La prévention sociale n'est donc pas une intervention linéaire, car elle comporte des itinéraires ressemblant à une spirale. La direction doit être bien ciblée, mais les parcours ne doivent pas être rigides.

La question du pouvoir de décision des participants est en lien avec ce qui précède en ce sens que cette idée aurait avantage à se greffer à la démarche planifiée d'intervention qui, dès le départ, prévoit une façon de faire qui insère les membres dans le processus de décision de l'organisme. La participation à des délibérations, à de la planification et à des choix fait partie du processus d'empowerment des membres des cuisines.

Cette participation appartient au discours des cuisines. Les cuisines collectives qui ciblent l'apprentissage de la vie de groupe et du fonctionnement démocratique adoptent généralement une démarche planifiée de travail qui comporte une participation active des femmes aux diverses étapes de la démarche et elles évaluent avec ces femmes le fonctionnement du groupe de façon périodique. Cependant même les organismes forts d'une tradition démocratique indiquent qu'il y a encore tout un travail à faire pour préciser la place des processus participatifs dans la mise en oeuvre des interventions de prévention. Ce processus participatif exige du temps et doit faire l'objet d'une négociation constante entre le souci d'efficacité à moyen terme,

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l'empowerment escompté chez les membres et la marge de manoeuvre dont disposent les animateurs pour leur propre action au sein de l'organisme.

Dans les organisations communautaires à composante majoritairement ou essentiellement féminine, la question de la participation est aussi associée à la transformation des rôles masculins et féminins. Les collectifs de femmes utilisent l'échange et la rencontre pour resituer la place des femmes. Les orientations fondant le développement de collectifs de femmes axés sur l'entraide et le développement local font qu'elles ne sont pas dirigées par des animatrices mais qu'elles s'organisent elles-mêmes. L'activité de ces groupes n'est plus centrée sur la seule production de biens ou de services, si importants soient-ils. Elle relève aussi de l'ordre symbolique en ce sens qu'elle participe de la construction d'une identité sociale renouvelée (Ogier, 1999). La participation est ainsi identifiée comme un facteur essentiel du développement des collectifs de femmes, dont les cuisines collectives.

2. FACTEURS PSYCHOSOCIAUX LIÉS À LA VITALITÉ DES

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