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Le programme théorique et méthodologique du mouvement analysé, porté ou critiqué par les acteurs du champ disciplinaire

La vitesse de diffusion d'un mouvement scientifique

Encadré 1.2 Histoire d’un label

2. La Géographie théorique et quantitative en France et dans l’Europe francophone : état des connaissances

2.3. Le programme théorique et méthodologique du mouvement analysé, porté ou critiqué par les acteurs du champ disciplinaire

Au-delà de l’analyse temporelle du mouvement théorique et quantitatif en géographie, notre travail doit étudier la structuration de son cœur de connaissances (Frickel, Gross, 2005). Nous le ferons au moyen de différentes analyses (celle des réseaux sémantiques liant les géographes entre eux, ou encore celle des thèmes et contenus abordés lors des diverses sessions d’enseignements). Ceci nous permettra non seulement d’aborder les méthodes et les théories développées par ce mouvement scientifique mais aussi de déterminer dans quelle mesure nous pouvons dire qu’il est transversal au champ disciplinaire. Nous ne souhaitons pas entrer dans le détail des contenus, mais seulement montrer les aspects du programme théorique et méthodologique dont les acteurs du champ scientifique ont rendu compte, en particulier dans leurs activités de formation. Comme nous l’avons précédemment évoqué, des acteurs du mouvement tels que R. Brunet (1976), M. Vigouroux (1978) ou surtout D. Pumain (2010), ont balisé dans la littérature scientifique le programme méthodologique et théorique du mouvement, alors que ses opposants ont principalement balayé l’intérêt de ses contenus et montré en quoi ils étaient rapidement dépassés. À l’extrême, J. Scheibling lance ainsi des banderilles sans traiter de programmes effectifs :

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« La géographie théorique n’a produit que de la théorie. Les ouvrages de géographie théorique se livrent en général à une justification de la démarche hypothético-déductive. Ils proposent des perfectionnements des modèles mathématiques de plus en plus sophistiqués. Mais les applications sont peu probantes. Le retour à la réalité est décevant. » (Scheibling, 2011, p. 97)

Si la plupart des auteurs s’accordent à dire que ce mouvement a introduit des méthodes nouvelles en géographie, tous ne signalent pas son apport théorique. En effet, de nombreux auteurs limitent la portée de ce mouvement en le cantonnant à ses aspects purement méthodologiques, notamment dans les manuels, comme par exemple A. Bailly et R. Ferras qui font référence aux méthodes, systèmes d’information géographique et autres outils (Bailly, Ferras, 1996, p. 49). Ils affirment d'ailleurs, comme P. Claval (1998), que les méthodes se sont diffusées mais que finalement l'ambition théorique n'aurait pas été atteinte. Pourtant, D. Pumain (2010) relève par exemple que le premier tome de la collection de Géographie universelle du GIP RECLUS (publiée à partir de 1990, d’abord chez Hachette puis chez Belin) était intitulé « Lois de l'espace » (Pumain, 2010, p. 170). Elle affirme que s'est produite une première phase avec des « emprunts passifs » suivie d'une période caractérisée par « un projet scientifique » porté par des outils propres aux géographes. Il semblerait alors que les outils aient été au service du renouvellement théorique, ce que S. Rimbert avait déjà appelé de ses vœux dès 1972.

Au milieu des années 1970, devant les « nouveaux géographes » britanniques, R. Brunet définit ainsi la « new geography » en indiquant qu’elle ne représente qu’une partie du renouvellement de la discipline :

« Le mouvement de la recherche géographique française vers la « new geography » n’est qu’un des aspects de son renouvellement. Sous ce terme, on entendra l’effort vers une géographie plus scientifique, intégrant les apports de la logique aussi bien que des procédures rigoureuses de traitement statistique, ce qui regroupe à peu près la géographie « théorique » et la géographie « quantitative ». » (Brunet, 1976, p. 40)

Il montre qu’à ce moment-là de l’histoire du mouvement, tout reste encore à accomplir pour des acteurs qui n’en sont encore qu’à l’apprentissage des outils :

« La pratique se limite souvent aux techniques d’analyse factorielle, d’autant que les mathématiciens français ont largement diffusé un algorithme original et commode (analyse des correspondances). L’ampleur du saut ainsi effectué pose des problèmes : maîtrise des procédures et surtout interprétation des résultats, absence réelle d’application d’autres procédures plus simples (probabilités, ajustement à des modèles de gravité ou de potentiel, etc.). » (Brunet, 1976, p. 40)

Il note toutefois une évolution avec l’apparition de nouvelles préoccupations autour des problèmes d’auto-corrélation spatiale, de l’utilisation de la théorie des graphes ou encore des procédures bayésiennes et markoviennes. Mais il souligne que « les géographes français […] doivent se contenter [en 1976] d’utiliser les procédures mises au point à l’étranger, sauf rares exceptions » (Brunet, 1976, p. 41), tout en voulant croire à l’éclosion prochaine de nouveautés. S’il affirme que la rénovation théorique est moins avancée, il note cependant un certain nombre d’idées neuves, ou plus souvent d’intuitions, parfois d’embryons de théories, en affirmant

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qu’ « on n’est sans doute pas loin de quelques publications essentielles » (ibid.). Il fait finalement ce vœu car selon lui :

« L’apport fondamental de la « new geography » est sans doute dans la conceptualisation, et la formalisation des recherches, plus que dans la production et l’utilisation de techniques, qui ne sont qu’à leur service. » (Brunet, 1976, p. 41)

À la fin des années 1970, M. Vigouroux (1978a) propose la même analyse en montrant que les débuts du mouvement ont été marqués par l’acquisition de techniques statistiques de base, ce premier stade étant suivi par un temps où se sont combinées des réflexions sur la méthodologie et sur la théorie.

Au début des années 1980, dans la perspective du Congrès international de géographie de Paris de 1984, deux bilans des productions du mouvement sont publiés dans les Annales de géographie, l’un sur la géographie urbaine (Pumain, Saint-Julien, Vigouroux, 1983), l’autre sur la géographie rurale (Rey, Robic, 1983). Surtout, André Dauphiné est délégué46 par le mouvement théorique et quantitatif français devant le Comité national de géographie pour présenter un exposé réflexif sur « la nouvelle géographie en France », qui est selon lui plurielle mais, comme « toute science, se caractérise par un projet, des méthodes, des théories et des techniques » (Dauphiné, 1982, p. 22). Il affirme au début de l’exposé que la « Nouvelle Géographie n’apporte pas un point de vue très neuf » puisque selon lui :

« Comme dans la géographie classique, les nouveaux géographes s’interrogent sur la géographie science de l’espace, et, ils se partagent eux aussi entre deux tendances extrêmes. Certains privilégient les processus physiques ou humains qui structurent l’espace, et délaissent plus ou moins la morphologie spatiale, la géographie est alors la science des contradictions sociales. L’autre position, non moins extrême, qui consiste à privilégier les formes spatiales est moins représentée en France. » (Dauphiné, 1982, pp. 22-23)

Cependant, et c’est ce qu’il va montrer tout au long de l’exposé, des nuances importantes apparaissent entre le programme de la nouvelle géographie et la géographie classique :

« 1. Tous les nouveaux géographes français, inspirés par les idées de F.K. Schaefer, rejettent l’unicité du fait géographique, et donc le réalisme simpliste. L’espace géographique, œuvre du géographe, qu’il convient de distinguer du territoire concret, est une abstraction. Tout le discours sur le réel n’est plus accepté ; le nouveau géographe redécouvre G. Bachelard écrivant : « La connaissance spontanée du réel est anti-scientifique ». La géographie, comme toute science, est une abstraction dont l’objectif est de comprendre, d’expliquer et d’agir sur le réel.

2. La sous-représentation de certains domaines du savoir géographique […] : la géomorphologie et la géographie tropicale sont peu touchées et dans les deux cas, le même argument est avancé : la difficulté de disposer de données fiables pour utiliser les techniques quantitatives. Ceci traduit en fait une méconnaissance de l’outil mathématique qui formalise aussi bien, sinon mieux, le qualitatif que le quantitatif.

3. Le regain d’intérêt pour la géographie régionale […] : en relation avec l’analyse des systèmes, les Jeunes Géographes se sont intéressés à la région. Cette Nouvelle Géographie régionale, encore mal assurée, est une des voies les plus prometteuses. » (Dauphiné, 1982, p. 23)

46 A. Dauphiné écrit dans la conclusion de son exposé : « Nous espérons avoir été un porte-parole relativement fidèle,

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Ce dernier point est illustré par la publication en 1984 de l’ouvrage collectif Géoscopie de la France qui propose une géographie régionale de l’hexagone au prisme de la nouvelle géographie. Outre de proposer une nouvelle géographie régionale, il indique que le programme de la Nouvelle Géographie vise principalement :

1. Le refus de la « méthode classique » (primauté du réalisme, partir du concret, prédilection pour la causalité linéaire),

2. L’appréhension de la méthode expérimentale puis la prédilection pour la méthode mathématique/statistique :

« L’expérimentation, c’est-à-dire des expérimentations répétées sur un même objet, n’est pas possible en géographie, et le test mathématique y supplée. La vérification statistique remplace la vérification expérimentale. » (Dauphiné, 1982, p. 24)

« La Nouvelle Géographie a été assimilée à la géographie quantitative, cette vision est certes simpliste, mais le nouveau géographe réinterprète les techniques dont il dispose, à partir d’une acquisition de connaissances mathématiques. » (Dauphiné, 1982, p. 26)

« Technique privilégiée de la Nouvelle Géographie, elle offre des avantages incomparables [puisque notamment] seule la mathématique permet de remplacer l’expérience, et donc de déboucher sur la vérification, de passer de l’hypothèse à la loi, [et de] formaliser les complexes. » (Dauphiné, 1982, pp. 26-27).

3. L’utilisation de la méthode systémique qui semble avoir un double avantage : elle permet d’analyser des complexes et elle offre un canevas théorique, incomplet car formel, mais très en amont des recherches. L’auteur souligne que les applications n’en sont qu’à leurs débuts.

4. Le développement de théories à travers la recherche et l’application de lois de l’espace :

« Toutes les sciences progressent quand une théorie nouvelle, plus englobante, remplace une théorie ancienne ; et aucune science n’avance en faisant des inventaires et en accumulant des faits. Par rapport aux classiques, se méfiant ou condamnant la démarche théorique, au nom du réalisme, le Nouveau Géographe met au contraire son espoir dans la découverte d’une ou plusieurs théories. […] La Nouvelle Géographie en est encore au stade des transferts, progrès considérable par rapport au refus des anciens, mais de nombreux obstacles restent à franchir.

[…] Il semble bien que deux pistes nouvelles soient ouvertes. La première consiste à utiliser les théories formelles qui se multiplient dans toutes les sciences. Outre la théorie des systèmes, citons la théorie de la morphogénèse de Thom et la théorie des structures dissipatives et de la bifurcation de Prigogine. La seconde consisterait à tester sérieusement les théories néo-libérales et marxistes, en ne négligeant pas leur rapport au réel. […] Il existe des géographes marxistes systémistes. » (p. 25)

Enfin, loin des réserves émises au début de son exposé, A. Dauphiné affirme dans sa conclusion que :

« Quelles que soient les lacunes d’un courant ayant moins de vingt ans d’âge, les ruptures méthodologiques, théoriques, et techniques sont prometteuses. Mais ces recherches demandent de gros efforts ; c’est une fierté que de les avoir entreprises. » (Dauphiné, 1982, p. 27)

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Ce n’est que près de vingt ans plus tard, au début des années 2000, qu’un article se consacre à nouveau au programme du mouvement théorique et quantitatif (Pumain, Robic, 2002). Néanmoins, les deux auteures ne traitent que d’un aspect de ce programme puisque comme le titre de l’article l’indique, elles s’intéressent au rapport entre géographie et mathématiques et notamment aux spécificités du mouvement français par rapport au mouvement anglo-américain. Or, le programme du mouvement ne saurait se résumer comme le montre la littérature, aux seules mathématiques. Par exemple, la modélisation ou l’analyse des systèmes n’a pas forcément trait aux méthodes quantitatives permises par les mathématiques. Grâce à l’analyse de diverses publications scientifiques en géographie française, D. Pumain et M.-C. Robic y établissent leur propre périodisation des années 1970 du point de vue des contenus abordés, qui converge assez fortement avec les deux auteurs précédents, permettant de stabiliser cette version de l’histoire du mouvement :

« La production de géographie quantitative change de nature durant cette décennie, depuis les premières gammes (les premières analyses factorielles, qui paraissent en 1971 dans la littérature grise et dans un numéro du classique Bulletin de l’Association de géographes français) jusqu’aux premières thèses à forte assise mathématique, qui ont mobilisé des moyens de calcul importants tout en s’attaquant à des problèmes géographiques clairement identifiés, et qui sont soutenues à partir de 1979. » (Pumain, Robic, 2002)

Elles achèvent ainsi la démonstration d’un mouvement théorique et quantitatif visible et fécond dans les deux dimensions de son appellation (théorique et quantitatif) :

« Cette production [en géographie théorique et quantitative] est suffisamment abondante et variée pour que, au début des années quatre-vingt, trois recueils esquissent des bilans : exposé dans l’Espace géographique des recherches les plus pointues, tant par leur instrumentation mathématique que par leur thème47 ; sous le titre « Géographie et

informatique » 48, évaluation des apports des nouvelles approches en géographie rurale et

urbaine (un volume des Annales de géographie, une revue désormais tenue pour traditionnelle) ; publication d’une Géoscopie de la France qui, signée de l’auteur collectif Théo Quant, se veut la vitrine d’une géographie capable de produire des visions neuves d’un territoire national. L’occasion – la tenue en France du Congrès international de géographie, en 1984 – a mobilisé l’énergie du mouvement « théorique et quantitatif » […]. L’enjeu : afficher sur la scène internationale la vitalité de la géographie française (voire francophone), et, face à un establishment qui a opposé une vigoureuse résistance à la vague « théorique et quantitative »49, la fécondité des nouvelles démarches de recherche. » (Pumain, Robic, 2002,

p. 126)

Mais l’apport spécifique de l’article de D. Pumain et M.-C. Robic (2002) consiste dans l’étude des contenus explorés et proposés par le mouvement théorique et quantitatif des années 1980 à nos jours, qu’elles traitent à travers l’utilisation des mathématiques, sans toutefois dater précisément les étapes marquant l’évolution du cœur de connaissances du mouvement. Elles

47 Pumain D., Saint-Julien T. (1984), « Après l’analyse factorielle, quoi de neuf en géographie ? », l’Espace Géographique,

n°2, p. 81.

48 Pumain D., Saint-Julien T., Vigouroux M. (1983), « Jouer de l’ordinateur sur un air urbain », Annales de géographie,

vol. 92, n°511, pp. 331-346.

49 George P. (1972), « L’illusion quantitative en géographie », dans Collectif, La pensée géographique française contemporaine,

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distinguent trois facettes principales de l’utilisation des mathématiques en géographie : 1) une évolution des analyses multivariées cartographiées à de la statistique spatiale, 2) un intérêt pour les formes, les structures spatiales, la topologie et la géométrie et 3) une prédilection en France pour la modélisation des systèmes et la simulation. En ce qui concerne le premier aspect, elles affirment que la nature exhaustive de l’information à disposition des géographes explique le recours à des traitements multivariés comme l’analyse factorielle ou la classification ascendante hiérarchique, plutôt qu’à des modèles d’inférence ou des modèles à visée explicative ou prédictive comme la régression multiple. Le succès persistant en géographie de ces lectures de l’information par les techniques d’analyse multivariée, bien au delà de l’effet de mode des années 1970, serait dû à la cartographie des résultats issus de ces analyses. Ce sont des techniques utilisées en dehors de la géographie, comme en statistiques ou en démographie. En ce qui concerne le deuxième aspect (formes, structures spatiales, topologie et géométrie), les auteurs indiquent que non seulement la géométrie mais aussi la topologie, sont sollicitées pour l’étude des formes spatiales, citant l’utilisation des graphes pour l’étude des réseaux – ce type d’analyse convient autant à la géographie physique (réseaux hydrographiques) qu’humaine (réseaux de communication en géographie des transports) –, et montrant donc ici la transversalité du mouvement dans le champ disciplinaire et la portée descriptive ou normative des recherches effectuées :

« Les applications conduisent non seulement à décrire la morphologie des réseaux, leur connexité, leur connectivité, globale ou locale, par des indices, mais aussi à optimiser des tracés d’itinéraires (algorithme du plus court chemin), ou des localisations (recherche du sommet central ou du sommet médian). » (Pumain, Robic, 2002)

Elles rendent également compte d’autres chantiers ouverts, comme la géométrie fractale ou encore l’analyse d’images, qu’elles soient issues de la télédétection ou de la numérisation de cartes. Enfin, elles rendent compte d’un troisième axe des recherches (modélisation des systèmes et simulation) en précisant comment, dans ses choix de modélisation, la géographie se distingue de l’économie. Elles estiment que la géographie est l’une des premières sciences humaines à s’être intéressée à différentes formes de modélisation de la dynamique des systèmes, et les difficultés rencontrées en géographie par leur nécessaire application à des données spatialisées. Elles mettent enfin en garde contre la diffusion des systèmes d’information géographique et l’usage du terme « analyse spatiale » par des personnes qui sont des « SIGistes » : ces phénomènes peuvent être considérés comme une marque de l’empreinte de la géographie théorique et quantitative (elle s’impose dans le lexique global des géographes au-delà du mouvement) ou au contraire comme une marque de sa faiblesse (elle se fait « piquer » sa terminologie).

Les deux auteures concluent leur article en rappelant l’accent mis par les acteurs du mouvement théorique et quantitatif français sur l’intérêt de la modélisation, sur le besoin de méthodologies d’analyse spatiale et sur la notion de système.

Quatre ans plus tard, J.-F. Deneux (2006) rend compte du programme du mouvement théorique et quantitatif en essayant d’être le plus neutre possible, même s’il est comme la plupart des auteurs de cette littérature réflexive sur l’histoire de la géographie, un géographe français situé dans le champ disciplinaire :

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« Dans toute la mesure du possible, on a évité de prendre un parti systématique, préférant poser des problèmes amorçant une réflexion et des discussions critiques plutôt que d’asséner des vérités qui restent à établir. » (Deneux, 2006, p. 5)

Il essaie en effet de rendre compte de manière équivalente des différents courants. Une partie de son travail consiste à rendre compte des travaux de recherche qui ont été produits durant cette période et de les restituer, ce qui lui permet d’analyser de près les contenus du champ disciplinaire. Il étudie le mouvement théorique et quantitatif dans son chapitre 5 qui traite de « La migration du champ disciplinaire : des sciences naturelles aux sciences sociales ». Il identifie et expose dans son chapitre les changements qui interviennent entre 1970 et 1990 avec l’émergence de différentes approches, montrant que le renouvellement a été pluriel. Parmi les cinq renouvellements qu’il identifie dès l’introduction de son chapitre, il cite en premier lieu l’existence d’une « nouvelle géographie » :

« importée des pays anglo-saxons, entendant instaurer une véritable géographie scientifique, s’appuyant sur l’analyse spatiale. À la différence de ses devancières, cette géographie se veut modélisatrice et fonde une grande partie de ses réflexions sur les qualités propres de l’espace, au sens géométrique du terme (distance, espacement, aires, points…). » (Deneux, 2006, p. 127)

Il développe donc un point sur l’ « analyse spatiale » (pp. 128-136) qui est l’une des appellations du mouvement que nous étudions, pas ou très peu employée dans les années 1970 et 1980, en détaillant son programme dans diverses dimensions, indiquant tout d’abord des racines provenant du monde anglo-américain où :

1. L’analyse spatiale « se réfère notamment aux méthodes initiées par les sociologues américains de l’école de Chicago, construisant des modèles de répartition des hommes et des activités sur un territoire. » (Deneux, 2006, p. 129)

2. Le refus de la « conception classique [qui] considérait qu’il n’y avait qu’une loi générale : chaque région est unique » et les acteurs de la « nouvelle géographie » se basent sur « la critique de cette conception [qui] fut menée par F. Schaefer et reprise ensuite par W. Bunge (Theoretical Geography, 1962) » (ibid.)

Plus précisément, il affirme que l’analyse spatiale consiste en deux éléments principaux : 1. « La mesure et la corrélation de multiples distributions […] : l’analyse spatiale propose de privilégier l’examen de l’ensemble des relations entre les lieux (la dimension « horizontale » de la géographie classique), qui sont caractérisés par de très nombreux attributs […]. Les analyses de distribution sont au cœur d’une réflexion, qui a pour objet de souligner les spécificités des répartitions […] à partir de mesures susceptibles d’évaluer ce qui est concentré, dispersé ou localisé de manière aléatoire. [… C’est une] procédure qui enrichit l’approche de la géographie classique par la prise en compte d’un très grand nombre d’indicateurs, stockés dans des bases de données que l’usage de l’informatique permet de traiter. » (Deneux, 2006, p. 130)

2. « La recherche de modèles : l’analyse spatiale se veut pourtant plus ambitieuse. Plutôt que de chercher à isoler des répartitions particulières ou des configurations rares, elle vise plutôt à

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