• Aucun résultat trouvé

Les géographes du mouvement théorique et quantitatif au prisme du Répertoire des géographes français (1969-2007)

Une analyse spatio-temporelle d’un mouvement scientifique par l’affiliation de ses acteurs

1. Les géographes du mouvement théorique et quantitatif au prisme du Répertoire des géographes français (1969-2007)

Sous divers noms, le Répertoire des géographes est édité depuis 1969 par le laboratoire Intergéo du CNRS (devenu depuis janvier 1996 Centre de documentation de l'UMR PRODIG). Il a été lancé à l’initiative de Jean Dresch, le créateur et premier directeur de ce laboratoire de service du CNRS, comme un organe d’information139 dans une communauté scientifique en forte

croissance, parmi d’autres outils telle la revue Intergéo Bulletin. Le septième numéro de cette revue est l’occasion pour J. Dresch (1967) de rappeler le rôle du laboratoire, celui d’ « informer les uns et les autres de ce qui s’élabore et se projette à gauche et à droite, de susciter questions et critiques, d’aider à l’inventaire des ressources » (p. 103). Il est également rappelé l’« effort original entrepris par F. Verger et J.-P. Pinot pour l’établissement d’un fichier documentaire » (p. 105) et l’ « automatisation progressive des fiches » (p. 109). Deux ingénieurs, Anne-Marie Briend et Gérard Joly, ont été responsables de la réalisation du Répertoire durant la presque totalité de la

139 L’information était collectée à l’échelon national dès la création du laboratoire d’Information et de

Documentation en Géographie « Intergéo » (1966). Ce dernier était un laboratoire de service prenant en charge ou coordonnant les efforts de documentation et d’information scientifique en géographie (et en cartographie toutes disciplines). Il était en liaison avec les deux autres centres de documentation du CNRS (Centre de Documentation Sciences Humaines ou CDSH). Ce laboratoire créa plusieurs organes de documentation : Intergeo-Bulletin avec ses enquêtes annuelles auprès de tous les départements de géographie, plusieurs organes de communication ainsi que la poursuite du recensement bibliographique ancien telle la Bibliographie Géographique Internationale (BGI). Le laboratoire possède en outre une cartothèque et une photothèque.

171

période, avec l’aide d’une petite équipe, comme le rappelle en 1979 Roger Brunet, alors directeur d’Intergéo, qui rend hommage à une quinzaine de personnes :

« L'équipe de travail au sein du Laboratoire Intergéo comprenait Roger Brunet, Monique Bigoteau, Anne-Marie Briend et Gérard Joly : elle a mis au point le bordereau, ses zones de codage, pour répondre à des questions ultérieures et faciliter la saisie, la maquette de sortie ; M. Bigoteau a plus particulièrement mis en forme les bordereaux pour la saisie. G. Joly a assuré la programmation. Une douzaine d'autres collaborateurs ont participé aux étapes techniques de la réalisation de l'enquête, comme à la composition et à la mise en page du volume. » (Brunet, 1979b, p. 5)

Intitulées Annuaire des géographes de la France et de l’Afrique francophone, les première et seconde éditions datent de 1969 et 1973. Jean Dresch alors directeur d’Intergéo présente ainsi cette ressource documentaire, ses intérêts et ses limites dans un contexte d’élargissement du monde académique :

« Les géographes français augmentent en nombre. Malgré des colloques ou congrès plus fréquents, les progrès d’une documentation et de moyens de liaison divers, ils se connaissent mal, même d’une université à l’autre. Ils ne savent pas avec précision quels sont leurs travaux, leurs orientations. Des recherches se chevauchent. Du moins conviendrait-il de les coordonner ou de confronter les méthodes. On pourrait plus aisément éviter une dispersion regrettable de travaux qui, entrepris dans un esprit et avec des conceptions souvent différentes, ne permettent pas toujours les comparaisons nécessaires, la convergence et l’harmonisation de moyens toujours déficients. C’est pourquoi Intergéo, dont la raison d’être est précisément d’assurer toute liaison utile, a entrepris de dresser une liste des géographes français et, si possible, de ceux qui, de près ou de loin, s’intéressent à la géographie. La tâche peut paraître élémentaire et simple. Elle s’est avérée si compliquée que le résultat est à la fois incomplet et imparfait. » (Dresch, 1969, p. 3)

Le nom de cette ressource et son contenu évoluent à partir de 1979 devenant le Répertoire des géographes francophones :

« Le regroupement des géographes français et d’Afrique francophone, qui ne tenait qu’à une vieille tradition de l’enseignement universitaire, ne répondait plus ni à la situation politique et universitaire, ni à la situation des sciences géographiques. Nous avons préféré envisager la publication d’un Répertoire des géographes francophones. » (Brunet, 1980, p. 3)

Si la réédition de 1984 conserve le même nom, seuls les géographes français (et non francophones) y sont répertoriés. Mais à partir de 1989, le Répertoire devient celui des géographes français et une réédition a lieu tous les quatre ans. Il est mis en ligne dans son édition de 2007.

Le Répertoire des géographes est tout d’abord composé de notices des géographes français, dont le nombre n’a pas cessé d’augmenter tout au long de la période, passant de 900 en 1969 à plus de 2000 dans la dernière édition, en 2007 (fig 3.1).

172

Fig 3.1 - Effectif de géographes recensés (Notices complètes et totales) : variation 1969-2007

Source : Répertoire des géographes français (1969-2007). Auteur : S. Cuyala, 2014.

Selon les éditions, le Répertoire comporte seulement des notices complétées par les géographes eux-mêmes, comme en 1979 et 1984, mais la plupart du temps, il contient également des notices courtes réalisées par l’équipe d’Intergéo à partir de recherches bibliographiques. Par exemple, en 1969, 180 notices ont été réalisées au moyen de l’ouvrage ORBIS GEOGRAPHICUS, qui recense les géographes à un niveau international, et des listes des sujets de thèses déposés depuis 1960 en métropole.

En 1969, sur un millier de questionnaires envoyés, environ 700 géographes ont répondu ; en 1973, sur 1200 questionnaires, 850 réponses. Cela montre que, sinon la totalité, du moins la majorité des géographes est répertoriée dans les premières éditions. Les informations manquantes tiennent aux non-réponses comme l’indiquait R. Brunet en 1980 :

« La plupart des lacunes tient à la négligence de géographes, dont certains ont reçu jusqu'à trois rappels par nos soins ou par ceux de nos correspondants. Or, la bienséance, et la nouvelle législation sur les fichiers automatisés, nous interdisaient d'introduire dans le

Répertoire des fiches incomplètes et sans l'accord des intéressés. » (Brunet, 1980, p. 4)

Les notices courtes réapparaissent progressivement, à partir de l’édition de 1989, et sont alors d’une aide précieuse pour la représentation de l’ensemble de la communauté des géographes :

« De trop nombreux géographes travaillant à l’université, au CNRS ou à l’ORSTOM n’avaient pas répondu. Pour pallier à ce manque, nous avons inséré des notices courtes constituées d’éléments en notre possession – année de naissance, diplômes obtenus, thèses soutenues et la fonction actuelle avec la désignation de l’organisme. Ce travail a été largement facilité par les listes que nous ont fait parvenir les secrétariats universitaires de géographie et d’urbanisme pour l’année 1993-1994 ; ainsi l’ensemble des Maîtres de conférences et des Professeurs est référencé dans la base. Quant aux géographes de l’ORSTOM, nous avons pu mentionner, outre l’adresse de leur équipe, les grands thèmes

173

de leurs recherches. Au terme de ce travail, nous présentons un ensemble de 1545 notices, dont 160 notices courtes. » (Collectif, 1994, p. 7)

Figurent dans le Répertoire des géographes français : - « les membres de l’Enseignement supérieur ;

- les chercheurs rattachés à différents organismes : Centre National de la Recherche Scientifique, École pratique des Hautes Études (devenu EHESS), Office de la Recherche Scientifique et Technique d’Outre-Mer (devenu IRD), Institut Fondamental d’Afrique Noire, Institut National d’Études Démographiques, Bureau de Recherches Géologiques et Minières…

- Les géographes qui travaillent dans des bureaux d’études et ceux qui ont entrepris des thèses de Doctorat d’État. Les géographes qui ne préparent que des thèses de 3ème cycle et

qui ne font pas partie de l’Enseignement Supérieur n’ont pas été répertoriés ;

- Quelques auxiliaires de la recherche : bibliothécaires, cartographes, etc. » (Collectif, 1969, p. 6)

Quant aux notices, elles contiennent un nombre important d’informations concernant le cursus, le statut professionnel, les recherches en cours, les thèmes de recherche, les lieux d’exercice des personnes recensées (encadré 3.1), ce qui permet d’envisager une analyse fine à la fois spatiale et sociale de l’histoire de la discipline.

Le Répertoire contient également deux index particulièrement précieux pour l’analyse de la géographie francophone et de ses différents courants scientifiques : un index des « thèmes de recherche » (que nous appellerons aussi « mots-clés ») et un index des lieux d’exercice de la profession des différents géographes répertoriés. Pour J.-F. Étienne et J.-L. Tissier (1992)140, qui

ont utilisé le Répertoire des géographes pour mener une étude terminologique des thèmes, de leurs apparitions et de leurs évolutions, les mots-clés représentent un bon indicateur de l’évolution des centres d’intérêt de la recherche géographique. Leur étude, qui visait à analyser l’émergence et l’évolution de la recherche géographique liées à la notion d’environnement en repérant et en comptabilisant certains mots-clés utilisés dans les différentes éditions, a plus globalement montré l’intérêt du dépouillement des éditions du Répertoire pour l’étude de courants scientifiques en géographie.

Un des intérêts principaux du Répertoire tient dans le choix des mots-clés par les géographes eux-mêmes, ce qui en fait une source des plus pertinentes pour analyser l’auto- identification des géographes relevant du mouvement de la géographie théorique et quantitative. Précisons néanmoins que le choix des thèmes et des mots-clés n’a pas été complètement libre : si les géographes interrogés peuvent proposer des mots-clés, à partir de 1979, les « thèmes étaient proposés dans le questionnaire d’enquête : le codage avait donc été établi a priori par l’équipe, à l’inverse des Annuaires précédents. Mais la possibilité était laissée d’ajouter d'autres thèmes plus précis ou n'entrant pas bien dans les rubriques proposées. Certains de ces thèmes (13 au total)

140 Paru dans Robic M.-C. (dir.) (1992), Du milieu à l’environnement. Pratiques et représentations du rapport homme/nature

174

apparaissant fréquemment ont été codés » (Brunet, 1979, p. 9). Les géographes choisissent dans la liste proposée les thèmes qui se rapprochent le plus de leurs préoccupations de recherche. Les logiques de choix par les personnes sont susceptibles de varier ; certains iront vers les mots-clés les plus précis, d’autres resteront à un niveau plus général, sans que cela corresponde nécessairement à des pratiques différentes de la recherche. De même, certains peuvent faire des choix hiérarchiques tandis que d’autres juxtaposeront des termes de niveau plus équivalent. Intergéo sélectionne les sept ou huit premiers mots-clés choisis par chaque géographe.

Encadré 3.1 - Types d'informations présentes dans le Répertoire des Géographes

Outline

Documents relatifs