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Occurrence des mots-sources de la géographie théorique et quantitative

Une analyse spatio-temporelle d’un mouvement scientifique par l’affiliation de ses acteurs

Tab 3.1 Occurrence des mots-sources de la géographie théorique et quantitative

Mots-clés 1969 1973 1980 1984 1989 1994 1998 2002 2007 Total

Mathématiques, informatique, géographie quantitative 1

Géographie quantitative 5

Géographie théorique 4

Analyse spatiale 5

Théorie et géographie quantitative 2

Quantitatif 1

Source : Répertoire des géographes français (1969-2007).

Aucun mot-source n’est présent dans l'ensemble des éditions du Répertoire. Mais l'apparition et la disparition de ces expressions apportent des informations sur l'évolution des représentations associées au mouvement et plus généralement celles de la discipline géographique. En 1969, parmi les 73 thèmes de recherche répertoriés, le seul qui se rapproche de « géographie théorique et quantitative » se trouve être « mathématiques et informatique, géographie quantitative ». Les deux mots-sources présents dans le plus grand nombre d’éditions sont « géographie quantitative » qui apparaît en 1973 (et se trouve d’ailleurs être le seul de notre sélection dans cette édition-là, sur un total de 80 thèmes) et « analyse spatiale », plus tardif puisqu’il fait son apparition à la toute fin des années 1980. Le terme « géographie théorique », apparu en 1980, suit la même logique que « géographie quantitative » tout en étant moins présent. Ces deux mots-clés sont remplacés par « théorie et géographie quantitative » en 1998. Ces trois expressions qui couvrent une période allant du début des années 1970 au début des années 2000 sont finalement assez proches de « géographie théorique et quantitative ».

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2.2. Le sens des mots-sources

Si les mots-sources issus du Répertoire paraissent a priori évidents pour représenter le mouvement théorique et quantitatif, leur emploi est librement choisi par les géographes au cours de la période, d’autant plus qu’ils ne sont accompagnés d’aucune définition. Nous avons recherché les définitions de ces mots-sources données par les dictionnaires de géographie pour tenter un cadrage de leur acception pendant la période.

2.2.1. Au centre de l’identification au mouvement : « quantitatif »

Durant les entretiens que nous avons menés, les acteurs du mouvement se ront la plupart du temps référés au terme « quantitatif » pour désigner le mouvement dans lequel ils se situent : ils emploient très souvent les mots de « géographie quantitative », « la quantitative » ou « les quantis » pour qualifier les acteurs de ce mouvement. Pour mieux comprendre les significations données à ces expressions, intéressons-nous aux définitions proposées dans quelques dictionnaires de géographie pour l’adjectif quantitatif ou des expressions associées. Dans la

première (1970) comme dans la huitième édition (2004) du Dictionnaire de la géographie de P. George et F. Verger, aucune expression comportant l’adjectif « quantitatif » ou « quantitative »

n’apparaît. Dans les Mots de la Géographie, Dictionnaire critique, l'entrée « quantitatif » existe dans

l’édition de 2005 (3ème édition) comme dans la 1ère édition de 1992. Elle a été rédigée par

R. Brunet et F. Durand-Dastès, deux membres actifs de la rénovation de la discipline (cf. chapitre 2). Ils évoquent dès le début du court article la dimension d'étiquette qu'a pris le terme de « géographie quantitative » :

« On a pendant quelque temps (années 1960 et 1970) nommé géographie « quantitative » l’ensemble des travaux qui exposaient les méthodes, techniques et résultats de l’analyse statistique en géographie, ou de l’emploi de méthodes mathématiques plus ou moins raffinées. » (Brunet, Durand-Dastès, 2005 [1992], p. 410)

Sur le fond, ils jugent ce terme inadéquat puisque, selon eux, l'approche est quantitative et non la géographie. Ces mêmes auteurs soulignent que l'emploi de l'expression « géographie quantitative » aurait seulement concerné les années 1960 et 1970. Pourtant, ce mot-clé est présent dans le Répertoire des géographes jusqu’en 1994, même si un nombre plus restreint de personnes s’y reconnaît. Dans cette définition, ils affirment même que l'expression « géographie théorique et quantitative » est obsolète :

« Le progrès de la science a permis de généraliser l’emploi raisonné et mesuré de la mesure et de la méthode hypothético-déductive, et dès lors de se débarrasser d’un adjectif erroné et inutile : la « géographie théorique et quantitative » des années 1960 à 1980 n’a plus de raison d’être. » (Brunet, Durand-Dastès, 2005 [1992], p. 410)

Selon eux, cette expression a constitué une forme d’affirmation d'un nouveau mouvement en géographie. Elle a plus généralement symbolisé la volonté de rendre visible le mouvement, c’est-à-dire une volonté d’affichage, ce qui conforte notre choix de la retenir comme désignant une affiliation au mouvement.

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Dans l’édition de 2003 du Dictionnaire de la Géographie et de l'espace des sociétés, un article plus long, rédigé par François Moriconi-Ebrard (né en 1960), acteur du mouvement théorique et quantitatif, porte explicitement le nom de « géographie quantitative ». Il y identifie clairement cette expression à :

« Un courant fondé sur le recours à l’analyse statistique et sur l’affirmation de la scientificité de la géographie par le rapprochement de ses méthodes avec celles des mathématiques et des sciences de la nature. » (Moriconi-Ebrard, 2003, p. 757)

Il s'agit pour l'auteur de la dénomination d’un « courant », mais F. Moriconi-Ebrard évoque également l'existence d'une « école de géographie quantitative ». Si la dimension méthodologique y est explicitée, la dimension théorique est sous-jacente (« affirmation de la scientificité de la géographie »). L'amalgame entre « géographie quantitative » et « géographie théorique et quantitative » est plus net encore ici :

« L’école de géographie quantitative a connu son essor aux États-Unis. Elle a pénétré en Angleterre dans les années 1960-1970 et en France dans les années 1970-1980. La géographie quantitative est rejetée par de nombreux géographes, non pas pour le recours à la formalisation mais en raison de la tentation, chez certains quantitativistes, de reconnaître la primauté des lois « naturelles » sur les logiques sociales. » (Moriconi-Ebrard, 2003, p. 757)

L'auteur affirme dans cet article qu’« une des démarches couramment associée à la géographie quantitative est la modélisation ». Dans le petit paragraphe sur la modélisation, l'auteur parle à plusieurs reprises de « théorie » (4 occurrences), nouvelle preuve que « géographie quantitative » comprend pour l’auteur une facette « théorie » dont la modélisation fait partie.

Ce premier mot-source mérite donc d’être retenu puisque les dictionnaires qui le citent l’identifient bien au mouvement, qu’ils l’ignorent délibérément (rappelons que Pierre George (1972) a par ailleurs publié un article intitulé « l’illusion quantitative en géographie » dans les Mélanges offerts au Professeur A. Meynier), ou qu’ils y soient favorables ou opposés.

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